WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
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Rétrospective 2011 : Les 25 meilleurs films de l'année

Par Panorama - cinéma
Voici notre longue liste qui devrait mettre en boîte l’année 2011 sous tous ses aspects. Mais comme aucune liste n’est parfaite et comme le concept même de faire une liste d’oeuvres aussi différentes en oubliant nécessairement d’inclure des ovnis qui nous auraient passés sous le nez est discutable, on tiendra pour acquis qu’elle ne peut être qu’incomplète. Comme il a pu être difficile de se pencher sur le cinéma d’animation ou sur le cinéma expérimental, on nous excusera si nous avons là oublié des incontournables qui feraient défaut. Dans tous les cas, voilà ce que, globalement parlant, nous avons pensé de l’année 2011 chez Panorama-cinéma.

Pour ce qui est des modalités techniques, sachez que seuls les films distribués en salles québécoises cette année ont été comptabilisés à l’exception de The Time That Remains et de Des hommes et des dieux qui ont déjà, les années passées, fait l’objet de nos listes annuelles. Ainsi se sont retrouvés écartés les films de festival et les inédits. Nous nous excusons donc d’avance pour les festivaliers, mais il nous apparaissait important de relayer au public de la province ce que nous avons pensé des films qu’il a été en mesure de voir, et ce, en dépit de sa localisation.


RÉTROSPECTIVE 2011

PALMARÈS INDIVIDUELS
POLITIQUES AVORTÉES OU COMMENT LE CINÉMA N'EST DEMEURÉ QU'UNE CINÉPHILIE
par Mathieu Li-Goyette
L'ANNÉE EN TROIS ACTE(UR)S par Jean-François Vandeuren
L'ÉMERGENCE DU CINÉMA HYPNAGOGIQUE par Alexandre Fontaine Rousseau

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25.
PINA
de Wim Wenders
Allemagne  |  2011

Il y avait longtemps que l’appellation plutôt périlleuse du « film d’art » n’avait pas eu une telle résonnance. D’une certaine façon, le Pina de Wenders est autant une expérience viscérale (par un usage de la 3D nous donnant à bout de bras les danseurs de Bausch à travers l’écran) que Le mystère Picasso de Clouzot l’était en faisant peindre le grand cubiste sur l’objectif de la caméra à travers lequel les spectateurs des années 50 l’observaient au travail. Du même élan, cela faisait aussi un moment que Wenders ne nous avait pas étonnés par son sens inouï de la plastique au cinéma. Cette impression que le mouvement et les visages nous effleurent lorsqu’on les regarde, cette sensation si prenante de ressentir l’image avant même de la voir dans ses moindres détails. Pina a été un exercice de style incroyable sur l’art de la danse et sur les possibilités encore à sillonner d’une 3D qui, à cause de l’usage que l’industrie hollywoodienne en a fait et continue d’en faire, risque de disparaître avant que d’autres réussites n’aient vu le jour. Si tel est le cas, Pina demeurera une curiosité au lieu d’être le film pionnier qu’il mériterait d’être. (MLG)

Lire la critique de Mathieu Li-Goyette

24.
THE DESCENDANTS
d'Alexander Payne
États-Unis  |  2011

Un autre film sur le deuil. L'originalité de The Descendants, en revanche, c'est que le mort en question ne l'est pas encore. Elizabeth est alitée, branchée en permanence à des machines qui la maintiennent cliniquement en vie. Il fallait bien un cadre hawaïen pour se débarrasser de toutes les conventions qui entourent un tel événement. Il n'y a pas de surenchère du drame, pas d'adieux larmoyants. Au contraire, le film aborde une étape du deuil assez peu représentée et pourtant nécessaire à ceux qui restent. Ainsi les personnages passent-ils tour à tour au chevet d'Élizabeth pour « vider leur sac », cracher leurs quatre vérités pour se soulager d'une conscience avec laquelle ils ne souhaitent pas vieillir. Sa fille lui reproche d'avoir été infidèle, son mari lui reproche de l'apprendre de sa fille, l'épouse de l'homme avec lequel elle entretenait une liaison la pardonne d'avoir essayé de briser son ménage. Petit à petit, la chambre se rempli des émotions refoulées et permet au film de démontrer en quelques échanges combien la confession n'est pas seulement le droit de ceux qui vont mourir. (EF)

