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Rotterdam 2023 : Le cinéma comme rempart face à la barbarie

Par Olivier Thibodeau

Prologue | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5

C’est avec un mélange d’appréhension et d’excitation que j’aborde le Festival de Rotterdam cette année. Comme tout le monde (et Mike Hoolboom), j’ai été choqué par la purge barbare et soudaine de l’équipe de programmation effectuée par les défenseures de l’anthropophagie capitaliste qui trônent au sommet de l’organisation, et pour qui l’art ne se résume plus qu’à l’art de compter. J’ai été choqué, mais pas surpris, au vu de l’avancée inexorable de la marée goudronneuse d’une pensée néolibérale mondialisée qui promeut désormais la précarité de tout∙e∙s.

Et puis, ce n’est pas la faute des films si ce sont des monstres qui dirigent le IFFR… Ce n’est pas la faute des films, qui eux sont généreux, qui eux prennent des risques, si l’univers alentour est pingre. Ce n’est pas la faute des films, qui eux favorisent les ponts entre les gens, si nos sociétés sont individualistes. Ce n’est pas la faute des films, qui eux sont le fruit de l’esprit et de la passion, si le monde n’obéit plus qu’à une mécanique économique implacable. Les films portent plutôt en leur sein la clef du problème capitaliste, constituant le revers d’un processus de mondialisation qui s’apparente, sous les diktats de commerçants hors-la-loi, à une nouvelle forme de colonialisme.

Les films nous introduisent à des gens et à idées dont nous ignorions l’existence ; ils nous aident à partager la vie d’autrui et à développer l’empathie ; ils nous repaissent d’idées nouvelles, de passions insoupçonnées ; ils servent de catalyseurs politiques. Ce sont des lucarnes vers l’utopie ou vers l’abîme, des appels à l’action visant à accéder à l’un en se soustrayant à l’autre. Je ne parle pas des films commerciaux, bien sûr, de cette bouillie marvelienne informe régurgitée par les studios Disney comme autant de pets opiacés. Je parle des films qui figurent à mon horaire des prochains jours : des films de punks chinois∙e∙s, de militant∙e∙s hongkongais∙e∙s, de musulmanes malaisiennes, d’immigrantes iraniennes, de villageoises albanaises, de drag queens sud-africaines, d’ex-tôlards espagnols, d’ouvriers italiens, d’employé∙e∙s de supermarché suédois∙e∙s, des polars namibiens, des giallos indonésiens, des films de montage colombiens… C’est en eux que réside la solution au problème plus large de l’économie capitaliste ; c’est en eux que gît la source d’inspiration et de courage qui nous permettra peut-être de lancer le premier des derniers molotov

On est bien sûr en droit de se demander quel impact aura la purge sur la programmation, et c’est bien ce que je compte découvrir lors de mon séjour de dix jours en terre néerlandaise, moi qui suis désormais un habitué du festival. Voici d’ailleurs l’un des buts sous-jacents de mon odyssée cinéphage, qui, quoique motivée par une sorte de boulimie cinéphilique incontrôlable, n’en constitue pas moins un parcours exploratoire, afin de retrouver l’essence d’un festival dont le visage vient de changer drastiquement, mais surtout celle d’un monde plus vaste, qu’il nous incombe de mieux connaître pour mieux le guérir.

 

PROLOGUE
(Mike Hoolboom)

INTRODUCTION

PARTIE 1
(Mascotte, Another Spring, Maryam, I AM HERE!)

PARTIE 2
(If We Burn, Under the Hanging Tree, 
2551.02 — The Orgy of the Damned, Trenque Lauquen, Clementina)

PARTIE 3
(La noirceur souterraine des racines, Suddenly,
Three Sparks, Okiku and the World, La Sudestada
)

PARTIE 4
(Official Film of the Olympic Games Tokyo 2020 Side A,
Mudos Testigos, Superposition, The Store)

PARTIE 5
(La mala familia, A primeira idade, Malin TV,
Interdit aux chiens et aux Italiens, Faces of Anne)

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Article publié le 27 janvier 2023.
 

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