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Entrevue avec Sylvain L'Espérance

Par Alexandre Fontaine Rousseau




PAROLES RÉSISTANTES

Quelques mois après sa première aux Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal, le très beau film de Sylvain L'Espérance Sur le rivage du monde prend l'affiche cette semaine au cinéma Ex-Centris. Nous avons profité de l'occasion pour rencontrer de nouveau le cinéaste, afin de parler de son plus récent documentaire.

Sur le rivage du monde
m'apparaît comme un film de lutte, un film de résistance. Est-ce le sujet que tu avais en tête lorsque tu as débuté le projet, ou est-ce plutôt quelque chose qui t'est venu au fil du tournage?

Dès le départ, c'était clairement pour moi un film politique. Les migrants qui prennent la parole sont dans un rapport de lutte. Si, au départ, ils n'avaient pas une conscience politique des enjeux que soulevait leur migration, ils l'ont acquise au fil de leur trajet et à travers ce qu'ils ont vécu. À Bamako, au moment où moi je les ai rencontrés, ils étaient clairement engagés dans un combat politique - entre autres parce qu'à Bamako des organisations se sont mises en place et luttent clairement pour défendre les droits des migrants. Les migrants qui arrivent, désarçonnés par leur voyage, intègrent ces organisations et se battent.

On voit très bien, à travers le film, l'histoire de cette communauté qui se bâtit. Mais on en découvre aussi, en quelque sorte, les « ruines »… je pense notamment à ce ghetto abandonné…

Le ghetto a accueilli les migrants pendant trois ans de 2007 à 2009. Le ghetto, c'est en fait une maison abandonnée de trois étages, comportant une quinzaine de chambres, que les migrants ont squattée et qui a permis aux associations d'offrir un véritable service d'accueil au moment où les pays du Maghreb et européens se sont mis à pratiquer le refoulement aux frontières, comme une business. Depuis le début des années 2000, l'Europe demande aux pays du Maghreb  de contrer l'immigration clandestine et de refouler les migrants avant même qu'ils tentent de traverser. Cela se fait au travers de différents accords et traités qui lient l'aide financière accordée à ces pays à leur « bonne gestion des flux migratoires », un véritable chantage au développement. Les pays du Maghreb, notamment l'Algérie, le Maroc et la Mauritanie, ont mis à contribution leur police, leurs douanes et leur armée afin de chasser de leur territoire les Africains subsahariens, et souvent de manière parfaitement aléatoire. Le Mali, de par sa position géographique, se situe au carrefour des routes migratoires. Bamako, la capitale, est en quelque sorte devenue un point de rencontre entre les migrants refoulés du nord et ceux du sud qui se dirigeaient vers le Maghreb. Pendant les trois années où le ghetto a existé, il était un refuge pour tous ces voyageurs. Chacune des associations de migrants n'avait qu'un local, c'est tout : quand les migrants y arrivaient, on pouvait leur offrir un espace où dormir et de quoi manger pour trois jours, mais pas plus. Pendant ces années, le ghetto a offert une alternative et a été un lieu de lutte et de survie.


::  Sur le rivage du monde (Sylvain L'Espérance, 2012)


Au moment où je suis arrivé, le propriétaire de l'édifice avait chassé les migrants en permettant à César et Amih d'y vivre, devenant comme les gardiens de l'immeuble. Le ghetto porte encore les traces de ce passage des migrants. C'est un lieu  symboliquement fort qui garde la mémoire de ce passage éphémère. La situation des migrants est faite de cela - de moments où tout converge et de moments où tout éclate. Ce sont des moments de solidarité où ils prennent conscience de l'existence d'une collectivité… Puis, les chemins de chacun vont les éloigner les uns des autres, et de nouvelles solidarités vont se créer ailleurs. Dans mon esprit, j'avais le sentiment que le ghetto était un espace de résistance, une cellule qui, tout en étant à Bamako, pouvait entrer en résonance avec d'autres lieux, au Maroc, en Algérie ou en Mauritanie. Il y a aussi d'autre endroits à Bamako, comme Les Halles, un centre commercial abandonné qui sert de refuge aux migrants.