Lire la critique de Jean-François Vandeuren

23.
THE ARTIST de Michel Hazanavicius
France  |  2011

Depuis son dévoilement triomphal au Festival de Cannes, on ne cesse de célébrer les vertus cinématographiques exhibées par The Artist. Et avec raison : non seulement Hazanavicius remporte-t-il son pari de donner pleine résonnance à une oeuvre muette en noir et blanc exposée à un public contemporain, le cinéaste a su prodiguer la poésie, l’intellect et la foudre ayant toujours fait battre le coeur de la cinéphilie. Au-delà de son arsenal de fines références aux monuments du septième art ayant précédé la consécration des « talkies », The Artist s’impose surtout comme un tableau habilement romancé d’une icône du grand écran vivant et mourant selon la brillance de son étoile. On saurait d’ailleurs difficilement imaginer présence aussi incandescente que Jean Dujardin revêtant le smoking de l’artiste en question. Formant un tandem de virtuoses aux côtés d’une Bérénice Bejo dont la caméra raffole visiblement, on ne pourra donc que se joindre à l’honneur de chaque artiste ou artisan ayant légué son expertise envers l’entreprise et à la salve d’applaudissements raflée tout au long de sa trajectoire. (LHC)

Lire la critique de Jean-François Vandeuren

22.
ESSENTIAL KILLING 
de Jerzy Skolimowski
Pologne  |  2010

Il fallait bien un Polonais, tournant un film en Pologne, qui plus est, un cinéaste dont les situations limites n’ont aucun secret, pour dépeindre le portrait le plus juste des dix dernières années de guerre américaine au Moyen-Orient. Avec Vincent Gallo en chien battu, Skolimowski analysait l’âme du défendant, dénichait dans le résistant enturbanné une obligation « essentielle » de tuer. Tuer pour quoi? Pour défendre son pays, pour rétorquer à une puissance impérialiste nous poussant dans les derniers retranchements de la dignité et de la survivance. Ce meurtre essentiel reste néanmoins celui qui distingue l’homme de l’animal (cet animal meurtri aperçu dans un dernier plan énigmatique), car le meurtre est ici une survie, pas un attentat. Ainsi, le cinéaste décortiquait par une métaphore ambitieuse et rebelle toute la situation au Moyen-Orient en imageant chacune des explosions, chacun des kamikazes, comme le dernier recourt d’un peuple opprimé et prisonnier du désert. Skolimowski y appliquait ensuite la blancheur des étendues enneigées de Pologne et parvenait enfin à raser la Terre de toutes les ambassades, les États-nations, de toutes les petites politiques et de leurs distractions pour parler de la Grande politique. Et pour faire du Grand cinéma. (MLG)

Lire la critique d'Élodie François

21.
BEGINNERS
de Mike Mills
États-Unis |  2010

Il faut reconnaître que Beginners est un film inégal, pas seulement parce qu'il filme simplement des choses simples, mais aussi parce qu'il confronte inlassablement la vie d'Oliver à celle de son père. L'exercice, qui peut paraître anodin, a tôt fait de dévoiler le manque de consistance du fils face à l'incroyable énergie du patriarche, d'autant que l'homme en question est joué par un Christopher Plummer captivant d’honnêteté; l'un des plus beaux rôles de sa longue carrière. Néanmoins, le film se démarque par un montage original juxtaposant les histoires de façon à faire de l'homosexualité du père un exemple de réussite et du passé, la morale de l'avenir. En ce sens Beginners fait partie de ces films post-Harvey Milk dans lesquels l'homosexualité n'est plus une différence à défendre et ne représente plus le noeud dramatique de l'histoire. Le drame de Beginners ne répond donc pas plus du coming out que de la mort du personnage, mais de la difficulté qu'éprouve Oliver a entretenir des relations, qu'elles soient amicales ou amoureuses. (EF)

