WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
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Fantasia 2022 : Introduction

Par Olivier Thibodeau

Des salles bondées de cinéphiles délirants. Des symphonies félines avant chaque projection. Des starlettes impérieuses qui, d’un geste, créent l’ovation. Des applaudissements à tout rompre pour Daniel qui ferme les lumières. Des films bizarres et excentriques de partout dans le monde. C’est le temps de retourner à Fantasia ! Dès ce jeudi soir, 14 juillet — et en personne en plus, après deux ans de gestion pandémique douteuse. Les choses redémarrent d’ailleurs en trombe cette année avec la venue du légendaire réalisateur hongkongais John Woo, qui recevra le prix de carrière honorifique, et dont deux des films les plus accomplis et les plus évidents (Hard Boiled [1992] et Face/Off [1997]) prendront l’affiche du Festival les 15 et 17 juillet. M. Woo animera en plus une classe de maître le samedi 16 juillet à 15 h. L’entrée est gratuite.

Quelques autres cinéastes cultes fouleront également le tapis rouge, dont Neil LaBute (Nurse Betty [2000], The Wicker Man [2006], Death at a Funeral [2010]), qui viendra présenter son nouveau thriller, House of Darkness (2022). L’astucieux Jeff Lieberman, dont le psychotronique Blue Sunshine (1977) sera projeté en version restaurée, viendra aussi rencontrer les amateurs. Satoshi Miki, le réalisateur du charmant Adrift in Tokyo (2007), sera là pour dévoiler au public canadien ses DEUX nouveaux films, Convenience Story (2022) et What to Do with the Dead Kaiju? (2022), tout comme la brillante ironiste et esthète Amanda Kramer (Give Me Pity! [2022], Please Baby Please [2022]), à qui le festival de Rotterdam avait dédié une rétrospective plus tôt cette année. Mickey Reece (Climate of the Hunter [2019], Agnes [2021]), un habitué du Festival, sera présent pour promouvoir Country Gold (2022), une nouvelle comédie noire mettant en vedette l’inimitable Ben Hall. Anurag Kashyap, le réalisateur de Gangs of Wasseypur (2012) sera de retour avec le thriller de science-fiction Dobaaraa (2022) tandis que Nawapol Thamrongrattanarit, auteur de l’amusant Heart Attack (2015) et du troublant BNK48: Girls Don’t Cry (2018), proposera une prometteuse nouvelle comédie romantique, Fast & Feel Love (2022). Rodrigo Gudiño, de la revue Rue Morgue, nous offrira quant à lui The Breach (2022), son second long métrage après le mystérieux et singulier Last Will and Testament of Rosalind Leigh (2012), et Shinji Higuchi poursuivra le revival du kaiju eiga amorcé en 2016 dans Shin Godzilla avec Shin Ultraman (2022), scénarisé par son complice d’alors, Hideaki Anno. Enfin, Patrice Leconte, du haut de ses 74 ans, viendra présenter son adaptation de Georges Simenon, intitulée simplement Maigret (2022), avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre.
 

:: Popran (Shinichiro Ueda, 2022) [Cinema Lab]


En compétition pour l’obtention du Cheval Noir, on remarque le Coupez ! (2022) de Michel Hazanavicius, un remake (inutile?) du One Cut of the Dead (2017) de Shinichiro Ueda, et Popran (2022), le nouveau film du même Ueda, dans lequel un homme part en quête de son pénis après que celui-ci se soit envolé de son entrejambe. Aussi en compétition : 12 autres films dont Megalomaniac (2022) de Karim Ouelhaj à propos des enfants du Dépeceur de Mons, Polaris (2022) de KC Carthew, sorte de Road Warrior (1981) yukonais, Fish Tale (2022) de Shuichi Okita, auteur de l’excellent Ora, Ora Be Goin’ Alone (2021), et Next Sohee (2022) de July Jung, film de clôture à la Semaine de la critique cannoise.

Parmi les films de la sélection, les spectateurs auront l’occasion d’aller voir le truculent Freaks Out (2021) de Gabriele Mainetti, rare film de superhéros doté d’une vraie personnalité, ainsi qu’une multitude d’autres curiosités, dont Huesera (2022) de Michelle Garza Cervera, vainqueur du prix Nora Ephron pour la meilleure cinéaste émergente au festival de Tribeca, un film qui semble si prometteur qu’on le compare déjà à The Babadook (2014). Le drame familial horrifique Hypochondriac (2022), le thriller toutes étoiles Resurrection (2022), la comédie noire Sissy (2022), le drame d’horreur trash Piggy (2022), le puzzle de science-fiction indien Rani Rani Rani (2021), le thriller psychologique danois Speak No Evil (2022), la comédie d’horreur Deadstream (2022), le drame fantastique tibétain One and Four (2021), le thriller comique coréen Next Door (2021), le drame d’horreur minimaliste Seire (2021), la romance poétique Ring Wandering (2021) et la science-fiction élégante de Vesper (2022) complètent le panorama des propositions saillantes de cette sélection.
 