Pour les migrants, la dimension politique est même souvent à la source de leur départ. Les jeunes Camerounais présents dans mon film sont partis parce qu'ils refusaient l'avenir qui leur était réservé dans ce pays sous dictature depuis trente ans.   Cette violence d'État qu'ils quittaient, ils la croisaient de nouveau sur leur route dans leur rapport au pouvoir policier, au pouvoir douanier, à la police des frontières, à l'armée, mais aussi au pouvoir administratif qui complique chaque démarche en vue de l'obtention des papiers. Tous les pouvoirs qui contraignent les migrants sur leur route mettent en oeuvre une puissance d'exténuation. À cela s'ajoute la violence des groupes criminels à qui l'État laisse le champ libre en cachant sa propre implication dans les réseaux de trafiquants de toutes sortes. D'une certaine manière, la violence criminelle sert l'état. C'est une violence programmée. Les migrants se retrouvent pris en souricière dans ces réseaux.

Tu as tourné plusieurs films en Afrique. Tu dois sentir que tu y prends ta place, que tu y es de moins en moins un « étranger »… Est-ce que cela a un impact sur la manière dont tu filmes, dans la mesure où tu ne vas plus là pour « découvrir »?

Sur le rivage du monde posait des difficultés particulières : filmer des migrants confrontés à la violence du pouvoir rendait la rencontre plus difficile que pour mes films précédents. La caméra était perçue par eux comme un nouveau dispositif de pouvoir, pas très différent de celui des journalistes - et pas très différent même de celui des pouvoirs policiers qui demandent constamment aux migrants de se justifier, de raconter leur histoire, de dire d'où ils viennent. Quand tu arrives avec la volonté de « témoigner » de leur situation, pour eux c'est un peu la même chose… Il y avait au départ beaucoup de résistance, en fait. Le simple fait de demander à quelqu'un de raconter son histoire, c'est le mettre dans un rapport très particulier face à son parcours, face à ce qu'il a fait pour contourner les obstacles mis sur son chemin. Par exemple, la question des faux papiers. La difficulté, voire l'impossibilité d'obtenir des papiers légaux a favorisé la mise en place d'un système de faux papiers souvent opéré par les migrants eux-mêmes. La production ou l'usage de faux papiers étant condamné par les États, les migrants ne peuvent pas en parler librement. Pourtant, c'est un geste de survie face au refus arbitraire des pouvoirs administratifs. Je voyais clairement la limite de la parole, même lorsque la confiance envers moi était acquise. La crainte, même diffuse, que ce que chacun révèle puisse se retourner contre eux. Je connais bien le Mali, mais dans ce cas particulier, je me trouvais face à une difficulté qu'il fallait surpasser.

Quelle stratégie as-tu employée pour résoudre ce problème, pour passer outre cette impression de répétition?

J'ai senti avec César, le boxeur, qu'il y avait, oui, une résistance, mais aussi un désir, un sentiment ambivalent… Lors de mes deux premiers voyages, je n'ai pas pu aller chez lui. On se rencontrait toujours dans des lieux publics, mais il me parlait d'une pièce de théâtre qu'il avait montée et présentée dans le cadre des Journées de l’AME en 2008 à Bamako. Il m'a montré des vidéos de ces spectacles et même si cette pièce ne me convainquait pas, j'ai senti un désir de faire quelque chose… Puis, à la fin de mon deuxième voyage, il m'a montré un texte que j'ai trouvé vraiment fort. C'est celui qui se trouve dans le film.

Donc, c'est un peu toi qui a encouragé ce processus. C'est quelque chose de très beau dans le film, le fait que les gens non seulement « prennent la parole », une expression devenue un peu commune, mais prennent le temps de la formuler et même de la mettre en scène. Est-ce que tu as dirigé cette mise en scène ou les as-tu laissé faire?