Lire la critique de Maxime Monast

20.
ATTACK THE BLOCK
de Joe Cornish
Royaume-Uni  |  2011

Hybride entre Fish Tank et Alien, avec un soupçon du cinéma de Spike Lee, le premier long métrage de Joe Cornish fut l’une des plus belles surprises du festival Fantasia 2011. Une bande de jeunes du sud de Londres défendent leur tour d’habitation à logements modiques contre une invasion d’extraterrestres poilus venus chasser sur la Terre, et tout ça en plein Guy Fawkes Day, question d’ajouter de la couleur. Doté d’une grande sensibilité, autant pour le genre qu’il explore que pour la jeunesse qu’il présente, le film fit son apparition à un moment plus qu’opportun. Alors que l’Angleterre, au prise avec de féroces émeutes, ne semble plus savoir quoi faire de sa jeunesse, Joe Cornish fait de ces quelques voyous de véritables petits héros. À l’instar du Super 8 de J.J. Abrams, Attack the Block emprunte au cinéma de science-fiction des années 80 de Spielberg, Dante et Donner, mais il évite de sombrer dans la nostalgie et utilise plutôt ces références pour émettre un regard tendre et actuel sur la jeunesse contemporaine. Accompagné des notes de Basement Jaxx, le langage coloré de ces gamins retentit dans le cosmos. (NK)



19.
THE SKIN I LIVE IN
de Pedro Almodóvar
Espagne  |  2011

Présenté par son cinéaste sous l’estampe d’un « film d’horreur sans cris ni effroi », cette adaptation libre du roman Mygale de Thierry Jonquet sonde de nouveau les concepts sur lesquels une oeuvre foisonnante en merveilles s’est érigée au cours des trois dernières décennies. Avec The Skin I Live In, Almodóvar épouse la charpente du thriller et intercale des touches de science-fiction déjantées tout en gardant fermement son texte dans la lignée de ses cogitations antérieures sur cette essence ineffable qu’est l’identité sexuelle. L’un des multiples niveaux de lecture de sa trame positionne ainsi l’apparence physique comme membrane dictant le principe du Soi; c’est en altérant ou en mutilant notre forme tangible que nous devenons ultimement monstres.  Parfaitement revêtu de la photographie d’une élégance clinique signée José Luis Alcaine, l’expérience de The Skin I Live In est celle d’un jeu de manipulation pervers où l’abandon chez le spectateur s’effectue de manière exceptionnellement déconcertante. (LHC)

Lire la critique d'Élodie François

18.
THE GIRL WITH THE DRAGON TATTOO
de David Fincher
États-Unis  |  2011

« Minutieux » et « accomplie » sont des termes plutôt modestes pour parler de la présente adaptation du populaire roman de Stieg Larsson. David Fincher, appuyé par Steven Zaillian (Schindler’s List, Gangs of New York) au scénario, réussit à capturer l’essence de cet univers ayant fait du livre un succès planétaire. La Suède n’aura jamais semblé aussi sombre et malicieuse, tandis que la neige fondra tranquillement pour dévoiler ses secrets les mieux enfouis. L’aspect le plus médiatisé aura évidemment été l’embauche de Rooney Mara - une actrice quasi inconnue - pour prêter ses traits au personnage de Lisbeth Salander. Un choix que l’on constate des plus judicieux lorsque nous la voyons finalement en action. Que ce soit la direction photo, le jeu des acteurs ou la bande originale (une deuxième collaboration entre Fincher, Trent Reznor et Atticus Ross), chaque élément rend justice aux deux adjectifs utilisés précédemment. Pour les nombreux fans de la trilogie Millennium, la seconde lecture cinématographique de cette histoire pulpeuse et dérangeante - après la médiocre adaptation suédoise - est définitivement la bonne. (MM)

