WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
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Festival Fantasia 2017 : Jours 4-5

Par La rédaction



ANIMALS

Greg Zglinski  |  Suisse, Pologne, Autriche  |  2017  |  95 minutes
 
On pourrait, au sujet d’Animals, reprendre le mot d’Alfred Hitchcock sur le montage (« It’s pure cinema. ») ou celui de mon ami monteur Stéphane Tremblay (« Le monteur, c’est le Maître du temps. »). Car ce film est un film de montage. Nick, chef cuisinier de profession, trompe sa femme Anna, auteure de livres pour enfants, avec Andrea, qui habite quelques étages au-dessus, anciennement acoquinée avec Harald, un fleuriste dépressif. Confiant l’appartement à Mischa, une bizarroïde cougar, le couple part en vacances pour plusieurs semaines dans un chalet suisse que l’on dirait abandonné, mais frappe, sur la route, un mouton. À partir de là, tout se floute. Quel jour sommes-nous ? Depuis quand sommes-nous là ? Combien de temps reste-t-il ? Le monteur brouille les pistes. Puis, par d’ingénieux raccords plastiques, il tisse des liens qu’il nous invite à dénouer : au chalet, Anna, un bandeau sur la tête, tente d’ouvrir une porte donnant sur une mystérieuse pièce tandis qu’à l’appart’, Mischa, un bandeau sur la tête, tente d’ouvrir une porte donnant sur une mystérieuse pièce — l’une se coupe au doigt, l’autre aussi — l’une baise, l’autre aussi — l’une ouvre finalement la porte, l’autre aussi — et la pièce du chalet, et la pièce de l’appart’, donnent toutes deux sur le salon d’Andrea (jouée par la même actrice qui joue Mischa), la maîtresse de service, qui s’est défenestrée. Film de montage ? Buñuelien, Lynchéen, Fellinien… ? On joue avec le temps, certes, mais avec l’espace aussi, et les causalités. L’un fait des rêves dans les rêves de l’autre. Les personnages évoluent dans deux endroits différents en même temps, voire dans deux temporalités différentes en même temps. Un superbe film en forme d’énigme sur la fin du couple, le mensonge et la tricherie auquel on nous invite à jouer, à l’instar de leurs personnages. « Qualité de ce film? ». Lettre : « B ». Beau, Bon, Bouleversant… (Jean-Marc Limoges)
 



BRIGSBY BEAR
Dave McCary  |  États-Unis  |  2017  |  100 minutes
 
Évidemment, Brigsby Bear sert essentiellement à mettre en valeur le jeu de Kyle Mooney. L’acteur, qui sévit depuis quatre ans du côté de Saturday Night Live, signe d’ailleurs le scénario du film — en plus d’y tenir le rôle principal, taillé sur mesure pour son charisme inhabituel. Par-delà cette fonction première qui la place de façon flagrante au service de sa star, cette sympathique comédie dramatique propose aussi une réflexion sincère sur la relation légèrement perverse qu’entretient le geek à l’objet de sa dévotion. Séquestré depuis sa plus tendre enfance et élevé à l’abri du réel, James (Mooney) est l’unique fan d’une série de science-fiction conçue par ses ravisseurs pour le tenir occupé ; mais, suite à sa libération, la fascination qu’exerce sur lui cette étrange émission culte devient aux yeux du monde « normal » un problème à régler. Beaucoup mieux que plusieurs autres films américains des dernières années, Brigsby Bear s’intéresse au rapport paradoxal qu’entretient une génération entière à la culture populaire — produit de consommation par l’entremise duquel nous fabriquons, dès notre plus jeune âge, notre imaginaire personnel. Dans ce contexte, la présence au générique de l’acteur Mark Hamill s’avère d’ailleurs particulièrement justifiée, son personnage faisant habilement référence à ses rôles dans Star Wars et Batman — comme si l’interprète de Luke Skywalker venait incarner avec une certaine distance critique les contradictions propres à la place qu’il occupe dans la culture de masse des quarante dernières années. (Alexandre Fontaine Rousseau)