Pendant mon absence, César a formé un groupe, qui est celui qu'on voit dans le film, et leur a proposé de travailler à partir de ce nouveau texte. Quand je suis arrivé à Bamako, la pièce était déjà montée. Mon travail, a consisté à mettre du sable dans l'engrenage, à ralentir les choses, à les questionner. Le travail s'est fait d'une manière collective.

Les acteurs n'étaient pas certains de la pièce qu'ils avaient montée, de leur jeu, alors qu'à mes yeux, la force de leur pièce venait de ces incertitudes, de ce côté amateur, de cette manière un peu figée qu'ils ont de jouer avec leur corps. J'ai cherché à les convaincre que personne ne pouvait mieux la jouer qu'eux, et qu'un acteur professionnel qui n'avait rien connu de ce qu'ils avaient subi dans le désert, les prisons, etc., ne pourrait que jouer faussement. Mais, essentiellement, mon apport a été de ralentir le processus, puis, en faisant ça, des idées ont émergé, notamment celle qu'à l'intérieur de la pièce chacun en vienne à raconter sa propre histoire. Tranquillement, cette idée que chacun se présente à la fois comme acteur et comme personne a pris forme.

Le récit a été travaillé par fragments tout au long du film, de façon à créer un principe de fractures, d'éclats. Ne pas en faire une histoire linéaire mais plutôt de la travailler sous formes de traces, de débris en cherchant une correspondance avec le parcours des migrants fait d'impossibilités, d'empêchements, de contraintes, de multiples reculs, mais aussi parfois d'avancées et de fulgurance.


::  Sur le rivage du monde (Sylvain L'Espérance, 2012)


Il y a une image vraiment forte, exemplaire, qui est celle de César qui s'entraîne dans le noir, qui se déchaîne sur place. Elle décrit parfaitement cette situation, c'en est en quelque sorte la métaphore parfaite. On a l'impression que de tels moments ne peuvent qu'être mis en scène, pensés… qu'il y a une intention formelle, même si celle-ci ne va pas à l'encontre du naturel de l'ensemble. J'ai de la misère à croire qu'ils se sont dit « hop, on va s'entraîner » et que tu as simplement filmé ce qui se déroulait devant toi.

Pourtant, c'est exactement ce qui s'est passé. Le lieu où vivent César, Amih et leurs enfants est aussi le lieu où ils pratiquent le théâtre. Donc, on glissait tout naturellement d'un milieu de vie au travail de théâtre et, tout à coup, le lieu se transformait. Ce qui nous arrêtait à la fin de chaque répétition, c'était la tombée du jour - et César avait rendez-vous avec des boxeurs de Bamako avec qui il s'entraînait. Alors, je restais souvent là pour échanger avec eux. Les gars arrivaient et boxaient à l'endroit même où avait eu lieu la pratique théâtrale. Après quelques soirs, sachant qu'ils allaient venir, j'ai laissé la caméra sur trépied, prêt à tourner. Ce n'est pas du tout mis en scène. C'était là, ça arrivait… La seule chose que j'ai faite, c'est mettre une petite lumière pour qu'on arrive à voir minimalement quelque chose. J'aimais le fait qu'on glisse d’une réalité à l'autre. Ce lieu là, finalement, était à la fois un lieu de vie, un lieu de revendication, un espace de théâtre, et aussi une salle de boxe. C'est le lieu où ils sont confinés, mais c'est aussi le lieu où s'invente un espace de liberté.

Dans leur vie, le rapport à l'espace semble très important. C'est quelque chose que l'on sent très bien à travers ton film.

À Bamako, les migrants ne sont pas pourchassés comme ils le sont au Maroc ou en Algérie, mais ils ne sont pas pour autant libres de leur déplacement parce que, sans passeport, sans carte de séjour, sans papiers, il sont confrontés quotidiennement au fait qu'ils sont étrangers. Mais ils n'ont pas non plus un désir profond de s'intégrer dans cette société. Ils ne veulent pas s'installer à Bamako, leur désir est de partir. Ils ont toujours en tête l'idée que ce passage est temporaire. D'ailleurs, César, depuis la fin du tournage, est rendu en Algérie, Félou est allé en Guinée et est maintenant en Côte d'Ivoire, tout en ayant toujours le projet d’aller en Europe. Alors, tout en fondant une association pour favoriser l'intégration des migrants dans la ville, ils ont ce désir de partir. C'est paradoxal.