Lire la critique de Jean-François Vandeuren

17.
POETRY
de Lee Chang-dong
Corée du Sud  |  2010

De tous les films sortis en salles cette année, Poetry nous est apparu comme celui le plus près de l’idée rossellinienne du réalisme et de la spiritualité au cinéma. Chef-d’oeuvre du cinéma contemporain sur la constante mise en ruine des choses, le dernier Lee Chang-dong a choqué par sa simplicité alors que le brouhaha de films d’auteur plus ambitieux semble avoir enterré sa grâce et sa subtilité toute particulière. Apprendre à revoir le monde, tel était l’idéal de la vieille Mija au bord d’une perte de mémoire de plus en plus grave. Apprendre à dire des manières les plus variées ce que l’on pense de la moindre pomme, évoquer toutes les teintes subtiles de jaune et de rouge retrouvées dans le moindre abricot, c’était le pari de Poetry; un apprentissage de la vision qui se révélait de lui-même, au fil du film et des dénouements tragiques qu’allaient rencontrer le petit-fils accusé de viol et les parents des complices, comme l’aboutissement d’une longue méditation sur le regard et l’embellissement nécessaire du quotidien. Chang-dong nous a montré l’abîme de l’oubli pour mieux nous faire comprendre l’importance de pouvoir se raconter, saisir d’où les mots et les choses viennent et où elles vont. (MLG)

Lire la critique de Mathieu Li-Goyette

16.
SOMEWHERE
de Sofia Coppola
États-Unis  |  2010

Personne ne pourra accuser Sofia Coppola de manquer de cohérence. S'intéressant une fois de plus à la désaffection des gens riches et célèbres, errant dans un monde artificiel et anonyme, prisonniers d'un perpétuel état transitoire, la cinéaste nous refait plus ou moins le coup de Lost in Translation avec ce Somewhere empreint de lassitude. Certes, on pourrait reprocher à Coppola de prêcher par excès d'épure, de se complaire dans un symbolisme somme toute élémentaire. Son film débute après tout sur l'image d'une voiture tournant en rond, pour se terminer sur celle du conducteur abandonnant le véhicule afin de poursuivre à pied sur « le grand chemin de la vie »; et on pourrait (grossièrement) résumer Somewhere à l'histoire d'un homme qui roule en Ferrari, mais s'avère incapable de cuire des spaghettis. Mais ce serait oublier l'humour délicatement cynique qui teinte son écriture, la tendresse réservée de sa mise en scène - et surtout cette émouvante sensation d'apesanteur qui nous hante longtemps après la fameuse scène de la piscine, sans contredit l'une des plus belles de l'année. (AFR)

Lire la critique de Jean-François Vandeuren

15.
LE HAVRE
d'Aki Kaurismäki
Finlande  |  2011

Toujours aussi préoccupé par le prolétariat, le Finlandais Aki Kaurismäki quitte son pays natal pour appliquer son amour inconditionnel pour le cinéma de Yasujirō Ozu aux paysages spectaculaires d’une ville côtière. Le Havre est un parfait exemple d’intégrité filmique et de continuité. Même en terrains étrangers et oeuvrant grâce à un financement en partie d’origine française, Kaurismäki demeure fidèle à sa grammaire cinématographique et aux conventions l’ayant rendu célèbre. Rares sont les exemples d’une telle attitude, surtout lorsque nous considérons la pression des investisseurs, désirant une oeuvre universelle de la part d'un réalisateur atypique. Le Havre n’est sans doute pas l’aventure la plus mémorable à être sortie de l’univers de Kaurismäki. Mais elle demeure néanmoins un bijou de cinéma des plus sympathiques s’imposant dans un monde cynique et froid. Elle nous rappelle pourquoi nous aimons ce drôle de type affichant une telle humanité. Que l’on pense aux longs regards ou bien aux scènes carrément bizarres (la réconciliation entre Little Bob et sa femme), la voyage au coeur de l’esprit de ce maître contemporain demeure sans égale. (MM)

Lire la critique d'Alexandre Fontaine Rousseau

14.
BLUE VALENTINE
de Derek Cianfrance
États-Unis  |  2010

Il va sans dire que la désintégration d’un mariage est un propos qui inspire rarement des récits édifiants.  À peine dix minutes à son compteur et Blue Valentine décochera déjà un murmure accusateur (« How many times did I tell you to lock the fucking gate? ») d’une puissance émotionnelle dévastatrice; manifestement, Cianfrance ne cherche pas l’envers doré à sa médaille. Cruauté envers le spectateur? Peut-être bien. Mais cette dichotomie passé versus présent, où la toute première rencontre du couple central se fait presque selon les règles de la comédie romantique, obscurcit les plus tendres moments tel un préambule de film d'horreur exemplaire. Déjà ici, le fait que nous aurons déjà été exposés aux versions plus âgées de Dean et Cindy incluant alcoolisme, manque criant de maturité, comportement passif-agressif et tutti quanti ne peut faire autrement que de nous nouer l'estomac. Véritable boy meets girl à retardement (et porté par la chimie naturelle transcendante des têtes d’affiche), Blue Valentine est une expérience cinématographique difficile, mais ultimement prenante dans son intransigeance. (LHC)

