ÉDITORIAL : À l'ombre de La Métropolitaine
L’équipe Infolettre   |

Entrevue avec DJ XL5

Par Mathieu Li-Goyette
LES DESSOUS DU DJ

Depuis 2004, le Festival Fantasia s'est doté d'une exclusivité monstre : DJ XL5. L'homme qui assemble des bouts de films et programme des courts métrages à l'intérieur d'un même bloc est celui qui crée ces fameux « zappin' party ». Il est celui qui donne du fil à retordre aux nouveaux festivaliers qui peinent à prononcer le nom de ses programmes, ceux qui, en visionnant le DVD de bandes-annonces du festival quelques jours avant son lancement, se demandent : « Mais qu'est-ce que c'est? ». C'est parce qu'il est aussi original, généreux et essentiel que nous avons voulu cette année le rencontrer à l'occasion de la projection de la fiesta mexicaine du dimanche 7 juillet (à 21h au Théâtre Hall). Le DJ donnera au festival sa vraie clôture comme il est le seul à en être capable, car année après année, il cristallise de plus en plus l'âme de ce rassemblement annuel axé sur le cinéma de genre, la découverte de curiosités et le plaisir complètement électrifiant qui donnent à Fantasia son aura d'incontournable. Le DJ, cette année encore, renforce l'épithète, la met en gras et la souligne.

Panorama-cinéma : À quand remonte l'idée d'un montage vidéo de différents courts métrages? Quelle a été la première piqûre?

DJ XL5 : Depuis que j’ai 16 ans, j’ai toujours été DJ. J’ai travaillé dans de nombreux bars, festivals et événements corporatifs. J’ai toujours aimé faire des montages et des mixtapes. En 1999, j’ai trouvé dans une vente de garage l’intégral des masters des publicités de Daniel Spécialités (pour 5 $). J’ai eu le goût de partager cette trouvaille avec des amis. J’ai eu l’idée de monter une cassette qui, un peu comme Kentucky Fried Movie ou un épisode type de Phylactère cola, serait un mélange de pubs, d’extraits de films ou d’émissions de télévision, de bandes-annonces et de vieux vidéoclips. L’idée était de construire le tout comme les DJs font des montages ou des compilations où tous les titres s’enchainent. J’ai décidé d’utiliser les statiques pour simuler un changement de chaîne entre les extraits. C’est d’abord un truc que je faisais pour offrir en cadeau à des amis, mais c’est vite devenu un concept de soirées intitulées AN EVENING WITH DJ XL5.

En 2004, Fantasia recevait de plus en plus de courts métrages humoristiques dont plusieurs ne collaient pas avec un programme comme Small Gauge Trauma. Pierre Corbeil et moi sentions qu’il y aurait un intérêt pour ce type de programmations. C’est ainsi que nous avons eu l’idée de monter un programme de courts en utilisant la stratégie des collages de AN EVENING WITH DJ XL5. Logiquement, cette stratégie a débordé et j’ai pu appliquer la technique du zappin' à divers événements thématiques tel le MEXICAN ZAPPIN’ PARTY.

EL BARON DEL TERROR de Chano Urueta (1962)

Panorama-cinéma : Voyez-vous cette démarche comme un genre de « VJing » pré-enregistré ou comme un minifestival?

DJ XL5 : Un mélange des deux. La recherche de matériel et le soin apporté au montage, à la structure et au rythme des zappin’ party s’apparentent au travail des DJs ou VJs, mais la quantité de matériel proposé lors de chaque soirée évoque un minifestival.

Panorama-cinéma : Puisque John Landis était au Festival Fantasia il y a quelques jours, quelle a été sur vous l'influence de films comme Kentucky Fried Movie ou Amazon Women from the Moon? Pourrait-on dire que vous faites du « film de zapping », particulièrement depuis que vous vous êtes glissé derrière la caméra en participant à la création de quelques-uns des segments?

DJ XL5 : John Landis est en effet une grande influence. Des extraits du Kentucky Fried Movie figuraient d’ailleurs dans mes premiers spectacles en guise d’hommage. Le concept des changements de chaînes de télévision entre chaque extrait m’a été inspiré par Phylactère cola, car Kentucky Fried Movie simulait une soirée passée devant le même poste fictif de télévision. Le film UHF avec Weird Al Yankovic a aussi été une source d’inspiration, de même que And Now For Something Completely Different des Monty Python.

L’idée de passer derrière la caméra est venue naturellement. À force de m’impliquer sur une base régulière avec des réalisateurs comme ceux de  Dead Cat Films ou Road Kill Superstars, qui me fournissaient du matériel année après année, on s’est dit que ce serait amusant que je fasse des caméos dans certains films. Ces collaborations m’ont donné le goût de pousser plus loin l’expérience, qu’il s’agisse de l'écriture ou de la réalisation. L’idée est surtout pour moi de collaborer avec des gens que j’adore et pour qui j’ai une grande admiration. Je n’aspire pas à être réalisateur, j’aime mieux le montage, l’assemblage d’images trouvées. L’écriture, par contre, me branche beaucoup.

