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Festival Fantasia 2010

Par Mathieu Li-Goyette
Il y a un an, Fantasia nous laissait, bouche béante, devant la projection en grande primeur d’Inglourious Basterds de Quentin Tarantino. On écrivait de cet événement qu’il allait mettre la barre haute face aux autres festivals montréalais. Non pas par la qualité comparée du film, mais bien par l’attention qu’une telle prouesse de programmation allait apporter au rayonnement de la ville. Car, il ne faut pas s’en cacher, un festival de cinéma - fête de cinéma, par définition - devrait aussi être un endroit capable de rediriger les yeux cinéphiles vers sa métropole. Chose que, l’an dernier, Fantasia a été le seul à accomplir avec autant de succès.

Mais c’est du passé. Cette année se nomme 2010 et se présente avec de nouvelles sections (Camera Lucida, Entre la mort et le diable et Subversive Serbie). La première questionnera l’état du cinéma de genre, ses ramifications, ses métamorphoses et l’hybridation des genres avec les autres grands courants du cinéma l’ayant précédé. Comment, quelqu’un comme Hirokazu Kore-eda, peut-être l’un des seuls cinéastes japonais à avoir saisi le rythme d’Ozu, se mettra-t-il à faire Air Doll, l’histoire aguichante d’une poupée gonflable devenue Pinocchio le temps d’une idylle? Ou Rubber, le film du Français Quentin Dupieux relatant les aventures meurtrières d’un pneu d’automobile? Se sont-ils appropriés des parcelles du genre? L’ont-ils laissé communiquer avec le reste de l’histoire de tel ou tel courant? Ces films, fait par des cinéphiles aguerris, ont la force d’être tous de véritables encyclopédies référentielles dont le « best of » semble avoir servi, et voilà pourquoi le Tarantino a été accueilli en roi l’an dernier, à se créer un nouveau visage. Si déformé, ce visage se mute et devient un outil de subversion incomparable, une sorte de bombe à retardement dont les qualités donnent au cinéma de genre (dont nous espérons que Camera Lucida nous abreuvera) une place bien méritée.

Dans cette lignée, le spectateur plus sûr de ses nerfs se portera vers le Serbie et sa nouvelle vague à l’honneur cette année. Naissance d’un nouveau cinéma national? Un cinéma national « genre-ifié »? Serbian Film, tête de file de ce regroupement, fait une tournée mondiale depuis plus d’un an. Chaque fois, même résultat : une révolution du cinéma de « torture-porn ». Courant popularisé par les Hostel d’Eli Roth, il semble qu’un homme venu des Carpates sache mieux y faire que notre Bostonnais favori. Cet homme, Srdjan Spasojevic, y sera. Et soyez sûrs que nous ne manquerons ni son film ni sa personne. Serbian Film étant l’un des points forts à venir du festival et nous nous ferons un plaisir de vous dire à quel point nous ne nous attendions pas à quelque chose d’aussi malsain.

Passons à autre chose d’encore plus troublant : la religion. Vous êtes-vous déjà demandés si vous iriez en Enfer après votre vie remplie de péchés? Vous êtes-vous déjà demandés si le malin vous scrutait durant votre sommeil? Si oui, possible que votre frayeur soit décuplée par le programme Entre la mort et le diable, qui fera écho à la projection du rarissime Devils (1971) de Ken Russel. Pour l’occasion, le légendaire réalisateur britannique sera au Festival et à la Cinémathèque québécoise - avis aux intéressés, le grand corpus de son oeuvre y sera présenté tout le mois de juillet - pour recevoir un prix de carrière. Cette section damnée, chargée avec de petites curiosités comme The Last Exorcist (un Exorcist revu à la sauce Blair Witch Project) saura clairement entretenir votre peur de cette religion qui passe un mauvais quart d’heure depuis l’an dernier.

