WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
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Festival Fantasia 2019 : Jours 3-4

Par Mathieu Li-Goyette, Jean-Marc Limoges et Olivier Thibodeau


photo : Warner Entertainment Japan

ALMOST A MIRACLE
Yuya Ishii  |  Japon  |  2019  |  119 minutes  |  Compétition Cheval Noir

Le Japon produit son lot de comédies romantiques interchangeables, bondées de protagonistes survoltés, de gags sexistes et de situations loufoques plaquées sur des mises en scène qui parviennent rarement à s’arracher au langage du manga et de l’anime, principaux vecteurs esthétiques de toute débridation du réalisme là-bas. Heureusement, Yuya Ishii ne fait pas partie de cette moyenne prévisible.

Au contraire, il excelle dans un sillon qu’il ne maîtrise comme personne d’autre avec autant de consistance, celui de la comédie magique, dans une sorte de ton qu’il maintient ici entre la légèreté de Lamorisse (Le ballon rouge) et la gravité de Kurosawa (Dodes’ka-den), entre le burlesque d’un Harold Lloyd et le quiproquo romantique, labyrinthique à la Preston Sturges. Ses influences sont foncièrement classiques, mais elles n’oublient jamais d’entrouvrir une fenêtre et d’y laisser passer le monde, soit le Japon de la fin de l’ère Heisei, qu’un journaliste des tabloïds, en témoin lointain de toute cette folle histoire, résume comme une « ère de la dégénération ».

À plus forte raison, têtes baissées sur leurs cellulaires, les gens qui entourent Machida (Kanata Hosoda) entretiennent leur propre indifférence face au monde, faisant du jeune lycéen une sorte de terroriste de la cause du bonheur collectif. Il se jette sur autrui pour l’aider, sans jamais qu’on lui ait demandé. Il court après qui veut lui résister, sans jamais non plus qu’on ait pensé pouvoir compter sur lui ; Machida est frêle, gêné, presque asocial… sauf quand cette pulsion altruiste, « presque miraculeuse », s’empare de lui, le fait flotter, voler (toujours Le ballon rouge), jusqu’à ceux qui ne pensaient pouvoir compter sur personne, à commencer par Inohara (Nagisa Sekimizu), une étudiante recluse, réputée inaccessible.  

C’est là qu’Ishii se démarque encore plus de ceux qui se reposeraient sur des stratégies publicitaires, sur les différents raccourcis visuels qui peuvent être repiqués à la culturelle dessinée du Japon. Au contraire, si la magie s’empare de ses images, c’est à travers des procédés de mises en scène finement calculés. Le montage aiguisé, d’une précision chirurgicale dans le découpage des actions, s’emballe aux côtés d’une esthétique qui cherche à générer de l’élan, à faire de l’air sous les pieds de personnages qui sautillent leurs émotions. La caméra maîtrisée, stable, va saisir dans l’espace les éléments moteurs du bonheur et de l’action en jouant sur des changements rapides de focales, sur des recadrages ironiques qui demeurent percutants parce qu’en plus, Ishii a eu le bon goût de tourner en 35 mm, privilégiant encore une fois l’invocation d’un réalisme magique grâce aux moyens les plus cinématographiques qui soient.

Dans cet état de grâce naturel, les codes de la comédie romantique se marient ainsi sans problème à cette mise à l’évidence des sentiments, sans abus, participant au raidissement des corps, puis à la production de trajectoires loufoques dans l’espace (comme ce magnifique plan d’ensemble où Machida et Inohara se prennent en chasse aux abords d’un canal). Ce méticuleux contrôle sur l’ensemble des péripéties permet enfin aux enjeux qui intéressent Ishii (comme la désolidarisation du monde ou l’incommunicabilité renforcée par les technologies) de ne pas porter tout le poids du film sur leurs épaules, préférant l’efficacité des gags au didactisme d’une rengaine réactionnaire. Au fond, ce qui différencie Yuya Ishii des autres cinéastes doux du Japon, c’est qu’il ne pense pas qu’il faille faire des images contemporaines afin de traiter de sujets contemporains et qu’en cela, son œuvre nous met en garde contre une modernité qui n’a rien à faire des miracles. (Mathieu Li-Goyette)

