WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
L’équipe Infolettre   |

Panorama-cinéma - Numéro 3

Par Mathieu Li-Goyette


PAS APRÈS PAS, CASE APRÈS CASE

Loin à l'Est du centre-ville de Montréal, loin du Quartier des spectacles et encore plus loin que le cinéma Beaubien, on murmure depuis peu l'arrivée prochaine d'une salle de cinéma répertoire, une salle dédiée au cinéma francophone, mais aussi au cinéma sous-titré en français non loin d'Anjou, d'Hochelaga, en plein coeur du quartier Mercier. Intitulé Station Vu, le projet « sera un centre culturel de quartier s'articulant autour d'un cinéma indépendant multisalle permettant à la collectivité, et particulièrement aux habitants du quartier Mercier-Est, d'avoir accès à une diffusion cinématographique alternative, originale et de qualité dans un lieu vivant, moderne et convivial, favorisant l'échange et la découverte ». Station Vu voit gros, car en plus de sa ligne directrice qui s'annonce difficile à rentabiliser aussi loin du centre de la ville (les salles y étant situées savent bénéficier de l'apport de nombreux festivals qui ne risqueront pas l'exil au bout de la ligne verte), la corporation prévoit y installer un bistro d'une cinquantaine de places ainsi qu'y promouvoir des projections extérieures et une programmation allant de l'expérimental à la diffusion de galas sur grand écran.

Voilà un pari bien courageux, car pendant qu'une part importante de la diffusion du cinéma répertoire reçoit une aide substantielle d'ailes gouvernementales et d'ambassades (programmation des festivals, Cinémathèque québécoise, Geothe Institut), l'idée de faire foisonner un tel projet n'est pas sans rappeler la reprise du cinéma Beaubien en entreprise d'économie sociale constituée en organisme à but non lucratif. Calquant sa démarche sur celle de Mario Fortin, le directeur général du Beaubien qui a su redresser un cinéma de films d'auteur dans un quartier décentré, il est tout aussi possible que l'initiative du groupe promouvant Station Vu soit un succès dès son ouverture (prévue pour le printemps 2014). Du moins, ce serait un bon départ pour ceux qui souhaitent en plus axer leur gestion sur l'émancipation culturelle des arrondissements de l'Est de l'île en se « bonifiant d'une maison de production pour ainsi employer les nouveaux talents locaux (scénaristes, cinéastes, musiciens, comédiens...) ».

Mais ne crions pas victoire trop vite, puisque c'est donc dire qu'en dépit des budgets critiqués et des protestations sociales secouant le Québec depuis des mois, une relève inattendue reprendrait peut-être le flambeau culturel pas à pas là où l'état ne trouvait qu'à couper des enveloppes budgétaires. Que ce soit la mission du provincial et du fédéral de subventionner la culture, il va sans dire, mais de voir qu'ailleurs, dans des sphères qui auraient probablement plus de succès à investir dans un centre sportif ou dans l'entrepreneuriat local, cette nouvelle tombe du ciel comme un baume inespéré sur les récentes coupes dans l'ONF, Téléfilm Canada et la crise financière dont la Cinémathèque québécoise ne s'est toujours pas tirée. L'avenir du cinéma d'auteur à Montréal passe-t-il par le privé? Par des investissements extérieurs? Supporté en partie par des alliés à la chambre des communes dont le député de Bourget Maka Kotto, Station Vu a encore fort à faire avant d'accueillir ses premiers cinéphiles. Il faudra d'abord convaincre les possibles partenaires du coin et ses citoyens qu'une salle d'art et d'essai a bel et bien le potentiel de dépolariser le milieu du cinéma montréalais toujours trop centralisé (comme s'il en allait ainsi, systématiquement, de sa propre survie).