Pour revenir à nos prix de carrière, Fantasia en décernera aussi un à Don Bluth et Gary Goldman, les animateurs géniaux derrière The Land Before Time, The Secret of NIMH, Dragon Lair et Titan A.E.. Autre le retour du très adoré Documentairies from the Edge, des trouvailles se sont éparpillées dans la programmation du festival. Battle in Outer Space (d’Ishiro Honda, créateur de Godzilla), Centurion du génial Neil Marshall (The Descent, Doomsday) y sera ainsi que Human Centipede, film d’horreur controversé où un savant fou éloigné en forêt tenterait de faire des triplets siamois réunis grâce aux postérieurs de chacun à la façon d’un mille-pattes. On vous laisse imaginer la suite!

Autrement, le très loufoque Symbol où, en parallèle, un japonais habillé en clown fait apparaître des objets à partir d’une armée de chérubins nus en marbre fait écho à un lutteur mexicain en proie à la gloire. Le tout signé Hitoshi Matsumoto (Dai nipponjin), on s’attend au feu d’artifice le plus imposant du festival. Et parmi ces choix variés, Kuroneko (Kaneto Shindo, 1968) a été choisi par une certaine revue de cinéma (une dénommée Panorama-cinéma que nous aimons bien) dans le cadre du lancement d’une revue imprimée. Plus tard, Scott Pilgrim V.S. The World fera assurément tout un émoi auprès des amateurs de BD ou du réalisateur Edgar Wright (le jeune génie derrière la série Spaced, Shaun of the Dead et Hot Fuzz).

Mais n’oublions pas non plus le Fantastique week-end du court-métrage québécois où tous auront l’occasion de voir la crème de la production québécoise de la dernière année. Cinéastes seront présents, mais aussi colloques seront organisés (et ils sont gratuits!) pour les metteurs en scène amateurs et autres intéressés à la production d’un premier film. Plus tard dans le festival, les 17 et 18 juillet, c’est le maître de l’horreur Stuart Gordon et son interprète fétiche Jeffrey Combs qui nous offriront quelque chose de bien spécial : une pièce de théâtre sur les derniers jours d’Edgar Allan Poe. Première internationale, l’autre représentation interprétée sur les planches de la ville de Los Angeles fut si chaudement accueillie que l’équipe de Fantasia crut bon de faire un alliage unique en son genre. Du théâtre pendant un festival de cinéma, c’est, avouons-le, l’audace festivalière la plus louable de la dernière année.

Fantasia prend donc son envol aujourd’hui, le 8 juillet, pour se terminer le 28 juillet prochain. En ouverture, The Sorcerer’s Apprentice de John Turteltaub (Phenomenon, Instinct, The Kid et National Treasure) mettant en vedette Jay Baruchel (présent pour la projection) et le très vénéré Nicolas Cage. Et puis pour clore le bal (et il en aura couler de l’encre d’ici là…) Tucker & Dale vs Evil, film d’horreur comique que l’on dit incontournable depuis sa présentation à SXSW. Ayant obtenu un financement double cette année, nul doute que Fantasia a aussi mis les bouchées doubles, car jamais une édition n’a été aussi imposante en diverses activités, projections, invités et innovations, allant de l’avant dans ce milieu du cinéma québécois bercé par les idées reçues et les clichés. Comme a dit le gourou Mitch Davis lors de la conférence de presse : « Voilà ce qui arrive lorsque vous financez Fantasia ». Le festival est, avec ses 100 000 spectateurs, l’événement de renommée internationale le moins bien financé parmi ses concurrents de la part du Fédéral et du Provincial. Comme quoi, le cinéma de genre, ça se défend encore en 2010.

Mais encore faut-il savoir quels films en retenir, quels chefs-d’oeuvre d’exploitation le resteront pour les années à venir. Quels opus se démarqueront et sauront encore faire frémir le public. C’est peut-être en opposant le Metropolis de Fritz Lang que se dénicheront quelques pistes. Film intemporel, absolu dans l’Histoire du cinéma, il sera projeté le 28 juillet prochain à la Salle Wilfrid-Pelletier avec une trame sonore originale composée par Gabriel Thibaudeau (pianiste attitré de la Cinémathèque québécoise) et interprétée par 13 musiciens pour l’occasion. Un événement unique en son genre, une chance de revoir la version restaurée avec 25 minutes manquantes retrouvées il y a plus d’une année en Argentine. Personne ici n’a encore vu ce film avec ces scènes manquantes (rajoutant, dit-on, le personnage de l’espion), encore moins dans la glorieuse salle de la Place-des-Arts. En terminant le festival de cette façon, nul doute pour l’instant que Fantasia vient de lancer un défi de taille aux autres festivals montréalais. Aucune autre finale ne nous aurait paru plus convenable.