 


photo : Bilibaba

AWAY
Gints Zilbalodis  |  Lettonie  |  2019  |  75 minutes  |  Axis

Assis dans une salle de cinéma, c’est bien la première fois que je me surprends à chercher à tatillon ma manette de PlayStation 4. Parce que Away ressemble pratiquement en tout point à un jeu de Thatgamecompany (Flower, Journey), des pionniers du jeu vidéo méditatif de prestige, dotés d’ambiances léchées et de phrases musicales qui anticipent merveilleusement le mouvement contrôlable. Dans ces jeux comme dans Away, qui aurait pu mieux incorporer sa dette à ces titres, l’idée est de créer une mise en scène totalement silencieuse qui se laisse découvrir au fil de l’exploration, édifiant dans la sensibilité et la prudence un rythme qui propose au joueur/spectateur de décélérer le rythme de son avancée pour mieux considérer l’environnement autour de lui. Or ces jeux se donnaient comme ambition d’insuffler à leur médium un sentiment de préciosité, ce qu’Away a lui du mal à faire parce qu’il prend très peu son temps, et ce, même s’il semble avoir tout le temps du monde devant lui.

Le récipiendaire du prix Contrechamp à Annecy en juin dernier a pourtant ce qu’il faut pour épater : réalisé par un seul et unique animateur, le Letton Gints Zilbalodis, qui cumule tous les rôles jusqu’à la composition musicale, il repose sur un environnement interactif animé, c’est-à-dire une sorte de moteur de jeu dans lequel le cinéaste promène sa « caméra », simulant les contrecoups des travellings rapides comme les accrocs d’un panoramique précipité. C’est ainsi qu’on se rend compte que ce monde de polygones peu flexibles souhaite d’une part nous procurer une forte impression d’enivrement à travers la mécanique de sa technique (qui permet la prise de vue à l’intérieur d’un espace modélisé). Mais d’autre part, on se rend surtout compte qu’en ne travaillant pas suffisamment la tactilité de ses images, cette mécanique échoue la plupart du temps à rendre la sensibilité de sa technique. Dans ce monde où tout semble régulé par une vitesse précalculée, les marges d’erreur disparaissent et avec elles tout geste s’évanouit au profit d’une simulation sous verre. L’impression de carré de sable trop permissif prend le dessus sur l’écosystème poétique, la fable se sabote dans ses mouvements répétitifs et le mystère de ce monde déçoit au fur et à mesure qu’on se rend compte qu’il n’y aura pas de surprise, pas de changement de registre, de nouvelles textures, de mouvements aberrants, rien qui puisse jouer sur cette technique d’animation qui demeure pourtant l’intérêt premier d’Away.

Peinant à aligner son récit sur la beauté du monde qu’il simule pour nous, Away fonctionne toutefois sur un mode si particulier qu’il mérite d’être vécu par tous les amateurs de cinéma d’animation. À mi-chemin entre l’expérience simulée et le véritable poème expérimental, on finit par y entrer parce que Zilbalodis tient énormément à son fil narratif, même s’il cumule les incohérences dans sa minceur. Pourquoi le jeune garçon, sorte de petit prince équipé d’une paire de lunettes d’aviateur, persiste-t-il à s’en tenir au chemin que lui montre la carte qu’il a trouvée ? Pourquoi cette trajectoire est-elle renforcée par une liaison cosmique avec l’oisillon jaune qu’il décide d’amener avec lui ? Pourquoi les « items » (car le petit trouve tous ses outils dans un sac à dos abandonné – une carte, une gourde et une clé) servent à avancer sans jamais qu’ils puissent l’aider à se questionner sur les raisons de cette marche forcée ? Pourquoi la tortue n’a-t-elle pas aussi été emportée par la marche du géant ? On répondra à toutes ces questions en disant qu’il s’agit d’un conte et qu’un conte n’est pas obligé d’expliquer ce qu’il rend beau, mais s’il ne l’explique pas et que ce beau n’est d’emblée qu’un simulacre qui se complaît dans son artificialité, on peut se demander alors devant quoi Zilbalodis voulait qu’on s’ébaubisse sinon sa volonté de faire un film de 75 minutes en solitaire. (Mathieu Li-Goyette)

 


photo : Firefly Films

COME TO DADDY
Ant Timpson  |  Canada/Irlande/Nouvelle-Zélande  |  2019  |  94 minutes