:: The Topology of Sirens (Jonathan Davies, 2021) [Omnes Films]


Comme à l’habitude, c’est pourtant la section Camera Lucida qui semble receler les plus intrigants bijoux cinéphiliques, à commencer par le merveilleux conte exploratoire Topology of Sirens (2021) de Jonathan Davies. La section Underground semble assez prometteuse également avec, entre autres, l’envoûtant The Diabetic (2022), dernier-né de Mitchell Stafiej, génie méconnu du cinéma DIY montréalais, mais aussi le cauchemardesque Skinamarink (2022) du réalisateur albertain Kyle Edward Ball. La section Axis recèle aussi quelques intéressantes propositions, parmi lesquelles on compte le lumineux et soigné My Grandfather’s Demons (2022), premier long métrage d’animation en volume portugais, mais aussi les impressionnants Princesse Dragon (2021), Goodbye Don Glees! (2022) et Inu-Oh (2021) de Masaaki Yuasa, réalisateur du sublime Mind Game (2004). Le travail du réalisateur martiniquais Alain Bidard sera aussi à l’honneur avec Opal (2021), son deuxième long métrage après Battledream Chronicle, présenté à Fantasia en 2015. Les Documentaires de la marge incluent quelques trouvailles de plus, dont le savoureux Shari (2021) de Nao Yoshigai, mais aussi les intrigants Pez Outlaw (2022), à propos d’un contrebandier de boîtes Pez, et A Life on the Farm (2022), film de found footage sur le Ed Gein du documentaire informatif. Enfin, la nouvelle section Ombres du Septentrion se concentre sur le cinéma de genre canadien, proposant notamment le surprenant et minimaliste film de rape/revenge post-#MeToo Compulsus (2021) de Tara Thorne.

La section Fantasia Rétro est plutôt garnie cette année, incluant les suspects habituels : un vieux kaiju coréen dépoussiéré du nom de Space Monster Wangmagwi (1967), Kid With the Golden Arm (1979) et Mercenaries From Hong Kong (1982) de la Shaw Brothers, ainsi que Dr. Lamb (1992), un film de catégorie III réalisé par Billy Tang (Red to Kill [1994]) avec Simon Yam dans la peau d’un tueur psychotique un peu trop expressif… Ça promet ! Plus intrigant sans doute est le cycle House of Psychotic Women, en l’honneur du 10e anniversaire du livre éponyme signé par l’érudite Kier-La Janisse (Woodlands Dark and Days Bewitched: A History of Folk Horror [2021]), que les amateurs de genre pourront venir rencontrer à l’occasion d’une conférence gratuite qu’elle donnera le vendredi 22 juillet à 17 h 30. Plusieurs films remarquables et méconnus prendront l’affiche dans le cadre de ce cycle, dont le drame de vampire psychanalytique polonais I Like Bats (1985) et le déchirant Dans ma peau (2002) de Marina de Van, qui fête cette année son 20e anniversaire. Pour du vrai rétro rétro, il importe aussi de mentionner la présence de Poe Morgue : A Journey Into Fear With Film, Music and Theatre, une « soirée de déconcertants délices » : extraits de films muets accompagnés au piano, lecture de poèmes, théâtre atmosphérique et musique inspirés par l’œuvre d’Edgar Allan Poe, le tout organisé par nos amis savants du Cinéclub de Montréal/The Film Society.
 

:: Un été comme ça (Denis Côté, 2022) [Metafilms]