C'est un peu comme si, par la force des choses, le « temporaire » devenait plus permanent que prévu…

Tout à fait. Ce qui caractérise la route migratoire, c'est un état de sédentarité, d'enfermement et de confinement, traversé par des moments de fulgurance, des départs rapides imprévus au gré des ouvertures, des voyages organisés par les passeurs. Mais l'essentiel du parcours migratoire est fait d'un temps suspendu, où tout semble circonscrit dans un espace dans lequel chacun cherche un peu de liberté, et où la frontière, chacun la transporte avec lui avec ses faux papiers et, pour les subsahariens qui se trouvent au Maghreb, avec la couleur de leur peau.  Partout où ils se déplacent, le pouvoir considère que les migrants ne sont pas à leur place. À Bamako, avec la crise alimentaire qui sévit depuis 2008, la place des migrants est graduellement devenue plus fragile. Dans le quartier Magnambougou, les habitants ont souvent offert de la nourriture aux migrants du ghetto. À plusieurs reprises, ils se sont montrés solidaires d’eux, mais ce sont aussi des habitants du même quartier qui ont porté plainte contre les migrants, ce qui a entraîné la fermeture du ghetto. Petit à petit, le quartier est devenu réfractaire à leur présence, et la police est venue les chasser.


::  Sur le rivage du monde (Sylvain L'Espérance, 2012)


Leur vie est assez dure, on s'entend. Mais ton film, tout en rendant justice à ça, ne tombe jamais dans l'apitoiement. Il y a des moments qui sont très beaux, très tendres. Je pense à cette scène où la mère donne un bain à l'un de ses enfants, tandis qu'en arrière-plan, l'autre joue. Ces moments-là ont une véritable importance dans le film.

Vivre, continuer à vivre, accomplir les gestes quotidiens les plus simples, c'est aussi une forme de résistance. Dans cette scène, j'aimais le fait que ce petit en arrière plan vienne « foutre le bordel » dans le plan. Le plus petit, c'est un enfant qui est né de la rencontre de César et d'Amih. C’est un enfant du voyage qui vient nous rappeler que quelque chose prend racine malgré tout, quelque chose qui appartient à la vie et qu'aucun pouvoir ne pourra contraindre. Il y aussi la situation particulière d'Amih avec ses enfants, pour qui la route, la possibilité de partir, est maintenant limitée par la présence de ces deux enfants. Les gars, eux, vont partir. Mais Amih, elle, demeure seule avec les enfants.

Par son sujet, la résistance, le film s'est trouvé à renvoyer aux événements qui ont secoué le Québec en 2012. Je sais que toute la préparation du film précède cette période, mais est-ce que c'est quelque chose que tu as ressentie, par exemple, au moment du montage, cet écho potentiel?

J'ai terminé le montage image du film au moment où la grève étudiante commençait. Au fur et à mesure que la grève prenait de l'ampleur, je voyais les liens entre le combat de la jeunesse ici et celle filmée à Bamako. Les gens que j'ai filmés à Bamako s'opposent au pouvoir et à son inertie avec la même force indocile que ceux qui sont sortis dans la rue ici au printemps dernier. Les jeunes Camerounais refusent l'état de dictature de leur pays qu'ils ont quitté pour ces raisons. Ils refusent la corruption systémique qui contamine la politique de nombreux pays africains. Les étudiants québécois en grève au printemps 2012, mais aussi ceux qui, encore aujourd'hui, sont dans les rues, refusent également la corruption de nos dirigeants et le saccage de la vie en commun qu’ils nous présentent comme seul programme politique possible.