C’est bien connu, Hitchcock filmait ses scènes d’amour comme des scènes de meurtre, et ses scènes de meurtre comme des scènes d’amour. Ce qui l’est peut-être un peu moins, parce que c’est son premier long-métrage, c’est que Timpson filme ses scènes comiques comme des scènes d’horreur et ses scènes d’horreur comme des scènes comiques. Il suffit de suivre Norval (Elijah Wood), jeune hipster de 35 ans, sur le chemin de la forêt luxuriante qui le mènera à la sèche bicoque du père (Stephen McHattie) qui l’a abandonné il y a 30 ans, pour mesurer comment tous les codes du film d’horreur — miroir de salle de bain que la victime referme et dans lequel apparaît inopinément son assaillant, ombre lacérant un filet de lumière sous une porte close, lent zoom in sur une poignée qui se met mollement à se mouvoir et à couiner… — peuvent habilement être détournés de leur effet terrifiant pour susciter le rire. Il suffit d’assister à la scène inaugurale lors de laquelle le père et le fils se mettent à jour, se racontent ce qu’ils ont fait pendant toutes ces années et rattrapent en vitesse le temps perdu, pour admettre qu’une discussion annonçant des moments d’heureuses surprises et de folles réjouissances peut facilement sombrer  parce que le master shot est filmé en grand angle et en contre-plongée, parce que la petite profondeur de champ sur chacun des interlocuteurs rend flou, voire inquiétant, tout ce qui les environne, parce que si le père jouit d’un nose room généreux, le fils est coincé sur le bord du cadre  dans un climat des plus lourds, des plus tendus et des plus angoissants. Et il suffit de voir comment le gros plan sur la fameuse roue — de vélo, de voiture ou de fauteuil roulant (chez Bava) — qui tourne et qui s’arrête pour signifier la mort d’un protagoniste peut être, ici, remplacée par un gros plan sur un vulgaire rouleau de papier de toilette pour goûter toute la joie dont fait preuve un cinéaste amoureux du cinéma de genre et soucieux de nous surprendre.

En plus de manier en virtuose ces télescopages génériques, Timpson parvient à jouer sa partition, finement millimétrée, sur tous les tons, passant habilement d’un mode majeur, à un mode mineur, puis d’un mode dorien à un mode phrygien, sans jamais accrocher de fausses notes qui dénatureraient la mélodie d’ensemble. Les scènes — émouvantes, désopilantes, gore, folichonnes, absurdes, inquiétantes, terrifiantes, prenantes, captivantes, enlevantes — trimbaleront le spectateur jusqu’à cette incontournable scène (encore habilement détournée) lors de laquelle le méchant (scatologique et repoussant Michael Smiley) offrira, dans un moment des plus aberrants qui soit, son speech final au héros avant de pousser son dernier râle. Ainsi, chaque étape — fortement colorée — que traversera Norval, et qui lui fera vivre une gamme d’émotions fortes qui ne connaîtront aucun bémol, conduira peu à peu le jeune homme, peu prédisposé à tant de situations extrêmes, à briller aux yeux d’un père qui lui aura manifesté jusqu’alors si peu de considération. Si l’amateur de sensations fortes et de changements de ton sera comblé, l’amateur de rebondissements en aura, lui aussi, pour son argent. Avec une péripétie aux dix minutes, ce film à la solide architecture scénaristique nous offre plus de revirements que l’habitation octogonale du père ne contient de murs. (Jean-Marc Limoges)

 


photo : Blue Ribbon Content

CRITTERS ATTACK!
Bobby Miller  |  États-Unis  |  2019  |  89 minutes

Mon esprit cartésien le sait très bien : je n’aurais jamais dû m’aventurer aussi loin en aval des années 80, époque révolue que, malgré leurs incessants efforts, les praticiens actuels du cinéma de genre ne parviendront jamais vraiment à réincarner. C’était plus fort que moi, j’imagine, une faim irrésistible pour cette énième mouture de ma copie de Gremlins (1984) préférée, que la bande-annonce nous vendait comme une manne nostalgique. Malheureusement, Critters Attack! est beaucoup plus intrigant sur papier qu’à l’écran. Du réalisateur Bobby Miller, on espérait vainement revoir l’approche candide et optimiste du creature feature qu’il démontrait dans The Master Cleanse (2016) et du scénariste Scott Lobdell, on souhaitait renouer avec un aussi amusant et fructueux méli-mélo de genres que dans Happy Death Day (2017). Sans savoir bien sûr, puisque le programme fantasien refuse de l’avouer, qu’il s’agit en fait d’un téléfilm produit par la sordide chaîne Syfy, qui, après avoir racheté les droits de la série, entame aujourd’hui la production industrielle d’ersatz monstrueux des films originaux.

