WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
L’équipe Infolettre   |

Kit Zauhar : Les implosions tranquilles

Par Simon Laperrière

Avec les longs métrages Actual People (2021) et This Closeness (2023), la réalisatrice, scénariste et interprète Kit Zauhar s’impose comme l’une des voix les plus prometteuses du cinéma indépendant américain. Le regard qu’elle pose sur la jeunesse d’aujourd’hui se démarque par une authenticité provocante. En dépeignant les émotions complexes engendrées par la chute dans la vie adulte, ses films se situent à l’opposé des récits d’apprentissage hollywoodiens. L’œuvre de Kit Zauhar est animée par une intégrité qui s’exprime dans ses propos. Au fil de cet entretien convivial, elle évoque sa démarche tout en écorchant au passage le mouvement mumblecore.


:: Actual People (2021) [Rooster Films / Modern Pleasures]

Simon Laperrière : En tant que cinéaste, d’où vient cet intérêt envers les individus et les comportements problématiques ?

Kit Zauhar : Je crois qu’ils reflètent beaucoup mieux la condition humaine. Bien souvent, les individus n’apprennent rien. Ils ne font pas preuve d’introspection même s’ils sont témoins d’actes de bonté. Ils apprennent plutôt des gestes cruels ou égocentriques. Ces derniers permettent au public de se reconnaître et peut-être de confronter une part de lui-même qu’il souhaiterait changer. Je crois qu’il s’agit de la raison principale. Du point de vue de l’écriture et du jeu, je ne trouve pas intéressant de focaliser sur des protagonistes placides ou attachants. L'aspect moraliste dans mes films m’importe peu. Je laisse ça à un autre type d’artiste, quelqu’un qui écrit des livres pour enfants par exemple.

SLAP : Vous mentionnez que les spectateurs apprennent plus des personnalités toxiques. Qu’en est-il de Riley, le personnage principal d’Actual People ? Retient-elle quelque chose de sa propre expérience ?

KZ : Pas nécessairement. Pour faire suite à ce que je disais sur la morale, je ne souhaite pas non plus raconter un parcours héroïque. Il serait irréaliste selon moi que Riley change en un laps de temps aussi court. De plus, je crois qu’il y a une différence fondamentale entre un personnage qui apprend et un personnage qui change. S’il ne change pas, cela ne veut pas dire qu’il n’absorbe pas de nouvelles informations qui, éventuellement, mèneraient à une prise de conscience. Ce processus se fait graduellement, il prend toute une vie. Je m’énerve quand je vois un film dans lequel un individu se transforme au cours d’une seule année, où, entre le début et la fin du récit, il a tout appris de ses erreurs. Non seulement ce n’est pas crédible ou même atteignable, mais en plus, un scénario aussi présomptueux nous prend pour des imbéciles. Une bonne histoire va plutôt porter sur les circonstances qui empêchent un personnage d’être le meilleur de lui-même. Je ne crois pas avoir le talent de Shakespeare, mais ses pièces traitent d’individus qui s’accrochent à leurs frustrations, à leur désir amoureux et à leur soif de vengeance. Écrire des personnages ayant la tête dure n’a rien de nouveau.

SLAP : Actual People serait donc une réponse à ces drames d’apprentissage, dans lesquels un enfant devient adulte le temps d’un été ?

KZ : J’ai écrit ce film comme un antidote, mais pas uniquement à ce qui m’agace dans ce sous-genre. Il s’agit surtout d’une réaction à un manque de représentations de la part du cinéma indépendant américain. Je n’ai pas pensé Actual People comme un récit d’apprentissage, mais comme un drame pur et dur.

SLAP : Un drame qui se déroule à un moment précaire de notre vie, où nous nous trouvons quelque part entre l’école secondaire et le monde professionnel. Le film semble considérer cette période comme étant capitale à la formation de l’identité.

KZ : Je crois que l’apprentissage de la vie peut être montré de différentes manières au cinéma. Mes personnages sont évidemment jeunes, mais il est toujours possible de considérer n’importe quel point dans le temps comme une période de flottement, de transition et d’incertitude.

SLAP : Celle que montre Actual People me semble contemporaine. Je ne crois pas que nos parents, par exemple, l’ont connue. Ils ont simplement fait le saut entre l’école et le travail, sans avoir à combler des journées vides où on ne sait quoi faire de son temps.

KZ : Le concept de l’adolescence est récent. Cependant, je crois que nous n’accordons pas assez de mérite à nos prédécesseurs. J’ai pu voir des drames d’apprentissages spectaculaires produits dans les années 1960 et 1970. Ces films adressent des enjeux qui demeurent actuels. Les angoisses existentielles propres à la jeunesse ont toujours été présentes, et ce, même si nos ancêtres n’avaient pas le vocabulaire pour le décrire. Aujourd’hui, par contre, nous avons l’espace et le temps pour capitaliser sur ce malaise en lui dédiant des ressources artistiques.