Et puisque c’est depuis une année exactement que Panorama-cinéma fait peau neuve avec de toutes nouvelles ambitions, il est d’autant plus logique pour nous de fêter notre 7e anniversaire durant le Festival Fantasia et, par la même occasion, de lancer notre premier volume imprimé portant sur l’humanisme d’après-guerre japonais. En plus d’être l’un des partenaires média officiels francophones du festival, nous traduirons cette fois-ci un bon nombre de nos textes pour lecteur préférant l’anglais qui les trouvera sur Twitchfilm, la référence anglophone sur le cinéma de genre. On peut se le dire, beaucoup de chemin a été parcouru depuis une année. Imaginez d’ici l’an prochain…

En attendant, nous souhaitons que cette édition du festival sache remplir nos appétits cinéphiliques et cinéphagiques et que, de ces multiples découvertes, sueurs et terreurs soient au rendez-vous.

Bon festival!


ARTICLES

CINE-ASIE ET LE CINÉMA CORÉEN

CAPSULES


1 de Pater Sparrow (2009)
ALIEN VS. NINJA de Seiji Chiba (2010)
EVIL IN THE TIME OF HEROES de Yorgos Noussias (2009)
FATSO d'Arild Fröhlich (2008)
FEAST OF THE ASSUMPTION : THE OTERO FAMILY MURDERS de Marc D. Levitz (2008)
FIRST SQUAD: THE MOMENT OF TRUTH de Yoshiharu Ashino (2009)
A FROZEN FLOWER de Ha Yu (2008)
LE GRAND CHEF 2: KIMCHI BATTLE de Baek Dong-hoon (2010)
LEMMY de Greg Olliver & Wes Orshoski (2010)
HIGANJIMA de Kim Tae-gyun (2009)
MACHOTAILDROP de Corey Adams & Alex Craig (2009)
MANDRILL d'Ernesto Diaz Espinoza (2009)
MERENTAU de Gareth Huw Evans (2009)
THE PERFECT HOST de Nick Tomnay (2010)
SORTIE 67 de Jephté Bastien (2010)
TECHNOTISE: EDIT & I d'Aleksa Gajić (2009)

CRITIQUES

CASTAWAY ON THE MOON de Lee Hae-Jun (2009)
THE DEVILS de Ken Russell (1971)
THE DISAPPEARANCE OF ALICE CREED de J Blakeson (2009)
FISH STORY de Yoshihiro Nakamura (2009)
GALLANTS de Clement Cheng et Derek Kwok (2010)
HIGH SCHOOL de John Stalberg (2010)
THE HOUSEMAID de Kim Ki-young (1960)
THE HUMAN CENTIPEDE (FIRST SEQUENCE) de Tom Six (2009)
INTO ETERNITY de Michael Madsen (2010)
KURONEKO de Kaneto Shindô (1968)
THE LAND BEFORE TIME de Don Bluth (1988)
MAI MAI MIRACLE de Sunao Katabuchi (2009)
METROPOLIS de Fritz Lang (1927)
PHOBIA 2 de Songyos Sugmakanan, Parkpoom Wongpoom... (2009)
RE-ANIMATOR de Stuart Gordon (1985)
SELL OUT! de Yeo Joon Han (2008)
THE SORCERER'S APPRENTICE de Jon Turtletaub (2010)
SYMBOL de Hitoshi Matsumoto (2009)
WRITTEN BY de Wai Ka-Fai (2009)
[REC] 2 de Jaume Balagueró & Paco Plaza (2009)

ENTREVUES

DON BLUTH & GARY GOLDMAN
HERSCHELL GORDON LEWIS (Par DJ XL5)
ISABELLE GAUVREAU (Programmatrice du Fantastique week-end du court-métrage québécois)
STUART GORDON & JEFFREY COMBS


PODCAST

MARC LAMOTHE, SIMON LAPERRIÈRE ET QUELQUES CRITIQUES
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Article publié le 8 juillet 2010.
 

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