Lire la critique de Maxime Monast

13.
SUPER 8
de J.J. Abrams
États-Unis  |  2011

L'hommage est mignon, l'atmosphère vieillotte attachante et le synopsis sympathique à souhait. Certes, Super 8 n'est d'une certaine manière rien de plus qu'une « bonne petite vue » rétro, ayant eu la bonne idée d'assumer jusqu'au bout sa gentille ringardise. Pourtant, en renvoyant à l'âge d'or révolu du blockbuster hollywoodien, le film de J.J. Abrams fait état avec une étonnante clarté de la crise à laquelle fait aujourd'hui face le cinéma de masse. Car au-delà des multiples références nostalgiques à une époque, c'est une manière de raconter, une authentique école de pensée du cinéma populaire, que célèbre ici le cinéaste américain. En mettant en scène une bande de jeunes qui réalisent avec les moyens du bord leur propre film amateur, c'est le plaisir même de faire du cinéma que revendique haut et fort Abrams : un plaisir joyeusement naïf, foncièrement réjouissant et formidablement contagieux pour peu que l'on accepte de se prêter au jeu. (AFR)

Lire la critique de Jean-François Vandeuren

12.
NUIT #1
d'Anne Émond
Québec  |  2011

Clara rencontre Nikolaï, au hasard d'une soirée. Elle le suit, pour faire l'amour. Puis, sans s'attarder, quitte son partenaire. Car c'est ainsi qu'elle a toujours vécu : dans le malaise d'avoir à se révéler à celui qui est étranger. Pourtant, Nikolaï ne la laissera pas partir. Nuit #1 est un « one night stand », prenant pour décor l'appartement du jeune homme. Là, pendant toute la nuit, les deux êtres prendront conscience de leur difficulté à partager des sentiments pour apprendre à se connaître. La réalisatrice Anne Émond adopte une style incroyablement sobre, pour saisir au plus juste le vertige et l’égarement de ses personnages. Rarement a-t-on assisté à une telle peinture de la pudeur. Ainsi, Nuit #1 défie la conscience sociale quand tout se veut éphémère. C'est aussi le plus récent et le plus beau témoignage du renouvellement du cinéma québécois. (GC)

Lire la critique d'Alexandre Fontaine Rousseau

11.
TAKE SHELTER
de Jeff Nichols
États-Unis  |  2011

À l'image du Shame de Steve McQueen, le deuxième long métrage de Jeff Nichols se sera mérité nombre d'éloges en raison de la performance de sa principale tête d’affiche. Dans Take Shelter, Michael Shannon offre une interprétation aussi dévouée et complexe que ne pouvait l'être son incarnation de Nelson Van Alden dans la série Boardwalk Empire. Du coup, les prémonitions - ou possibles psychoses - de Curtis nous apparaitront d’emblée comme des certitudes vu le jeu puissant de l’acteur. À ces côtés, la reine de 2011 Jessica Chastain offre sa performance la plus honnête et naturelle de l'année. Et c’est ce qui rend Take Shelter aussi mémorable, et permet à Nichols de créer un univers où la tension atteint des sommets vertigineux et l’apocalypse semble toujours imminente. Malgré un concept si défaitiste, la nature humaine de vouloir protéger sa famille demeure le noyau de cette épopée intérieure. Avec un peu de recul, cette vision de la fin du monde s’avère d'une passion et d'une subtilité incomparable. Une obsession aussi profonde qu’enivrante. (MM)