:: Actual People (2021) [Rooster Films / Modern Pleasures]

SLAP : Le personnage de Riley subit une immense pression qui explique son comportement envers les autres et elle-même.

KZ : En effet ! Quand j’ai terminé mes études collégiales, tout m’apparaissait monumental. J’avais l’impression de patauger. Je savais ce que je voulais faire de ma vie et j’avais un certain niveau de confiance en moi. En jetant tout cela au reste du monde, je n’ai ressenti que de la froideur et de l’apathie. J’étais complètement perdue. Actual People porte sur le contexte parfois terrifiant qui permet à une femme de changer. Il ne pose pas la question « Comment devrais-je être maintenant ? », mais bien « Oh mon dieu, je n’ai pas les outils pour pénétrer ce lieu qui ne veut pas de moi ». Je trouve ça effrayant !

SLAP : Dans l’essai que vous avez rédigé pour la sortie du film en Blu-Ray, vous mentionnez que Riley ne cessera jamais de fuir le malheur. J’ai l’impression qu’elle pourrait aboutir dans une situation similaire à celle que l’on peut voir dans This Closeness, votre deuxième long métrage.

KZ : Étant donné que j’apparais dans les deux films, il peut effectivement être difficile de distinguer mes personnages. La différence est que This Closeness ne relève pas de l’autofiction. Il n’aborde rien qui me serait arrivé. Actual People est une observation de la culture millénariale. Mon second long métrage, quant à lui, est beaucoup plus sombre parce qu’il aborde les thèmes de la masculinité blanche, des politiques sexuelles et des relations interraciales. Il s’agit d’une expansion, mais aussi d’une maturation de mon œuvre.

SLAP : En sachant que le public allait naturellement tisser un lien avec Actual People, pourquoi avoir décidé d’interpréter l’un des premiers rôles dans This Closeness ?

KZ : Je n’ai pas vraiment pensé à ça. Il est difficile pour une comédienne mi-asiatique de se trouver du travail. Si je songe à un rôle qui correspond à ce profil, je vais évidemment me l’accorder. De plus, je souhaitais mettre mes talents d’actrice au défi. Quand j’interprétais Riley, je mettais en scène une version plus jeune et immature de moi-même. Je partage quelques traits de personnalité avec Tessa [l’héroïne de This Closeness], mais elle n’est pas qui je suis au quotidien.

SLAP : Pourquoi l’action du film se déroule-t-elle entièrement dans un Airbnb ?

KZ : Le scénario comporte quelques scènes en dehors de l’appartement. Elles ont été coupées au montage parce qu’elles auraient désorienté le public. Au départ, j’ai écrit This Closeness pour le théâtre. La pièce n’aurait donc eu qu’un seul décor, une idée qui me plaisait beaucoup. L’ère des films « covidiens » est derrière nous, mais j’aime bien pointer dans cette direction, en invoquant un sentiment de claustrophobie sans jamais tisser un lien explicite avec la pandémie.

SLAP : Un Airbnb est, à bien y penser, un lieu étrange. On a beau être dans un logement, on ne s’y sent jamais chez soi. Il y a très peu de décoration, l’endroit étant strictement utilitaire. Les murs blancs en viennent à créer une impression de vide suffocante.

KZ : Je crois que les Airbnb sont des espaces modernes fascinants. Ils évoquent une facette étrange du capitalisme, dans la mesure où le concept du refuge est monétisé. Partager un lieu aussi intime avec un étranger en fait aussi un environnement propice aux interactions malaisantes.


:: This Closeness (2023) [
Discordia Cine / Modern Pleasures / Neon Heart Productions]

SLAP : Je me disais à la blague que This Closeness est une réponse au récent film d’horreur Barbarian (Zach Cregger, 2022).

KZ : Une drôle de coïncidence est que ce film est sorti tout juste avant le début de notre tournage. Sa protagoniste se nomme également Tessa, alors j’ai demandé à mon équipe s’il ne fallait pas apporter un changement au scénario. Finalement, nous ne l’avons pas fait. Les intérêts du public suivent toujours des modes. Présentement, nombreuses sont les personnes interpellées par le concept d’espace. À New York, par exemple, il n’y en a presque pas ! Le partage de l’espace est un enjeu majeur, tout particulièrement aux États-Unis où on ne sait pas gérer la pauvreté. Après avoir passé deux ans tout∙e∙s cloîtré∙e∙s entre quatre murs, il y a maintenant une anxiété par rapport à ce qui se trouve en-dehors de nos logis.

SLAP : Il en va de même pour l’embarras causé par la proximité d’autrui. La scène où Adam écoute le couple à travers les murs de sa chambre illustre bien un constat que plusieurs ont pu tirer du confinement. Notre intimité n’est pas aussi intime qu’on ne le souhaiterait.