Puis, il y a eu la présence policière qui est devenue beaucoup plus oppressante au printemps… c'est aussi une présence à laquelle les migrants sont confrontés. J'ai fini par comprendre que la situation des migrants pose la question de la place de l'étranger dans la société et, ultimement, de tous ceux qui refusent l'état actuel des choses. C'est là que je vois vraiment un parallèle entre le refus des migrants et des étudiants de laisser les choses aller comme elles vont. Les étudiants, les jeunes qui sont dans la rue aujourd'hui, sont dans une même position de refus, donc d'étranger face à un système qui rejette toute forme de contestation, toute forme de parole non consensuelle.

Ton film offre une autre forme de résistance - par rapport à l'image télévisuelle, qui « informe », qui impose son discours alors que tu laisses parler les gens. Qu'est-ce qui, selon toi, oppose ces deux régimes visuels, le cinéma versus la télévision?

À la télévision, on parle des migrants, mais les migrants, eux, ne parlent jamais. On parle des vaincus, mais les vaincus n'ont jamais la parole. Comment arriver à renverser cet ordre des choses? C'est une des questions qui m'importait. Pour moi, cette question n'est pas résolue. C'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'on est, en tant que cinéaste, dans un régime différent, qui n'est pas celui de la télé, que l'on est forcément à la bonne place. Je pense que le film pose cette question, entre autres par le fait de revenir constamment sur les mêmes mots et de ne pas se satisfaire d'un récit…

Linéaire?

Oui, c'est cela. Par le fait de casser le récit, de travailler à partir de fragments, de questionner les mots par la présence du jeu théâtral, on met sur la table la question du discours. On ne la résout pas, on ne dit pas « voilà la manière de faire »…


::  Sur le rivage du monde (Sylvain L'Espérance, 2012)


Il y a plusieurs registres qui cohabitent, qui se confrontent à l'intérieur du même film… à un certain point, tu filmes une télévision qui diffuse un reportage sur les migrants. Tu te distancies de ces images en filmant l'écran. Il y a une réflexion sur les discours…

Oui, il y a cette neutralité du langage télévisuel selon laquelle le réel est quelque chose que l’on peut comptabiliser pour le faire exister. Et toujours les mêmes métaphores pour parler des migrants, celle de déversements, de flux, de débordements. On nous parle de 5000 migrants, mais pas un seul ne prend la parole. Comment prendre la parole pour contrer ce discours? Vers la fin du film, on revient sur les mots de la pièce qui ont été dits auparavant.  Adama, le metteur en scène qui vient donner un coup de main, pose  la question : « Comment dit-on les choses? » Avec quel sentiment envers soi-même? Cette interrogation-là, pour moi, vient réactiver la question centrale du film : « Comment on raconte? » Le film ne donne pas de réponse, mais met sur la table cette question qui les préoccupe dès le début. Qu'est-ce qu'on dit? Qu'est-ce qu'on ne dit pas? Finalement, c'est ça l'enjeu principal du film pour moi… Parce que parfois, même libre, la parole emprisonne. Le travail théâtral a permis de libérer quelque chose et, pour eux, de prendre possession de leur histoire.

Ça ramène au pouvoir cathartique de l'art… Par l'entremise de la création, ils arrivent à dire quelque chose qu'ils n'arriveraient pas à dire autrement.

Il y avait de cela dans le rapport que j'ai eu avec eux. La première chose qu'ils m'ont dite c'est : « On en a un peu ras-le-bol des journalistes et de leur demande de témoignage ». Je leur répondais que je ne suis pas journaliste, mais cinéaste… Mais pour eux, ça restait un gars qui se présente avec un micro et une caméra. En quoi est-ce que ça pouvait être différent? Peut-être dans cette tentative de trouver quelque chose d'autre, de chercher ailleurs, à partir de fragments, de poèmes, de morceaux de théâtre, de chants. Avec ces matériaux, on commence à toucher à quelque chose qui peut nous amener ailleurs. Mais pour moi, la question que pose Michel Foucault demeure entière : « La langue des vaincus a-t-elle jamais existé? »
 
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Article publié le 29 mars 2013.
 

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