CONFIDENTIAL ASSIGNMENT
Kim Sung-hoon  |  Corée du Sud  |  2017   |  125 minutes
 
Paraphrasant Goscinny, on aurait envie de lâcher : « Ils font chier, ces Coréens! » Leurs films sont toujours bons, parfaits même. À croire qu’ils ont trouvé la recette, composé un algorithme, découvert le Livre. Pour tout dire, il nous tentait plus ou moins de subir un « buddy cop movie » avec ruptures de ton : action – drame – comédie — thriller – poursuite – fusillade — amourette — etc. Et pourtant… le film nous happe, nous entraîne et nous garde. Magistralement. Le scénario est maîtrisé. Les motifs sont clairs. Les revirements sont rythmés. Les personnages sont typés. Les acteurs sont charismatiques. Les bagarres sont joliment chorégraphiées. Les poursuites sont spectaculairement orchestrées. Les répliques font mouche. Les gags font rire. Les ruptures sont dosées. Aucun temps mort. Jamais d’ennui. Mais comment font-ils!? Et puis, alors qu’on croit le film fini, le nœud dénoué, l’enjeu résolu, on repart de plus belle. Et on ne s’en lasse pas. On en redemande. On en veut encore. On continue de rire, de trembler, d’espérer. Arrive le générique. Et le film pousse encore sa luck, relançant l’action dans un petit rectangle, à côté des noms qui défilent. Et le public reste là, rivé, riant encore, parce que c’est bon, parfait même. Non, vraiment… Ils font chier, ces Coréens! (Jean-Marc Limoges)




LIBERATION DAY
Ugis Olte et Morten Traavik  |  Norvège, Léttonie  |  2016  |  98 minutes

Un documentaire suivant le premier groupe musical étranger à faire un spectacle en Corée du Nord, qui plus est lors des célébrations de la journée nationale de la libération (de la colonie japonaise), c’est déjà intrigant. Mais lorsqu’on connaît le groupe musical en question, c’est tout simplement fascinant. Au début des années 1980, le groupe musical yougoslave Laibach (une des tentacules du collectif artistique Neue Slowenische Kunst) faisait du bruit, tant musical que médiatique, avec leur imagerie militaire et leur musique industrielle. Utilisant en plus le nom Laibach (nom allemand utilisé durant l’occupation nazie pour désigner Ljubljana, la capitale slovène, et nom banni durant le règne de Josip Broz Tito). Décidément radical dans son approche artistique et ambiguë dans ses propos, Laibach cherche la confrontation idéologique, recontextualisant les idées de propagandes en se réappropriant des succès musicaux, démontrant le pouvoir des icônes populaires en exposant par la parodie les analogies entre la démocratie occidentale et le totalitarisme. Il est donc très étrange qu’ils soient choisis pour devenir le tout premier groupe de l’Ouest à jouer sur une scène musicale en Corée du Nord (avec l'aide du réalisateur qui fait office d'ambassadeur culturel). Autant l’image que Laibach laisse paraître en surface fait totalement écho à une certaine imagerie communiste qu’on retrouve en Corée du Nord, autant il ne pouvait pas trouver meilleur public cible pour performer leur art ambigu et semer le doute autour d’eux.

Le réalisateur Morten Traavik a fait le choix judicieux d’éviter le film-concert et met l’emphase sur toute la préparation du spectacle (en deux jours) et les confrontations idéologiques et culturelles qui viennent avec la collaboration des deux mondes. On découvre entre autres tous les processus de censure à travers lesquels le groupe doit faire face et surtout tout le dialogue et les compromis que doivent entreprendre autant les membres du band slovène que les organisateurs nord-coréens de l’évènement pour s’entendre sur ce qui pourra ou non être montré et chanté devant le public. On découvre aussi le peu de moyens qu’a le pays pour ce genre d’évènement (on a du mal à trouver cinq câbles pour brancher les appareils). Reste qu’avec ces dialogues entre les deux cultures, c’est aussi une volonté d’aller à la rencontre de l’autre qui motive le réalisateur, régulièrement à l’écran pour servir d’intermédiaire. Au final d’une organisation difficile, une partie de ce peuple isolé sera exposé pour la première fois à une musique complètement différente le temps d’un concert dans lequel Laibach se réapproprie la chanson « We Will Go to Mount Paektu » chère aux Nord-coréens et fait un parallèle en interprétant « Climb every mountain » du classique populaire « The sound of music », nous laissant découvrir les similitudes des paroles et la versatilité de l’interprétation des propos véhiculés, Laibach réussit, encore une fois, à brouiller les pistes. (David Fortin)
 