Mais qu’est-ce qui cloche vraiment ici ? C’est que la ringardise emblématique de Syfy empoisonne tout. La ringardise, ce n’est pas un accident ici, ni même une caractéristique du film ; c’est son but tout entier. D’abord, plutôt que d’essayer de recréer l’atmosphère oppressante du film original, inhérente à une structure en huis clos visiblement trop difficile à soutenir pour la présente production, on note ainsi que le film adopte d’emblée la posture autoparodique instituée dans Critters 2: The Main Course (1988), où chaque effet d’épouvante est transformé en effet burlesque. Il n’existe donc rien d’effrayant dans cette nouvelle aventure, pas plus qu’il n’existe quoi que ce soit d’original ou d’abouti. On s’en tient bêtement à pasticher les images emblématiques de la série (fermettes sud-étasuniennes, voûtes striées de traces météoriques, plans-prédateurs à ras le sol, boules de poil roulantes et canons extra-terrestres à impulsion, mais sans l’espèce de fétiche pour la cuirette qu’exhibaient les chasseurs de prime diégétiques d’antan), sans non plus de cadrage ad hoc ou d’une quelconque technique de calibre studio, mais surtout, et c’est là que le bât blesse, sans pourvoir de gratification affective aux fans de la première époque.

Non seulement n’y a-t-il pas ici de narration à proprement parler — les personnages, platement archétypiques, passent tout leur temps à courir sans but à travers la ville, mus par divers prétextes aléatoires —, mais chacun des mécanismes affectifs d’origine sont systématiquement escamotés ou raccourcis au profit de blagues douteuses ou de tentatives maladroites de caractérisation. On voit beaucoup de boules de poil mordiller des bouts de corps en latex et s’affairer à diverses pitreries : roter des bulles de savon et gober des fils de téléphone. On voit aussi des corps de garde-chasse tombant à la renverse, obstruant la vue du spectateur en accrochant de leurs bras ballants les stores placés en avant-plan. Pourquoi ? On voit les Krites tirer quelques épines lors de la scène finale, sans dommage apparent sauf pour les quelques blagues qui en découlent ; on voit un chef japonais et son couteau se lançant sans suite à l’attaque des créatures ; on assiste à une scène d’escarmouche ultra-arthritique où les Krites volent dans les airs à la manière des bouts de cadavre chez Ryuhei Kitamura ; on voit Bianca, la gentille femelle Krite, se transformant ponctuellement en machine à tuer sur du gros rock des années 80 ; on voit même Dee Wallace, qui apparaît par-ci par-là avec son gros gun, question d’enfiler un gag de plus, d’aider in extremis les protagonistes, ou de délivrer cette perle de pseudo-féminisme, censée résoudre tout le mystère du film : « You came here to stop the male Krites from destroying the Earth », à laquelle la boule de poils blanche qui lui sert d’interlocutrice, acquiesce mignonnement. Pourquoi ? Pourquoi toutes ces bribes d’action inconséquentes ? Parce que seule la référence compte dans l’économie contemporaine du pastiche : tant qu’on a des plans de boules qui roulent, d’épines en érection, et de notre ménagère préférée devenue chasseuse de prime, on a une suite solide, adaptée au goût du jour par injection superficielle de girl power. Au diable la technique, au diable le développement des idées scénaristiques, au diable le fan service, parce que le fan service, ce n’est finalement rien d’autre que de produire toujours plus de suites. Bienvenue dans l’ère Syfy de la franchise ! (Olivier Thibodeau)

 


photo : XYZ Films

VIVARIUM
Lorcan Finnegan  |  Danemark/Ireland/Belgique  |  2019  |  97 minutes

Les plans du générique — en forme de préface — annoncent la suite : un coucou squatte le nid d’autrui pour y déposer son œuf, qu’une autre femelle couvera à son insu, sans oublier de jeter par-dessus bord l’un des siens (pour que le compte soit bon et qu’elle n’y voie que du feu) avant de s’envoler de ses propres ailes, parasiter une autre couvée et commettre un autre crime. Aussi, quand Gemma (Imogen Poots), enseignante en maternelle, et Tom (Jesse Eisenberg), paysagiste de pacotille, décident de suivre un agent immobilier un peu space (troublant Jonathan Aris) dans une banlieue monochrome, on pressent que le foyer qu’il leur présentera évoquera tout sauf la douceur. Si la prémisse est entendue (en banlieue, c’est la mort) et si l’esthétique est convenue (en banlieue, tout est pareil), il faut toutefois admettre que le film réussit, tout en nous donnant à voir un couple rivé à son bercail, à embarquer le spectateur dans un prenant road trip émotif. Cependant, à mesure que l’on avance dans ce labyrinthe, les émotions nous gagnent autant que la réflexion se perd. Plus on approche de la fin, plus on se dit que le scénario ne l’est pas. En effet, quel constat tirer de ce film qui semble, lui-même, se complaire dans des lieux communs mille fois balisés ? Les métaphores, à commencer par celle du générique, sont trop ostentatoires pour nous inviter à quitter ces ornières : la banlieue est un labyrinthe dont nous sommes prisonniers, les rapports humains y sont inexistants, l’homme qui quitte sa maison tous les matins pour travailleur creuse — littéralement — sa tombe, etc.