Voilà donc le printemps qui arrive et avec lui (hormis le temps doux qui redonnera la vigueur de manifester) ses infatigables blockbusters, films spectaculaires, mais surtout films à spectacles dont le premier en tête de liste, The Avengers, annoncera pour nous un mois axé sur la bande dessinée et le cinéma. Intermédialités, mais aussi plaisir de l'adaptation de personnages et d'univers tirés de l'art séquentiel, poser la question de la bédé au grand écran, c'est poser les questions les plus élémentaires de la mise en scène : cadrages, angles, échelles. À ne pas méprendre avec la lecture d'un story-board détaillé, il faudra considérer la bande dessinée comme le proche collaborateur du cinéma dès son émergence à la fin du XIXe siècle tout en repérant, au long du XXe, les divers moments où le neuvième art vint prêter main-forte au septième. Forme populaire, représentation graphique dont la pérennité indépendante lutte contre sa propre industrie commerciale (de Spider-Man à Tintin), ce sera l'occasion d'entremêler le phylactère au scénario, l'encre à la pellicule et de voir, en vertu des nombreux échanges foisonnants entre les deux médiums, comment des images immobiles se font mouvantes et comment ces dernières, une fois animées, rêvent encore de leur immobilité, de ce qui donnait le temps de lire et de tourner nous-mêmes les pages. La rencontre entre la bande dessinée et le cinéma, c'est peut-être, aussi, la rencontre de la forme visuelle la plus joyeusement libre et d'une autre définitivement pensée dans la contrainte.

Sur une plus mauvaise note, c'est avec grand regret que l'équipe de la rédaction de Panorama-cinéma voit partir vers d'autres projets personnels notre rédacteur Laurence H. Collin. Arrivé au sein de l'équipe il y a de ça trois ans, auteur d'une cinquantaine de nos meilleurs textes, son départ est une perte considérable pour notre revue qui perd là un critique plein d'esprit qui aura grandement contribué à la concrétisation du projet tel qu'il se tient aujourd'hui sur votre écran. À plus, camarade. 

INDEX    
 
CRITIQUES (RÉPERTOIRES)

BATTLE BEYOND THE STARS
de Jimmy T. Murakami (1980)
FLASH GORDON de Mike Hodges (1980)
IMMORTAL (AD VITAM)
d'Enki Bilal (2004)
PERSEPOLIS de Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud (2007)
THE SCENT OF GREEN PAPAYA de Tran Anh Hung (1993)
SPIDER-MAN de Sam Raimi (2002)
SWAMP THING de Wes Craven (1982)
TEKKON KINKREET de Michael Arias (2006)
UNBREAKABLE de M. Night Shyamalan (2000)
WHO WANTS TO KILL JESSIE? de Václav Vorlícek(1966)

CRITIQUES (NOUVEAUTÉS EN SALLES)

THE AVENGERS de Joss Whedon (2012)
BATTLESHIP de Peter Berg (2012)
CHINA HEAVYWEIGHT de Yung Chang (2012)
DARK SHADOWS de Tim Burton (2012)
THE DICTATOR de Larry Charles (2012)
THE FIVE-YEAR ENGAGEMENT de Nicholas Stoller (2012)
HABEMUS PAPAM de Nanni Moretti (2011)
THE LADY de Luc Besson (2011)
LAURENCE ANYWAYS de Xavier Dolan (2012)
MEN IN BLACK III de Barry Sonnenfeld (2012)
SI TU MEURS, JE TE TUE d'Hiner Saleem (2011)
SOUND OF MY VOICE de Zal Batmanglij (2011)
  CHRONIQUES

BALADE D'HARUKI MURAKAMI À TRAN ANH HUNG
DE LA CASE AU CADRE

ENTREVUES

FRÉDÉRIC BOYER
(Tribeca Film Festival)
JÉROME PAILLARD (Festival de Cannes)
NADINE LABAKI (Et maintenant on va où?)

PODCAST


TABLE RONDE : COMIC BOOKS ET CINÉMA






 
Envoyer par courriel  envoyer par courriel  imprimer cette critique  imprimer 
Article publié le 3 mai 2012.
 

Éditoriaux


>> retour à l'index