 
MY FRIEND DAHMER
Marc Meyers  |  États-Unis  |  2017  |  107 minutes
 
Il y avait deux types de public dans la salle où était présenté ce drame : ceux qui en connaissaient l’issue, et ceux qui ne la connaissaient pas (on pourrait aussi inclure, dans la première catégorie : ceux qui avaient lu le roman graphique dont le film est l’adaptation, lui-même inspiré d’un fait vécu). Dès lors, deux types d’attitudes. La première : « Mais où cela s’en va-t-il!? » La seconde : « I’ vas-tu finir par en tuer un? ». Pour l’un comme pour l’autre, Jeffrey Dahmer ne semble pas net : il collectionne les animaux morts, les dépèce, tâte leurs os, joue au débile à l’école, simule des crises d’épilepsie pour faire rire sa bande, se branle après avoir subi un check up médical, fantasme de tuer son toubib à coup de batte de baseball… Au reste, maman bouffe des pilules et papa est empoté. Non, ça ne tourne pas rond dans sa tête. Et alors que ceux qui savent qu’il deviendra sous peu un légendaire tueur en série se crispent sur leur siège, ceux qui l’ignorent baillent d’ennui ou rigolent à ses pitreries. Et ceux-là se demandent alors s’il fallait vraiment rendre sympathique ce psychopathe à ceux-ci. Tandis que le film se termine — après 100 (trop?) longues minutieuses minutes — par les classiques cartons nous apprenant/rappelant que Jeffrey Dahmer a tué 17 jeunes hommes entre 1978 et 1991, deux types de réactions gagnent le public. Ou bien on en voudra au réalisateur de nous avoir menés à sympathiser avec un futur tueur (le “Cannibal de Milwaukee”), ou bien on admirera la pudeur avec laquelle il ne fera pas du carnage le moment fort de son film. Meyers nous aura toutefois donné à voir un moment troublant d’émotion : le père tentant malhabilement de parler à son fils. Qu’eût été la suite s’il y avait réussi? Peut-être que ce film n’aurait pas eu l’heur d’exister. (Jean-Marc Limoges)



PRÉSENTATION
JOUR 1
(The Vilainess, JoJo's Bizarre Adventure: Diamond is Unbreakable – Chapter 1,
Super Dark Times)

JOURS 2-3
(A Ghost Story, The Honor Farm, Museum)

JOURS 4-5
(Animals, Brigsby Bear, Confidential Assignment, Liberation Day, My Friend Dahmer)

JOURS 6-7
(Bitch, The Little Hours, Origami, Radius, Poor Agnes,
Valerian and the City of a Thousand Planets)

JOURS 8-10
(78 / 52, The H-Man, House of the Disappeared,
The Night of the Virgin, The Senior Class)
JOURS 11-12
(A Day, Cold Hell, Have a Nice Day,
Ron Goosens, Low-Budget Stuntman)

JOURS 13-15
(Good Time, King Cohen, The Laplace's Demon, 
Most Beautiful Island)

JOURS 16-19
(68 Kill,  L'ange et la femme, Fabricated City, Mayhem,
The Tokyo Night Sky is Always the Densest Shade of Blue, Tiger Girl)

ENTREVUE AVEC LARRY COHEN
JOURS 20-21
(Bushwick, Fritz Lang, Geek Girls, Tragedy Girls)

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Article publié le 19 juillet 2017.
 

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