WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
L’équipe Infolettre   |

Jeux vidéo : The Last of Us

Par Louis Filiatrault




Rares sont les sorties de jeux vidéo attendues avec autant d'ardeur que ne fut celle du récent The Last of Us. Et qui dit « ardeur » ne dit pas forcément « emballement »; occasionnant bien des sceptiques à la suite de démonstrations d'une alarmante violence l'année dernière, l'univers du jeu semblait aussi avoir bien peu pour étonner dans un paysage populaire pour le moins saturé de fictions post-apocalyptiques. Fort (ou faible, selon les points de vue) du succès de sa série Uncharted, le studio de développement Naughty Dog courait également le risque de perpétuer une formule de jeu dont les rouages et limites sont non seulement devenus très visibles, mais dictent la marche à suivre des plus luxueuses productions de type « cinématique » depuis plusieurs années déjà. Le moins qu'on puisse dire, c'est que The Last of Us arrivait précédé d'un bagage quelque peu pesant.

Cela dit, encore plus rares sont les jeux vidéo qui, au moment d'être offerts au public, se révèlent aussi méritants de l'attention qu'ils suscitent. Discrètement audacieux, techniquement accompli et certainement spectaculaire, The Last of Us constitue aussi à de nombreux égards la synthèse définitive d'un certain gaming cherchant l'équilibre entre expérience ludique flexible et incontestable dirigisme narratif. Conscients de remâcher des conventions de genre plus que bien établies et d'élever la brutalité du jeu d'action à un degré rarement tenté, Naughty Dog ont choisi d'appliquer tout leur savoir-faire à doubler une dynamique de jeu solide d'un univers riche et par-dessus tout crédible.

Ainsi traverse-t-on une Amérique sauvage qui, bien qu'anormalement désertée par la gent féminine, opère selon les mêmes tactiques désespérées que celles requises du joueur aux commandes; ainsi côtoie-t-on une galerie de personnages forts aux enjeux très personnels, dont les convictions éveillent l'empathie et motivent parfaitement la poursuite de l'avancée. Non content de dresser sa violence en carnaval grotesque à l'instar du vulgaire (mais autrement très apparenté) BioShock Infinite, The Last of Us pose fermement son regard sur la noirceur de la réalité qu'il construit et en fait son grand sujet, la source de ses défis comme de ses drames.

Imparfait comme l'est toute chose, particulièrement lors de certains passages de massacre à numéros faisant office de remplissage, The Last of Us impressionne surtout par l'assurance et la cohérence de son ensemble. Légitimement remarquable sur les plans de l'écriture et de la direction d'acteurs, d'une subtilité à coup sûr inégalée dans le médium électronique à ce jour, son sens de la mise en scène ne néglige jamais de s'étendre aux infimes aspects des portions interactives, qu'il s'agisse des lourdes cadences de marche des protagonistes, des infinies touches d'éloquence meublant ses décors ou de l'agitation tendue et soudaine de ses face-à-face meurtriers. Moins excitant, plus conservateur, mais plus constant et fin que l'indispensable série The Walking Dead de Telltale Games, il participe d'une même grande mouvance cherchant à se rapprocher peu à peu, par des moyens de plus en plus éloignés des usuels référents « geek », de préoccupations foncièrement humaines.

Disponible pour la console Playstation 3 depuis le 14 juin 2013.

Visionner la bande-annonce
Envoyer par courriel  envoyer par courriel  imprimer cette critique  imprimer 
Article publié le 2 octobre 2013.
 

Essais


>> retour à l'index