Panorama-cinéma : Quelle serait la signature de DJ XL5? Que recherche-t-il par-dessus tout? Qu'est-ce qui fait qu'un court métrage se retrouve dans vos compilations?

DJ XL5 : C’est toujours une question d’intuition et de coup de coeur. Si les DJs ont pour mandat de faire danser le public, celui de DJ XL5 est de divertir. Je m’attache beaucoup aux aspects ludiques de certains côtés de la culture populaire.
L’assemblage d’un Zappin’ party s’apparente à un collage sur papier. On place un premier truc central et on colle d’autres images autour. Au final, je garde ce qui sert le tout. Un bon court peut ne pas avoir sa place dans le rythme imposé par le reste des choix ou la thématique d’un bloc.

SANTO EL ENMASCARADO DE PLATA VS LA INVASION DE LOS MARCIANOS de Alfredo B. Crevenna (1967)

Panorama-cinéma : Pourquoi, depuis l'an dernier, avec le spécial Bollywood, vous intéressez-vous aux cinémas de genre nationaux?

DJ XL5 : En fait, j’ai toujours programmé des zappin' thématiques. Qu’il s’agisse des combats psychotroniques contre Total Crap, de mon hommage aux scopitones et vieux vidéoclips, des hommages aux vielles bandes-annonces rétro, du retro Zappin' Party dédiée à la télé des années 60 et 70, du Christmas Zappin' Party, etc.

Le concept de rendre hommage à un cinéma national de genre m’a été inspiré par les organisateurs des Rendez-vous du cinéma québécois qui me commandent depuis trois ans des montages zappin' portant sur un aspect précis de notre cinéma national, comme pas exemple l’évolution de la sexualité dans le cinéma québécois ou l’hiver sur nos écrans.

Panorama-cinéma : Et pour en venir au dernier Zappin' Party en liste, à quand remonte le cinéma de genre mexicain?

DJ XL5 : Je ne suis pas historien, mais l’explosion du cinéma de genre tel qu’on le connait semble découler d’une part des films d’aventures de lutteurs masqués (notamment Santo, Blue Demon et Mil Mascaras) populaires dans les années 60 et 70, mais aussi d’une série de films d’horreur produit par l’acteur Abez Salazar dont EL VAMPIRO (1957), EL ATAÚD DEL VAMPIRO (1958), EL HOMBRE Y EL MONSTRUO (1959), EL BARÓN DEL TERROR (1962) et LA MALDICIÓN DE LA LLORONA (1963). Si le style visuel de ces films évoque les films de monstres de la Universal, les histoires et leurs ambiguïtés morales rappellent davantage les films de la Hammer.

Plusieurs de ces films ont connu de grands succès aux États-Unis dans des versions anglaises présentées en ciné-parc ou dans le cadre de programmes doubles.

Panorama-cinéma : Est-il encore en activité? Ces genres ont-il survécu et remportent-ils encore un succès populaire au Mexique? En verra-t-on des exemples?

DJ XL5 : L’industrie du cinéma de genre au Mexique semble bien se porter, mais il faut comprendre que la nouvelle génération de réalisateurs mexicains issus du Nuevo Cine Mexicano s’intéresse davantage au cinéma d’auteur qu’au cinéma de genre (que l’on pense par exemple à Alejandro González Iñárritu et à Alfonso Cuarón). Certains réalisateurs comme Guillermo Del Toro portent et défendent le flambeau. Le cinéma de genre mexicain est aujourd’hui dominé par le « Straight to DVD ». Le genre dominant depuis les années 90 semble être le Narco Cinema - des films d’action qui relatent les violentes péripéties de dealers de drogues au Mexique. Le film EL MARICHI de Robert Rodriguez est un excellent exemple de ce type de cinéma. Le MEXICAN ZAPPIN' PARTY présentera des extraits des différents genres des années 50 à aujourd’hui.

Les programmes regroupent des extraits de plus de 50 films d’hier et d’aujourd’hui. Le MEXICAN ZAPPIN' PARTY m’a demandé près de deux ans de recherche et j’ai dû me taper près d’une centaine de films et des heures de lecture pour identifier les films et ses artisans.

Panorama-cinéma : Enfin, quelle sera la prochaine cinématographie nationale à être mise de l'avant par le traitement DJ XL5?

DJ XL5 : L’Italie m’intéresse, mais comme son cinéma de genre est relativement connu ici, je crois bien que je vais m’attarder à la culture pop japonaise (cinéma, télévision et vidéo). Mes recherches sont déjà entamées depuis près d’un an déjà.
Envoyer par courriel  envoyer par courriel  imprimer cette critique  imprimer 
Article publié le 6 août 2011.
 

Entrevues


>> retour à l'index