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GUSTAVUS AND ALIENATION (Gusztáv elidegenedik) 1976 | 4m50s | Visionner Un plan séquence nous montre un bien triste bureau où des employés sont affairés à leur routine. La cloche de fin de journée se fait entendre et tous les ouvriers, du même pas, quittent les lieux en une masse homogène. Jankovics les transforme habilement en liquide, puis en vague, dans une séquence qui n’est pas sans rappeler la première scène de Modern Times de Chaplin : mouton noir devient goutte d’eau grise et Gustav est le dernier a piètrement dégoutter hors de l’édifice. La comparaison prend de l’ampleur lorsque de riches clients d’un restaurant sont plus tard associés à des machines, gobant la nourriture mécaniquement et exaspérant notre protagoniste. Les comparaisons s’accumulent en fondus tandis que Gusztav traverse la ville jusqu’à sa demeure, où il arrive finalement. Jankovics nous montre les nombreuses fenêtres de l’appartement de son héros tragique (on aperçoit même un homme pendu à travers l’une de celles-ci) se fondant en mots-croisés. Une lassitude dont les intentions comiques ne sont jamais complètement ignorées s’installe rapidement, poussant Gustav à tenter de s’enlever la vie avec sa cravate. Slapstick oblige, il échoue. |
INAUGURATION (Hídavatás) 1969 | 4m10s | Visionner Jeune, Jankovics entretenait des ambitions d’être architecte et Inauguration en témoigne, ne serait-ce que minimalement : satire de toute une attitude protocolaire et nationaliste, Jankovics présente l’inauguration d’un pont tel un acte d’une absurdité digne de Wile E. Coyote, ultimement destructrice et laissant le pont en ruine. S’attardant sur les formes réalistes du pont dans sa séquence d’introduction prenant la forme de véritables études de perspectives, Jankovics anime le reste du court métrage d’un tracé grotesque et efficace, foncièrement caricatural et similaire au tracé de la série Gusztav. Les expressions faciales loufoques des fonctionnaires de l’État s’accumulent en même temps que les armes absurdes n’arrivant pas à couper le ruban. Inauguration clôt, en quelque sorte (et dans la mesure que la disponibilité de ces premiers courts métrages semble l’indiquer) une phase du développement de l’animateur, à mi-chemin entre la caricature et la critique sociale. |
DEEP WATER (Mélyviz) 1970 | 1m27s | Visionner Anticipant les études de lignes et de mouvements présentées dans Sisyphe quatre ans plus tard, Deep Water (présenté sous le titre de S.O.S. aux États-Unis et nominé aux Oscars) est d’abord et avant tout le récit d’une lutte à la mort, présenté tel une étude des possibilités de l’animation pour l’expression et la transformation. Se concentrant sur la noyade agonisante d’un homme prisonnier d’une caverne, Jankovics exploite toutes les possibilités d’expressions faciales, changeant le visage de l’homme à plusieurs reprises, le malléant en alternant entre moue grotesque et noyade réaliste. La lutte prend des ampleurs complètement psychédéliques lorsque l’homme (devenu pure encre sous une caméra) se fond au liquide, devient bulles et traits, pur mouvement et style. Si Jankovics semble résolu à exploiter toutes les avenues visuelles au détriment d’une trame narrative complexe, il trouve néanmoins avec Deep Water (comme il le fera avec ses courts métrages subséquents) une façon de conclure sur un revirement sombre, replaçant cette scène prolongée de noyade dans un contexte tout autre et d’autant plus inquiétant. |
SISYPHUS 1974 | 2m08s | Visionner Sans aucun doute l’exemple le plus fréquemment montré de l’animation de Jankovics, Sisyphus réinterprète le fameux poussé du rocher d’une manière purement visuelle et déconstruite. Illustré en simples lignes, Sisyphe lui-même est déconstruit de manière systématique plus son effort s’accroît; les lignes précises de son corps devenant de plus en plus abstraites jusqu’à éclater en toutes directions. À l'instar de Deep Water, ce court métrage fonctionne d’abord en tant qu’étude de mouvements, trame narrative devenant accessoire à une véritable leçon de représentation de l’anatomie dans le cinéma d’animation. Poussé en amont, le rocher grossit et devient également abstrait, révélant Sisyphe sous des traits de plus en plus élémentaires, joints aux sons primaires de l’effort, deviennent lignes épurées. La caméra s’éloigne pour révéler une montagne de rocher; une conclusion aussi dévastatrice que la précédente, témoignant peut-être de la tâche colossale accomplie par la création du court métrage lui-même. Grâce à un changement de forme continu, le médium devient transparent, chaque image isolée par le changement brusque, mais néanmoins fluide, que Jankovics s’impose lui-même. |
FIGHT (Küzdök) 1977 | 2m20s | Visionner Titre gravé à même le roc, Fight, ou Struggle (Küzdök) conclue cette impressionnante trilogie sur l’effort de l’art (ou l’art de l’effort) de manière on ne peut plus évidente : montrant l’artiste potentiellement dévoré par son oeuvre - littéralement transformé, vieilli et desséché par le processus lui-même. Après les multiples formes du visage agonisant et les lignes du corps mythique tendu par l’action, Jankovics se penche sur le dessin anatomique précis, dessinant un sculpteur, sculpture lui-même, tentant tant bien que mal d’entamer un bloc de roc. La pierre prend vie et les rôles sont renversés. Moins abstrait et jouant de perspectives plus conventionnelles (champ, contrechamps), Fight devient un véritable duel, jeu de textures et de perspectives changeantes, où l’artiste et sa création deviennent interchangeables, méconnaissables… jusqu’à ce que l’un des deux l’emporte. Les formes se raffinent, mais les perspectives ambiguës et serrées empêchent d’identifier le vainqueur avec précision. |
PROMETHEVS 1992 | 1m56s | Visionner En 1992 un quatrième film vient s’ajouter à trilogie informelle formative. Décrit par Jankovics comme l’envers de Sisyphus, mettant en scène une montée. Promethevs nous montre Prométhée, volant le feu sacré de l’Olympe. Dans une course effrénée vers le bas, une autre représentation mythique de l’effort et de l’ambition humaine s’effondre (la démesure, diront certains). Prométhée trébuche et la flamme faiblit jusqu’à s’éteindre, engloutissant le cadre de noirceur. Un profond pessimisme imprègne encore une fois le très court métrage : la flamme ne se rendra-t-elle jamais à l’homme? À en juger par les traits déformants et vieillissants que Jankovics confère à son héros (similairement au sculpteur de Fight), rien n’est moins sûr. |
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