Le cinéma québécois, abondant en format court dans le cadre des Fantastiques week-ends (où seront présentés quelques-uns de nos coups de cœur du festival Regard : L’Autre rive [2022], Belle River [2022], Chimères [2022], Monsieur Magie [2022], Sikiitu [2022] et Triangle noir [2021]) se retrouve aussi en abondance dans le format long. Le nouveau film de Denis Côté, Un été comme ça (2022), en compétition à la Berlinale plus tôt cette année, sera présenté en première nord-américaine. La comédie fantastique Les pas d’allure (2022), le documentaire intime et prometteur sur les collectionneurs compulsifs Que le fan soit avec toi (2022), Punta Sinistra (2022) de Renaud Gauthier, réalisateur de Discopathe (2013) et d’Aquaslash (2019), et le gros film fantastique familial Timescape (2021) complètent le panorama québécois des longs métrages. Dans le cadre de la section Genres du Pays, Panorama-cinéma présentera Mustang (1975) de Marcel Lefebvre, qui sera projeté à la Cinémathèque le dimanche 24 juillet à 18 h 30. On note aussi la présence au programme de l’intrigant Manette ou les dieux de carton (1965), qui met en scène de manière onirique le récit d’une « héroïne sadienne en plein cœur de la Révolution tranquille ». Deux films de feu Jean-Claude Lord (le puéril Bingo [1974] et l’angoissant Visiting Hours [1982]), ainsi que le navet notoire de Louis Saïa Les Dangereux (2002) complètent la donne. Une projection gratuite de la deuxième saison de La Dump (2022), show excentrique de « marionnettes laides » conçu par l’humoriste Maude Morrissette aura aussi lieu au Cinéma du Musée le soir du 1er août.

Côté court, la sélection est écrasante, avec 293 titres internationaux, réunis dans 7 programmes québécois (L’extraordinaire ouverture, Les autres mondes, Notre monde, De monstres et d’humains, Terra Emotiva, Guide du voyageur intercomédie et De la terre jusqu’au ciel), 5 programmes pour enfants (Folles aventures à Mon Premier Fantasia, La Corée débarque à Mon Premier Fantasia, On s’amuse comme des petits fous, Animated Shorts to Make You Laugh… and Think et Aventures sur terre, mer et les airs pour les tout petits) et dans les programmes annuels réguliers : Born of Woman, Circo Animato, Frissons d’Asie, International Science-Fiction Short Film Showcase, Small Gauge Trauma et le traditionnel Zappin’ Party de DJ XL5, qui en est cette année à sa dernière édition. D’entre tous les titres à l’affiche, on retient pour l’instant le mélancolique et génial Deshabitada (2021) de la Chilienne Camila Donoso, titre mémorable de la sélection monumentale du IFFR 2022, et l’ingénieux FROM.BEYOND (2022) du Norvégien Fredrik S. Hana, grâce auquel on assiste à une invasion extraterrestre étrangement vraisemblable…

Parmi les nouveautés cette année se trouvent le programme de trois films Anime no bento, le trio de programmes sous la bannière Cavalcade de perversions (Un Regard Religieux Obscène, Je Suis Tellement Belle·au !, Une Petite Orgie Ordinaire), et le trio de programmes dédiés à l’animation coréenne (Animation Coréenne @ Fantasia 2016 – 2021, Animation Coréenne : Carte Blanche et Animation Coréenne : Perspectives 2022). Le long métrage Chun Tae-il: A Flame That Lives On (2021), à propos du leader ouvrier titulaire prendra aussi l’affiche dans le cadre du Regard sur l’animation coréenne. Les spectateurs pourront aussi assister gratuitement à une classe de maître d’animation en volume donnée par l’astucieux Kim Kangmin, réalisateur de l’excellent KKUM (2020).

Bon Festival !

 

 

INTRO

PARTIE 1
(Polaris, The Diabetic, My Small Land,
The Tales of the Party Pooper Monster, The Heroic Trio)

Face/Off

PARTIE 2
(Aspirational Slut, Coupez !, The Fish Tale,
All Jacked Up and Full of Worms, Popran)

PARTIE 3
(Lynch/Oz, L'employée du mois,
The Cow Who Sang a Song Into the Future, From.Beyond)

Entrevue : John Woo

PARTIE 4
(Les pas d'allure, One and Four, Sissy, The Harbinger)

PARTIE 5
(Detective Vs. Sleuths, The Fifth Thoracic Vertebra, Give Me Pity!,
The Pez Outlaw, Megalomaniac, My Grandfather's Demons)

PARTIE 6
(Chorokbam, Vesper, Happer's Comet, The Breach, Skinamarink, Shari)

PARTIE 7
(We Might as Well Be Dead, Opal, Resurrection,
Inu-Oh, Freaks Out, Monsieur Magie)

PARTIE 8
(Speak No Evil, Island of Lost Girls, Deshabitada, Ring Wandering)

Il demonio

PARTIE 9
(Country Gold, Whether the Weather Is Fine, Cult Hero,
Incroyable mais vrai, Compulsus, Next Sohee)

Entrevue : Shinji Higuchi

Maigret

Topology of Sirens

Shin Ultraman

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Article publié le 12 juillet 2022.
 

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