KZ : Je ne crois pas que l’intime implique forcément le privé. À l’ère du numérique, le lien entre la proximité et la vie privée n’est pas aussi fort qu’il n’y paraît. J’ai connu des expériences hallucinantes en partageant un Airbnb avec des inconnus. J’adore être dans ce type de situations quand elles sont de courte durée !

SLAP : Ces rencontres ont-elles inspiré This Closeness ?

KZ : Pas directement. Mon copain à l’époque était entre deux appartements. Il a donc sous-loué un logement pendant un mois. Son propriétaire était un mec qui se faisait passer pour beaucoup plus jeune sur les réseaux sociaux. C’était un homme seul et malheureux qui recevait fréquemment des femmes rencontrées en ligne. Les murs de l’édifice étant minces, nous pouvions l’entendre décrire le vin qu’il offrait à ses pauvres invitées. Une routine franchement dérangeante à écouter. Je m’intéresse beaucoup aux manières avec lesquelles certains individus échouent à la masculinité. J’avais là un exemple parfait. Au même moment, la culture des incels était en hausse. Il y avait alors beaucoup d’inquiétudes par rapport à cette nouvelle génération d’hommes à éduquer. Je m’interrogeais donc sur la signification de « l’homme juste », ce qu’il pourrait bien être.

SLAP : Par rapport aux incels, comment avez-vous écrit le personnage d’Adam ? Il correspond à ce profil d’homme problématique, mais le film tente malgré tout de contourner ce stéréotype.

KZ : Je n’ai aucun intérêt à explorer cette culture. Ses adeptes, au final, sont tous pareils. Ils vont sur les mêmes forums, échanger les mêmes idées. Je suis plutôt attirée par les récits d’origine. Quels sont, par exemple, les événements dans la vie d’un individu qui va l’entraîner dans une direction ou une autre ? On ne naît pas incel, alors quelle est la trajectoire entre le point A et le point B ? Ce point médian — cet entre-deux — est précisément ce qui me fascine. Dans le cas d’Adam, je laisse aux spectateurs la liberté de spéculer sur son avenir. Deviendra-t-il un incel ? Je n’en sais rien.


:: This Closeness (2023) [Discordia Cine / Modern Pleasures / Neon Heart Productions]


SLAP :
Vous approchez le couple de Tessa et Ben de la même manière. Le plan final de This Closeness, le seul se déroulant à l’extérieur, ouvre la voie à différentes interprétations. Nous ne savons pas si ces personnages vont rompre ou rester ensemble.

KZ : Les êtres humains sont compliqués, ils ont parfois besoin d’une éternité pour prendre une décision. Rien ne les empêche ensuite de changer d’idée. Une conclusion définitive n’avait donc pas lieu d’être.

SLAP : Grâce à sa portée naturaliste, This Closeness dépeint une implosion lente. Le film réussit à capturer les dynamiques, pour ne pas dire la routine, d’une relation toxique. Vous ne cherchez pas à exploiter la tragédie en cours.

KZ : Je suis l’exemple de mes films favoris, qui ne font que ça. Plusieurs artistes ont tendance à instinctivement dramatiser leur récit. Le public, je crois, est rendu ailleurs. Je n’ai pas besoin de voir un long métrage dans lequel tout le monde crie et pleure sans arrêt. Plus personne aujourd’hui ne va croire que le train à l’écran fonce réellement vers lui. À cause de ma formation en création littéraire, je préfère les films qui s’apparentent à un roman, où il est possible de s’attacher aux personnages en les côtoyant. Je ne pense pas que ce soit possible si l’œuvre ne fait que montrer des sommets émotionnels. On apprend à connaître les gens à partir de leurs traits de caractère, de leurs manies et de leurs silences. Il s’agit à mes yeux du meilleur moyen pour développer convenablement ses protagonistes.

SLAP : Étiez-vous influencée par d’autres cinéastes au traitement minimaliste ? Je pense à Éric Rohmer et Hong Sang-soo ?

KZ : Définitivement Hong Sang-soo, mais aussi les premiers films de Ruben Östlund. Je suis une grande fan de Force majeure (2014). What Happened Was(1994) de Tom Noonan a été une inspiration importante parce qu’il se déroule également dans un seul appartement. J’ai également un faible pour les longs métrages de Miranda July et Lena Dunham.

SLAP : This Closeness porte sur une forme de nostalgie qui ne peut être partagée, dans la mesure où Ben n’a pas eu la même expérience de l’école secondaire que sa conjointe Tessa. Il en garde de très bons souvenirs, elle non.