Lire la critique de Jean-François Vandeuren

10.
EN TERRAINS CONNUS
de Stéphane Lafleur
Québec  |  2011

Après le choc de Continental, un film sans fusil, nous n’attendions plus que le retour de Stéphane Lafleur sur les grands écrans. Jeune réalisateur québécois des plus prometteurs, son univers décalé sur le plan des attentes, mais à la fois complètement en accord avec un spleen québéco-contemporain avait de quoi renverser par sa maîtrise du langage et des effets de style. D’une certaine façon, En terrains connus est venu confirmer ce que nous pensions de lui et ce qu’il fallait espérer pour la suite des choses. Un film congelé, débutant dans un froid de banlieue et se terminant dans une chaleur de campagne avec des accents surnaturels assez loufoques pour que l’on puisse croire à la métaphore plutôt qu’à la science-fiction à rabais, son film revient et ressasses des thématiques chères à notre cinéma. Problèmes familiaux, père absent, mère disparue, futur enneigé, regarder En terrains connus, c’était marcher de nouveau sur nos pas, ceux des personnages - habités paradoxalement par un vide terrifiant -, mais aussi sur ceux d’une angoisse collective où la chaleur humaine ne trouve de reflets possibles dans la pénombre hivernale. Le Québec de Stéphane Lafleur est sombre et c’est de ses personnages et de leur salut que surgit un futur rempli d’espoir. (MLG)

Lire la critique d'Alexandre Fontaine Rousseau

09.
ANOTHER YEAR
de Mike Leigh
Royaume-Uni  |  2010

Contrairement à son contemporain Ken Loach, avec qui il partage un fragment de la paternité du cinéma social britannique, aujourd’hui repris par, entre autres, Andrea Arnold et Shane Meadows, Mike Leigh concentre ses récits sur la singularité des caractères de ses personnages. Another Year, sorte de chronique qui s’étale sur quelques saisons, ne fait pas exception à la règle. Leigh y dépeint les rencontres entre un couple, Tom et Gerri (exemple type des joyeux retraités dont le bonheur, presqu’excessif, semble magnétique) et leur entourage, composé de gens plus malheureux les uns que les autres. Mary est réceptionniste dans le centre médical de Gerri qui termine ses soirée saoule sur le canapé et Ken, vieil ami de Tom, qui boit et mange de façon compulsive. Grâce à une mise en scène qui se refroidit à mesure que les saisons passent et à un texte de haut vol porté par une distribution béton, Leigh relativise le bonheur des uns, montrant comment il peut être alimenté par le malheur des autres. Beaucoup plus cinématographique qu’il en a l’air, Another Year est une autre brique de taille dans le mur déjà très haut du cinéma de Mike Leigh. (NK)

Lire la critique de Laurence H. Collin

08.
LE VENDEUR
de Sébastien Pilote
Québec  |  2011

Comment expliquer qu’un film portant sur le quotidien d’un simple « vendeur de chars » puisse se mériter autant d’éloges? C’est que l’impressionnant premier long métrage de Sébastien Pilote dépeint avec une force de frappe foudroyante la réalité de son microcosme en s’imprégnant parfaitement de ses paysages hivernaux comme des traditions et du rythme de vie de ses habitants. Le réalisateur situe ainsi l’existence autrement banale de ce vendeur qu’interprète tout en retenue un Gilbert Sicotte au sommet de son art au coeur de la situation particulièrement difficile de cette petite ville éloignée des grands centres dont l’avenir semblera de plus en plus compromis à mesure que passeront les jours d’inactivité du principal employeur de la région. Le tout en confrontant son protagoniste et sa famille - avec laquelle il entretient une relation visiblement très serrée - à un drame incommensurable. Une « tragédie ordinaire » à laquelle l’approche posée et les images criantes de vérité de Pilote confèrent une résonnance toute particulière dans un exercice où le climat nous aura certainement fait grelotter, tandis que la grande humanité du récit, elle, ne nous aura aucunement laissés de glace. (JFV)

