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The Hollywood Economist : Cash breakeven & cie

Par Guilhem Caillard
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CES STARS QUI TIENNENT HOLLYWOOD

Les stars hollywoodiennes ne se cantonnent plus au rôle d’étoiles ambassadrices de la puissante industrie du divertissement. Si, autrefois, les studios s’arrogeaient le droit de vie ou de mort sur les grands noms, les Leornardo DiCaprio, Tom Cruise et autres Brad Pitt ne sont plus les simples véhicules du rêve et se sont appropriés les méthodes les plus complexes pour développer leur entreprise. Quand Marilyn se faisait entendre par le tri des clichés photographiques dont elle autorisait la publication, la star hollywoodienne actuelle négocie sa place parmi les financeurs et investit abondamment. Elle sait s’entourer de brillants avocats comme Jacob Bloom, qui a souvent représenté Arnold Schwarzenegger. Dans son livre The Hollywood Economist, Edward Jay Epstein nous fait bénéficier d’informations jusque-là confidentielles en reproduisant certaines clauses du contrat de l’acteur pour Terminator 3, summum dans l’art de la négociation.


TERMINATOR 3: RISE OF THE MACHINES de Jonathan Mostow

D’abord, il y a les exigences de base du Governator : que le film soit tourné ou pas, il réclame (et obtient) 29,25 millions de dollars bruts, auxquels s’ajoutent des enveloppes d’avantages (jet privé, personnel de sécurité, etc.). Mais la question centrale du contrat porte sur la définition des coûts pouvant être admis dans le calcul du seuil de rentabilité - le fameux cash breakeven, objet de tant d’attention dans l’industrie hollywoodienne. Pour une production, il s’agit du moment où les revenus couvrent les dépenses occasionnées; au-delà, peut commencer le partage des gains entre les différents investisseurs. Evidement, la définition du seuil n’est pas la même selon l’intervenant : au cours de la signature d’un contrat avec un acteur, le producteur oriente toujours sa comptabilité de sorte que le niveau de seuil soit difficilement atteignable. Les plus puissants sont ceux qui font les règles : le producteur se sert en premier, avec l’acteur à même de négocier un cash breakeven jouant à son avantage; les moins puissants doivent attendre leur tour (souvent, les scénaristes). Schwarzenegger a fait définir son seuil au plus bas afin d’être parmi les premiers bénéficiaires. Ainsi, pour les ventes DVD, une fois le seuil dépassé, l’acteur a réclamé 20% de l’ensemble des ventes, en deçà de son revenu de base, lui apportant un gain supplémentaire de 20 millions de dollars. C’est dire que l’acteur y aura consacré toutes ses forces : 18 mois de négociations auront conduit à 21 versions différentes du contrat avant la signature finale.


Sumner Redstone, grand patron de Paramount

Comme nombre de ses confrères, Schwarzenegger n’a jamais directement touché ces sommes : pour s’exonérer de plusieurs taxes, il a perçu les gains sous couvert de sa société Oak Productions Inc.. À ce titre, la stratégie de Tom Cruise est encore plus impressionnante.  D’abord, par son association avec Paula Wagner, il s’est creusé une forte légitimité parmi les financeurs. Lorsque Paramount lance le remake de la série Mission: Impossible, il accepte de tenir le rôle à condition d'en devenir le principal producteur, s’arrogeant 22% du revenu brut perçu par le studio sur la distribution en salles et à la télévision (70 millions de dollars au total). Pour le deuxième opus en 2000, Tom Cruise révise son pourcentage à la hausse en y ajoutant une part sur les ventes de DVD (12%) précisément au moment où ce nouveau support gagne en popularité. À la sortie de Mission: Impossible 3 (2005), le succès des ventes DVD est sans précédent et rapporte trois fois plus que les entrées en salles. Tom Cruise perçoit davantage de revenus sur les ventes, faisant gonfler sa franchise de producteur qui le place comme grand gagnant. Sumner Redstone, actionnaire majoritaire de la Paramount, rompt alors son contrat avec l’acteur/producteur devenu trop concurrentiel. Mais fort de ses investissements, Cruise est appelé par la MGM pour redonner vie à United Artists : l’occasion de lancer en 2009 le film Valkyrie qui, malgré son échec relatif, ouvre la porte à de nombreux projets lucratifs…

On comprend comment certains se placent bien au-delà du minimum salarial fixé par la Screen Actors Guild’s - 788$ pour un acteur sous contrat et par jour de tournage. Comme depuis toujours à Hollywood, le vrai talent est celui de l’entreprenariat. À cette différence près qu’aujourd’hui peut-être plus qu’avant, les stars qui investissent dans la production mènent des combats sur plusieurs fronts, en jouant dans la cour des grands négociateurs, avec et contre les studios.

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EPSTEIN, Edward Jay. The Hollywood Economist: -The Hidden Financial Reality Behind the Movies. New York: Melville House Publishing, 2010. 240 pages.

Disponible en librairies ou sur le site personnel de l’auteur.
Extraits : www.edwardjayepstein.com et www.slate.com/id/2116708/landing/1
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Article publié le 14 mars 2011.
 

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