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Rétrospective 2022 : Cinéphilie et parentalité

Par Anne Marie Piette


:: Song Kang-ho et Gang Dong-won dans Broker (Hirokazu Kore-eda, 2022) [Zip Cinema]

2022 fût certainement une excellente cuvée, avec sa pléthore de films alléchants en lice pour se retrouver parmi mes favoris. Cela dit, elle s’apparente aux promesses multiples d’un été trop court : luxuriant et dense, dont on ne parvient pas à saisir toutes les possibilités. Des occasions restées en plan, compromises par les aléas du quotidien — comprendre ici tous ces films non visionnés. Pour ma part, passer en revue la crème de la filmographie de ces douze derniers mois suppose nécessairement de s’intéresser à ce qu’implique être cinéphile avec un enfant en bas âge. 

L’année cinéma d’une « jeune » maman — dans le sens « nouvellement » en toute honnêteté — ne ressemble pas à ce qu’elle pourrait être d’ordinaire, en compagnie de ce petit être en développement pour lequel tout écran était proscrit jusqu’à récemment, avec qui l’on ne peut évidemment pas regarder n’importe quoi et avec qui, de toute évidence, on passe le plus clair de son temps. La première expérience cinématographique en salle obscure du chérubin date de décembre, tout juste, avec le film Ernest et Célestine: Le Voyage en Charabie, (Jean-Christophe Roger, Julien Chheng). Bien que classé 3 ans et +, il fût légèrement trop bouleversant pour le bambin. Difficile, en effet, de trouver un programme adéquat sur grand écran, pour cette tranche d’âge. Il faudra laisser passer quelques mois supplémentaires d’ici à ce qu’on puisse intégrer une routine cinéma en famille.

La garderie existe, forcément, mais le temps « cinématographiquement libre » reste relatif, tant d’une famille à l’autre que d’une réalité à une autre. Victorieusement, j’ai su me débrouiller pour regarder quelques propositions phares de l’année, dont certaines in extremis, des films comme : Viking, (Stéphane Lafleur), Pacifiction: Tourment sur les îles (Albert Serra), Decision to Leave (Park Chan-wook), les Panahi, père et fils: No Bears (Jafar Panahi), Hit the Road (Panah Panahi, 2021), Geographies of Solitude (Jacquelyn Mills), Triangle of Sadness (Ruben Östlund), The Fabelmans (Steven Spielberg) ou She Said (Maria Schrader), sans oublier le bien aimé EO (Jerzy Skolimowski), Broker (Hirokazu Kore-eda), mais combien d’autres j’ai dû renoncer à voir… Pour le moment…


:: Park Hae-il dans Decision to Leave [CJ Entertainment]


:: Pantea Panahiha et Rayan Sarlak dans Hit the Road [Kino Lorber]


:: Eo [Skopia Film]

C’est alors que la notion de temps et le mot temporaire ont besoin d’être redéfinis. Le temps : quelques précieuses premières années de la petite enfance qui passent relativement vite, mais qui, au jour le jour — d’un point de vue purement cinématographique puisque je suis comblée du reste —, peuvent sembler se prolonger. Temporaire, quant à lui, est devenu un mot élastique, qui durera jusqu’à ce que la dynamique se modifie et permette à la cinéphilie d’exister complètement, non pas seulement de poindre en mode iceberg. Cinéphilie et parentalité — plus spécifiquement cinéphilie et maternité —, se tiendront main dans la main tandis qu’elles se regardent actuellement avec circonspection et s’accordent encore assez peu…

Laissez-moi me lamenter un instant sur ce qu'est devenu la réalité d'une majorité de grilles horaires en festivals ! Tout y est, désormais, accommodant pour le parfait festivalier sans enfant qui travaille de 9 à 5. Plus d’une fois, cette année, j’ai dû bouder mon plaisir, en raison de créneaux de jour, en semaine, quasi inexistants (ou offrant un contenu largement en dessous de l’offre globale) — qui faisaient jadis mon bonheur, qui fittent parfaitement avec ma nouvelle réalité et qui restent obviously les meilleurs pour plusieurs gensses qui préfèrent encore l’anonymat d’une séance diurne au tumulte de soirées fréquentées et fréquentables. Tout en sachant que ces changements sont faits pour des raisons d’efficience, voire même de survie très légitimes, se contenter de projections de presse ne fait pas vraiment office d’expérience de festival satisfaisante ! 

En conclusion, si regarder des films à la maison via screeners ou plateformes de diffusion est une autre réalité courante devenue très fonctionnelle et qui s’accorde à la mienne, elle reste souvent contre-intuitive et ne peut se comparer au contentement du grand écran. Toutefois, visionner The Wonder (Sebastián Lelio) ou White Noise (Noah Baumbach) en ligne fût un compromis. Bonne année 2023 ! 

 

           

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Article publié le 30 janvier 2023.
 

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