Aussi faut-il creuser — à notre tour — un autre chemin pour tenter de tirer de ce film quelque trésor. En fait, nous pourrions avancer que c’est surtout un monde duquel toute culture — entendons la littérature, le cinéma, la peinture, le théâtre… — est absente qui nous est présenté (et qui cause, du même coup, la perte du couple). Dans cette piaule, en effet, nulle bibliothèque, quelques cadres qui représentent, en abyme, la maison elle-même ou la pièce dans laquelle ils sont exposés, un téléviseur qui ne diffuse qu’un psychotronique fond d’écran. Or, la culture était déjà absente de la vie de ce ménage (preuve, nous dit le cinéaste, que ce n’est pas parce qu’on vit en banlieue qu’on en manque, mais que c’est parce qu’on en manque qu’on vit en banlieue) : pour cette enseignante, pourtant chargée de transmettre le savoir aux enfants, la culture se réduit à leur faire imiter des arbres frétillant sous le vent, pour ce paysagiste, la culture se résume à les planter dans le sol. Voilà peut-être ce qui explique qu’ils ont été les dupes de l’agent. S’ils avaient lu les romans de Kafka, peut-être auraient-ils fait dare-dare marche arrière avant de pénétrer dans ces dédales. S’ils avaient lu L’Énéide de Virgile ou Les Métamorphoses d’Ovide, peut-être se seraient-ils, comme Thésée, munis d’une pelote (ou de cailloux s’ils avaient lu les contes de Perrault) pour retrouver leur chemin ou peut-être auraient-ils tenté de se confectionner des ailes, comme Icare, pour s’envoler vers le soleil (plutôt que d’essayer de se rendre au centre de la terre). S’ils avaient lu L’Émile de Rousseau, peut-être auraient-ils réussi à éduquer convenablement ce détestable mioche qui leur arrive dans une boîte de Purolator, plutôt que de répondre instantanément, de façon pavlovienne, à ses moindres cris. Et si le scénariste avait lu La cantatrice chauve de Ionesco, peut-être nous aurait-il servi une finale qui évitât la structure circulaire en forme d’épanadiplose que l’on convie trop souvent quand notre propre sujet nous échappe. (Jean-Marc Limoges)

 

JOURS 1-2
(The Art of Self-Defense, Sadako, Sons of Denmark, Swallow)

JOURS 3-4
(Almost a Miracle, Away, Come to Daddy, Critters Attack!, Vivarium)

JOURS 5-6
(The Gangster, the Cop and the Devil, L'inquiétante absence,
Look What's Happened to Rosemary's Baby,
Mystery of the Night, Paradise Hills, The Wonderland)

JOURS 7-9 
(G Affairs, Idol, Knives and Skin,
Letters to Paul Morrissey, We Are Little Zombies)

JOURS 10-11
(The Incredible Shrinking Wknd,
Jesus Shows You the Way to the Highway,
Ode to Nothing, The Prey, Ride Your Wave)

 JOURS 12-13
(Alien Crystal Palace, Cencoroll Connect, Door Lock It Comes)

 JOURS 14-16
(Black Magic for White Boys, Bliss, Jessica Forever,
Koko-Di Koko-Da, The Legend of the Stardust Brothers,
Miss and Mrs. Cops)

JOURS 17-18
(Culture Shock, The Island of Cats,
Lake Michigan Monster, Night God, Les particules)

JOURS 19-20
(And Your Bird Can Sing, Depraved,
Freaks, Mon œil, Ready or Not,
Why Don't You Just Die!)

JOURS 21-22
(Dare to Stop Us, A Good Woman is Hard to Find,
House of Hummingbird, The Lodge,
Steampunk Connection, Promare)

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Article publié le 15 juillet 2019.
 

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