Lire la critique de Mathieu Li-Goyette

07.
HUGO
de Martin Scorsese
États-Unis  |  2011

Longtemps avant qu’il ne prenne l’affiche, Hugo était déjà attendu avec une brique et un fanal. Il faut dire que l’initiative n’aurait pu détonner davantage avec les derniers élans du maître Scorsese, tels Shutter Island et The Departed. Qu’y a-t-il donc à tirer de ce « film pour enfants - en 3D par-dessus le marché - se déroulant dans le Paris de l’entre-deux-guerres? D’abord, le cinéaste se révèle celui qui aura peut-être le mieux exploité, voire qui aura le mieux défini, le potentiel artistique de la technologie tridimensionnelle à ce jour. Mais avant toute chose, Hugo s'avère un récit cinéphilique aussi captivant qu’émouvant sur l’initiation au cinéma des premiers temps - plus particulièrement à l’oeuvre de Méliès, jouant un rôle central dans la présente histoire - dont Scorsese tire tout l’émerveillement voulu à travers le regard de ses deux jeunes héros (défendus avec fougue par Asa Butterfield et Chloë Grace Moretz). Un projet certainement atypique pour le cinéaste américain, que celui-ci aura su mener avec cette même passion enivrante qu’on lui connaît, mais qui s’inscrit néanmoins parmi les plus hauts faits d’armes de cette grande figure de la préservation et de la diffusion du septième art. (JFV)

Lire la critique de Mathieu Li-Goyette

06.
TINKER TAILOR SOLDIER SPY
de Tomas Alfredson
Royaume-Uni  |  2011

La complexité du film d’Alfredson n’a d’égale que sa mise en scène et son découpage cartésien : certainement le plus impressionnant et le plus méticuleux de la dernière année. Ne nous demandant pas nécessairement de comprendre les aléas de son enquête, il exigeait néanmoins que l’on soit sous le choc à chaque regard de trop, à chaque geste surligné par une caméra attentive à des détails que seul le genre du film d’espionnage sait rendre avec autant de gravité. Alfredson a repris là où il nous avait laissés avec Let the Right One In, soit avec la responsabilité de réactualiser le cinéma de genre dans sa forme et son fond, dans ses sujets torturés et sa complète réinvention esthétique. Il prouve que cette dite réinvention passe aussi par le perfectionnement des codes établis, soit leur apprentissage et la recherche au sein de leurs mécanismes, de ce qui détermine le genre et de ce qui le distingue des autres. En quelque sorte essayiste-cinéaste venu du froid, la pureté et le détachement glacial de ses images nous ont permis de retrouver Oldman sous son meilleur jour et de voir dans la reproduction d’un style vétuste la parfaite expression de nos angoisses contemporaines. (MLG)

Lire la critique d'Alexandre Fontaine Rousseau

05.
COPIE CONFORME
d'Abbas Kiarostami
France  |  2010

Pour son premier film tourné à l'étranger, dans une langue qui n'est pas la sienne, avec des comédiens reconnus dans leur domaine respectif, Abbas Kiarostami était attendu à plus d'un tournant. Il faut dire que nombreux étaient les amateurs à ne voir chez le cinéaste iranien que du cinéma national. Alors quand lui a pris l'envie d'aller à l'étranger, en Italie qui plus est, la crainte soudaine que Kiarostami fasse autre chose que du Kiarostami nous a tous chatouillé le ventre. Mais sa subtilité n'a pas d'adresse sinon celle, virtuose, du montage. Parcimonieux dans ses plans, on y retrouve de bout en bout les préoccupations qui l'ont hissé à plus d'un titre au panthéon des cinéastes contemporains. Une fois de plus, son cinéma nous invite à fouler cet entre-deux dissimulé dans l'image, où la fiction n'est pas complètement fiction ni complètement réalité, où rien n'est immuable. En réfléchissant à haute voix à ce qui distingue un original de sa copie, Kiarostami interroge au-delà du phénomène de citation ou de référence l'essence même du cinéma et avec lui, celle de l'art. (EF)

Lire la critique de Mathieu Li-Goyette

04.
SHAME
de Steve McQueen
Royaume-Uni  |  2011

Deuxième opus de « l’Irlandais-au-nom-déjà-cinématographique » Steve McQueen, Shame est un portrait incomplet. Un canevas où cette esquisse de la dépendance sexuelle et d'un monde de pulsions n’est finalement entière que lorsque le spectateur décide de prendre le pinceau et de rajouter les couleurs nécessaires au personnage de Brandon (Michael Fassbender). Une esthétique simple - rappelant ces longs plans mémorables qui hantaient le Hunger de 2008 - se conjuguant avec ce lien que le réalisateur tente de tisser avec son auditoire. De son côté, Fassbender offre une performance figurant certainement parmi les meilleures de 2011 et canalisant à la perfection une telle volonté. Shame est une oeuvre marquante, profondément ancrée dans une réalité contorsionnée où les désirs sexuels flottent dans notre imaginaire. Ce voyage n’est pas qu’un simple regard, mais bien la représentation d’un univers où la perversion est un terme quasiment éteint. Un trésor se cache dans l’expérience proposée par Shame. Il n’en tient qu’à vous d’en découvrir la valeur. (MM)

