WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
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Festival du nouveau cinéma 2017 : Jour 7

Par Panorama - cinéma



LE CIEL ÉTOILÉ AU-DESSUS DE MA TÊTE

Ilan Klipper  |  France  |  2017  |  77 minutes  |  Compétition internationale

Bruno préfère les idées aux humains, l’abstraction au réel. Ainsi préfère-t-il l’idée de l’humanité à l’humanité elle-même, ainsi préfère-t-il l’amour dans un Pialat à l’amour dans la vie, ainsi préfère-t-il que Deleuze lui raconte les stratagèmes de la tique dans son Abécédaire à la visite d’un insectarium. Bruno ne sort jamais de chez lui. Il est l’auteur d’un premier roman au succès sidérant, mais voilà que déjà vingt années se sont écoulées depuis sa parution. Ses parents, ses amis, son ex, tout le monde est inquiet autour de lui ; il ne répond que rarement au téléphone, il cumule des relations faites pour durer une demi-journée, il hurle et danse seul chez lui, cherchant à attiser la flamme de la création à travers des angoisses nocturnes. Bruno est un intellectuel, donc par définition quelqu’un de respectablement déprimé par le monde qui l’entoure et dont l'existence est régie, comme dirait Kant, par « le ciel étoilé au-dessus de ma tête et la loi morale au fond de mon cœur »... Jusqu’au jour où ses proches, cherchant à lui faire retrouver les réalités humaines et émotives de la famille et de la société, débarquent chez lui pour organiser un guet-apens psychiatrique.

Alors que la première moitié du film d’Ilan Klipper se joue à la manière du Carnage de Polanski comme un petit théâtre serré dans un appartement, la seconde nous fait retrouver les personnages dans une fête débridée qui contraste avec l’isolement souhaité par le protagoniste. À l’instar de sa structure, Le ciel au-dessus de ma tête est un film aux polarités fortes, un film d’oppositions que Klipper rapproche à la fois par le biais de son scénario et par celui du montage, qui inscrit à l’intérieur d’une même scène les chocs passés et futurs du personnage, brisant par moments très précis, très bien choisis, la linéarité répétitive de sa paranoïa. Il en résulte un film à la fois hilarant et déprimant, où les rires et les pleurs se retrouvent comme les versants excessifs d’une même vision du monde — une vision supralucide, tourmentée, sur laquelle le monde des idées ne fait pas de quartier pour le monde des vivants. Bruno préfère le ciel au-dessus de sa tête au sol en dessous de ses pieds et pour cette raison, Klipper parvient à faire une comédie rare et ciblée, qui se veut à la fois un rappel à l’ordre pour les gens trop sérieux et un appel à la réflexion pour ceux qui ne le sont pas assez. (Mathieu Li-Goyette)
 



LES PRÉDATRICES
Ovidie  |  France  |  2016  |  70 minutes  |  Temps Ø

Faut-il vraiment prendre le temps d’écrire sur ce film ? Deux sœurs marquées d’une cicatrice au-dessus de la hanche errent, la nuit, de bar en bar, afin de chercher des mecs qu’elles ramènent chez elles pour baiser. Entre ces scènes d’orgies nocturnes, elles se rendent, chacun son tour, chez un vieillard filiforme et livide qui les attache, leur suce les orteils et se déguise en mouche (rien de moins). En échange de faveurs sexuelles obtenues, il leur remet de petites bouteilles contenant un mystérieux liquide qu’elles avalent lors de leurs bacchanales. Voilà la trame. C’est plat, puéril, infantile… et répétitif. Et ça devient insupportable quand une voix off appartenant — on l’apprendra bientôt — à une troisième soon-to-be succube viendra nous expliquer ce que l’image nous montre déjà. Au reste, cette voix homodiégétique a du mal à respecter la focalisation interne qui est la sienne, nous donnant souvent accès à des informations qu’elle ne peut pas avoir (cas de paralepse, dirait savamment Genette). Mais foin de la narratologie ! Ovidie — actrice porno, diplômée en philo, écrivaine, journaliste, féministe… —, semble avoir une impressionnante feuille de route et sûrement n’avons-nous pas tous les outils pour juger. Avouons donc notre incompréhension. Est-ce parce qu’aucune goutte de sperme ne jaillit que ce film aurait une aura féministe ? Ces femmes, soumises aux caprices du vieux, dépendantes de sa drogue et obligées de vampiriser les mecs sont-elles vraiment des « prédatrices » émancipées ? Ne sont-elles pas plutôt de simples proies en situation d’éternel asservissement ? Les ébats sont ouverts ! (Jean-Marc Limoges)




SUMMER LIGHTS

Jean-Gabriel Périot  |  France/Japon  |  2016  |  82 minutes  |  Compétition internationale

Le film s’ouvre sur le long témoignage émouvant d’une survivante de la bombe (interprétée par l’actrice Mamako Yoneyama). Un réalisateur (Hiroto Ogi) filme le témoignage en écoutant attentivement chaque moment. Intérieur, caméra statique. Puis le film va ensuite sortir de son cadre documentaire, aller vers l’extérieur et se laisser aller au gré des rencontres de son personnage principal. Une continuité intéressante dans le travail documentaire du cinéaste Jean-Gabriel Périot, qui signe ici son premier film de fiction, sachant tout son intérêt pour l’histoire et les films d’archives (le film peut faire écho à son 200 000 fantômes). C'est une sorte de variation sur Hiroshima mon amour, où cette fois un réalisateur français d’origine japonaise se rend à Hiroshima pour y enregistrer des témoignages de survivants de la bombe. Il y rencontre une femme (charmante Akane Tatsukawa) qui l’amènera dans divers endroits de la ville pour lui faire découvrir les manifestations de la vie. C’est simple, c’est beau, mais ça pourrait cependant être plus développé. On ressent l'impression de demeurer à la surface de quelque chose de plus important. En même temps, c’est peut-être l’idée, d’attraper de brefs moments, de brèves rencontres, qui n'en disent pas tant mais qui résonnent longtemps. C’est aussi l’histoire d’un film qui se cherche, à l’image de son personnage, passant du documentaire (les 20 premières minutes) à la fiction (qui cherche autant à livrer de l’information). Un film transitoire, témoignant du passage du temps mais aussi de la passation de la mémoire. Une ode aux célébrations de la vie et un rappel des échos traumatiques de certains moments de celle-ci. (David Fortin)





L'ABC DU FNC

JOUR 1
(Ava, Napalm, Samui Song)

JOUR 2
(La caméra de Claire, Claire l'hiver)

JOUR 3
(Black Hollow Cage, Les Fantômes d'Ismaël,
Loveless)

JOUR 4
(The Day After, Félicité, The Last of Us)

JOUR 5
(KFC, Mass for Shut-Ins, Sexy Durga, Unrest)

JOUR 6
(Bangkok Nights, Honeygiver Among the Dogs,
Marion, La Zone)

JOUR 7
(Le ciel étoilé au-dessus de ma tête,
Les prédatrices, Summer Lights)

JOUR 8
(All you Can Eat Buddha, The Florida Project,
Histoire que notre cinéma (ne) racontait (pas)

JOUR 9
(9 Doigts, Jeannette : l'enfance de Jeanne d'Arc,
Loving Vincent, Phase IV, Planet ∞)

LES GARÇONS SAUVAGES

JOUR 10
(Detective Bureau 2-3 – Go to Hell Bastards!,
Gate of Flesh, Thelma)

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Article publié le 13 octobre 2017.
 

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