KZ : Tout cela s’inspire du rapport que j’entretiens avec mon adolescence. Mes anciens compagnons de classe sont obsédés par notre école secondaire. Ils ont littéralement des tatouages de leur numéro de classe ! De mon côté, j’ai été déprimée pendant toutes ces années. Jamais je ne voudrais revivre ce chapitre de ma vie. Plusieurs personnes y ont trouvé une communauté ou encore une autonomie. J’ai plutôt considéré l’école secondaire comme une fosse juvénile, graisseuse et dégoûtante.

SLAP : Tessa gagne sa vie en produisant des capsules ASMR. Comment avez-vous découvert ce phénomène propre au web et quel est son attrait pour une réalisatrice ?

KZ : Je souffre d’insomnies sévères, alors j’ai pris l’habitude de regarder ces vidéos. C’est un monde absolument fascinant, qui a quelque chose de sordide. Prétendre chuchoter dans les oreilles d’un auditeur pour l’aider à dormir est un drôle de moyen de faire de l’argent. Cette culture est complexe, indirectement sexuelle. Quand vous visionnez une capsule ASMR, une part de vous se détend, mais l’autre se demande pourquoi quelqu’un s’est filmé de la sorte pendant des heures.

J’en ai également marre de ces films dans lesquels les personnages ont des emplois hyper vagues. Ils sont très souvent architectes ! En réalité, savez-vous combien d’individus pratiquent ce métier ? Conceptualiser un édifice n’est pas à la portée de tout le monde. Ces emplois génériques ne nous révèlent rien sur les personnages. Allez à une fête et discutez avec des gens dans la vingtaine, vous découvrirez un tas de boulots étranges. Il était crédible que Tessa ait un gagne-pain spécifique, même s’il sort de l’ordinaire.


:: This Closeness (2023) [Discordia Cine / Modern Pleasures / Neon Heart Productions]

SLAP : Nous avons évoqué plus tôt vos influences cinématographiques. Récemment, le Hollywood Reporter a proposé que This Closeness appartenait à une nouvelle phase du mouvement mumblecore.

KZ : Je crois qu’il est facile de me catégoriser de la sorte, mais je ne suis pas certaine de mériter cette étiquette. Tout cela est bien compliqué, parce que je suis une jeune femme qui habite New York et tourne des films avec ses potes. Toutefois, je considère Actual People comme une forme de rébellion envers le mumblecore. Tous ces films portaient sur des geeks blancs qui séduisent des femmes beaucoup trop jolies. Personne n’a jamais dénoncé ça. 95 % du mumblecore est blanc (un pourcentage que je trouve généreux). À mes yeux, les premiers films indépendants stipulaient implicitement que seuls les blancs avaient les ressources pour faire des films sur le quotidien. Outre quelques exceptions notables, la situation demeure la même aujourd’hui. J’ai l’impression que c’est pareil avec la scène de la musique indépendante, qui se compose majoritairement d’artistes blancs. Les personnes de couleur n’ont pas leur place au sommet, mais elles n’ont pas non plus leur place au bas de l’échelle. Où sont-elles censées aller ? Si les cinéastes de couleur ont de la difficulté à simplement tourner des films dans leur quartier, alors nous sommes dans une sacrée merde !

SLAP : Croyez-vous que les festivals offrent aujourd’hui une meilleure visibilité aux différentes minorités ?

KZ : Encore une fois, c’est compliqué. Quand je faisais la tournée des festivals européens, j’ai découvert beaucoup de films qui mettaient en vedette des personnes de couleur au lieu de porter sur elles. J’entends par là qu’il s’agissait de scénarios intéressants dans lesquels les protagonistes n’étaient pas définis par leur race. Aux États-Unis, les politiques identitaires ont un impact beaucoup plus important sur la production cinématographique. Par conséquent, la plupart des projets financés qui abordent la question raciale me font penser à de la « trauma porn ». Une femme asiatique ne peut pas faire autre chose qu’un film sur une femme asiatique. Il s’agit d’une question très complexe à répondre, parce que le cinéma américain va mal. Je sais que je vais mettre plusieurs personnes en colère, mais je n’invente rien. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire si nous souhaitons atteindre une véritable équité. Je veux avoir la possibilité d’aborder tous les sujets qui m’intéressent. Présentement, ce n’est pas possible. Un homme blanc, lui, peut le faire sans problème.

 

 

*

 

 

Simon Laperrière est doctorant en études cinématographiques à l'Université de Montréal. En 2010, il fonde le volet «Camera Lucida» du Festival Fantasia dont il assure la programmation jusqu'en 2016. Auteur de plusieurs essais, il a récemment publié Series of Dreams: Bob Dylan et le cinéma (2018) aux Éditions Rouge profond.

Envoyer par courriel  envoyer par courriel  imprimer cette critique  imprimer 
Article publié le 7 mars 2024.
 

Entrevues


>> retour à l'index