Lire la critique d'Élodie François

03.
DRIVE
de Nicolas Winding Refn
États-Unis  |  2011

Avec une précision frisant la perfection, l'entrée en matière du plus récent film de Nicolas Windig Refn annonçait le ton de l'ensemble : le rythme méthodique d'une pulsation électronique, l'élégante retenue d'une mise en scène tranchante, la performance estompée d'un Ryan Gosling inventant sous nos yeux ébahis le sommet de sa forme. D'emblée, Drive paraissait donc irrémédiablement destiné à être le film le plus cool de 2011. Du style recherché jusqu'au rapport esthétique savamment calculé à la violence en passant par la trame sonore multipliant les juxtapositions brillantes, tous les ingrédients y sont. Mais c'est la profonde mélancolie se dégageant de ce thriller contemplatif qui explique qu'au bout du compte il ait un impact si persistant sur le spectateur. Faisant de la solitude de son silencieux héros l'enjeu réel du film, soulignant avec une dure amertume la cruauté de l'univers qu'il dépeint, le cinéaste danois capte avec Drive l'essence d'un sentiment d'aliénation qui trouve un écho expressif dans l'anachronisme stylisé de sa mise en scène. (AFR)

Lire la critique de Jean-François Vandeuren

02.
THE TREE OF LIFE
de Terrence Malick
États-Unis  |  2011

Difficile de définir avec certitude la place qu'occupe The Tree of Life dans la filmographie de Terrence Malick. L'ambitieuse fresque métaphysique du réalisateur de Days of Heaven aura, certes, divisé les cinéphiles, après avoir fait l'objet d'attentes phénoménales à la mesure de sa démesure. Bouleversante mise en scène de l'enfance et de la sensation même du souvenir, le film trouve à notre grande surprise sa plus précieuse poésie en plongeant dans l'intime; mais c'est en mettant cette expérience intérieure en relation avec un cosmos somptueusement décrit, en enracinant son drame personnel dans une quête existentielle universelle, que le film touche à ce sublime auquel il aspire. Ne serait-ce que par son désir profondément humain de faire du cinéma une réponse aux grandes questions qui nous hantent tous, un apprentissage de la mort et par le fait même de la vie, The Tree of Life se mérite amplement cette place d'honneur qu'il occupe dans notre palmarès de fin d'année. Car rares sont les films qui osent ce que celui-ci accomplit. (AFR)

Lire la critique de Mathieu Li-Goyette

01.
MELANCHOLIA
de Lars von Trier
Danemark  |  2011

Le temps suspendu : de la première séquence en apesanteur à la collision astrale, le dernier Lars von Trier est un film cosmique. Un film creusant jusqu’où nous ne voulions pas que le Danois aille, soit au plus creux de son propre cinéma, pour y retrouver ses angoisses perpétuelles et les porter à un paroxysme si démesuré que nous étions en droit de nous demander ce qu'il pourrait bien faire par la suite. En effet, quel film pourrait bien mettre en scène von Trier après Melancholia? Quelle obsession? Quel apogée pourrait nous paraître plus percutant que celui de la fin de toutes choses? Melancholia est peut-être le plus beau film de l’année 2011. Du moins, le plus juste dans son usage des moyens spécifiquement cinématographiques à faire transparaître une haine si profonde du contemporain, une mélancolie si grave face à l’humanité tout entière. Lars von Trier n’a pas voulu tout dire, comme Malick. Non. Il a préféré raconter mieux que quiconque une infime partie de l’existence, la plus courte, l’instant qui nous obsédait plus que tout, car de lui chaque moment sain dépendait : comment ressentir l’espoir face à la noirceur de l’avenir, l’inéluctabilité de la mort. (MLG)

Lire la critique d'Alexandre Fontaine Rousseau
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Article publié le 2 janvier 2012.
 

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