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Petite fille qui aimait trop les allumettes, La (2017)
Simon Lavoie

Sans se brûler

Par Jean-Marc Limoges

« il est dangereux de jouer avec des allumettes »
– Gaétan Soucy


En passant de l’écrit à l’écran, l’œuvre adaptée peut, pour des raisons diverses (contraintes budgétaires ou temporelles, vision esthétique, détournement signifiant), subir quelques distorsions. Au moins quatre. Le cinéaste qui propose l’adaptation d’un roman peut, en effet, soustraire, ajouter, substituer (remplacer) ou permuter (déplacer). Souligner chacune de ces opérations pourrait sans doute permettre d’éclairer la lecture que Simon Lavoie a faite du roman de Gaétan Soucy et qu’il a proposée, aux spectateurs, dans son film – même s’il en est « librement inspiré ». Qu’a gardé celui-là du récit de celui-ci? Qu’a-t-il changé, modifié, transformé? Pourquoi? Avec quels effet? Et surtout, comment – grâce à quels procédés cinématographiques – s’y est-il pris pour faire passer à l’écran ce qui était proprement littéraire? Car la tâche n’était pas facile. Quiconque a lu le roman se souvient de l’importance que l’auteur a accordée à la langue – bâtarde, hétéroclite, alambiquée – qu’utilise sa jeune « secrétarienne », dont il fait la narratrice, et à laquelle incombe de noter dans son « grimoire » son innommable mésaventure. Rappelons d’abord l’intrigue. 

[Attention : ce paragraphe contient des spoilers (divulgâcheurs).] C’est l’histoire d’une famille aisée, bourgeoise, peut-être même aristocratique : les Soissons de Coëtherlant. L’action se passe – les indices sont minces – fort probablement au Québec, et plus spécifiquement à Saint-Aldor (village inventé par l’auteur), dans la première moitié du XXe siècle (l’omniprésence de la religion serait l’indice le plus criant). Le père – ancien missionnaire au Japon (s’il faut en croire sa fille) – est le riche propriétaire d’une mine (s’il faut en croire les villageois). Il a une femme, deux jumelles – Alice et Ariane – et un garçon – sans nom –, à peine plus vieux que celles-ci. À quatre ans, l’une d’elle – celle qui « aimait trop les allumettes » – allumera malencontreusement un feu qui la ravagera et dont sa mère tentera de la sauver. La fillette survivra. La mère périra. Le père chavirera. Le frère et la sœur, témoins ébaubis, en subiront les conséquences. Le père déposera le cadavre de sa femme dans une « caisse de verre », qu’il installera dans un sombre caveau, où il enchaînera également la jeune coupable, dont le corps calciné continue de vivoter douloureusement, afin de lui rappeler sans cesse sa faute et lui infliger un « Juste Châtiment ». 

Ce sera alors, pour lui, une vie de complète et totale claustration, à laquelle il soumettra également les deux enfants qui lui restent, les empêchant de se déplacer au-delà de la pinède, les obligeant à se soumettre à une religion qu’il invente à moitié, les éduquant comme il l’entend : il leur fera croire qu’il les a pétris dans la glaise et que sa fille est en fait un garçon dont le pénis est tombé quand elle était toute jeune (pour preuve la « cicatrice » qui lui fend l’entrejambe et de laquelle du sang s’écoule une fois par mois). Cette « Grande noirceur » durera une bonne dizaine d’années puisque, alors qu’ils ont environ quinze ans, le père se pend, obligeant la jeune fille – qui se prend toujours pour un garçon – à désobéir aux consignes et à se rendre au village afin de lui trouver un cercueil. C’est alors le choc. Les villageois – qui présupposent qu’il s’agit là de la fille Soissons – la regardent avec des yeux effarés. Mis au courant du suicide du père, et apprenant du même coup que les enfants sont sans tuteurs, les autorités – le curé, le maire, la police – tentent alors de tirer profit de la fortune du riche propriétaire. Seul l’inspecteur des mines, lecteur de Baudelaire, et amoureux de la jeune fille – d’ailleurs enceinte de son frère –, tente sincèrement de les protéger. Or, le frère, plus xénophobe que sa sœur, tuera le « prince charmant » à coup de carabine et finira au sol, menotté, tandis que la sœur caché dans le caveau, accouchera du récit que nous venons de lire et de l’enfant dont on ne saura rien.

Voilà l’intrigue, platement racontée : une histoire de mère morte, de fille punie, de père autoritaire, de frère incestueux et de sœur abrutie. L’intérêt du roman se situe donc ailleurs. D’abord, dans le choix de faire de la jeune fille la narratrice de l’histoire, de nous placer dans sa tête, de nous faire voir le monde par ses yeux, de nous divulguer les informations comme elle les reçoit. Ensuite, dans la langue – insuffisante, approximative, mais toujours étonnante – grâce à laquelle cette narratrice nous fait découvrir son univers. On devine tout de suite la difficulté devant laquelle Lavoie s’est retrouvé : mettre à l’écran le récit d’une jeune fille dont l’ignorance et l’aliénation passent essentiellement par la façon dont elle s’exprime, appréhende et comprend son univers et tente, ultimement, de nous en rendre compte, sans toutefois recourir à la voix narrative. Or, en dépouillant le récit de ce qu’il a de plus spécifiquement littéraire, et de plus éminemment truculent, Lavoie n’en garde qu’une trame, certes sordide, mais tout de même convenue. Avant de voir comment il allait s’y prendre pour faire passer, par des procédés strictement cinématographiques, l’étouffante existence de cette jeune fille qui a reçu son éducation d’un père dément, de livres interdits et d’une nature lubrique, voyons quelles distorsions il a fait subir à son récit.

SUBSITUTION : D’abord, Lavoie effectue quelques minces remplacements sans grandes conséquences au récit de Soucy. La fonction du motocycliste n’est plus « inspecteur des mines », mais « arpenteur », le lieu dans lequel repose le cadavre de la mère n’est plus une « caisse de verre », mais un cercueil en bois, le philosophe que lit Alice n’est plus Spinoza mais Pascal, le père ne semble plus un riche maître minier, mais un simple propriétaire terrien.

SOUSTRACTION : Ensuite, Lavoie enlève un nombre important d’éléments, mais non d’éléments importants : le quêteux, les piments, les grenouilles… On pourra en convenir, leur retrait ne nuit aucunement à l’intelligence de l’ensemble. Cependant, il en retire d’autres, d’une portée plus substantielle : les origines aristocratiques de la famille, la salle de bal décorée du portrait des ancêtres, l’incurie de cette jeune fille qui sait à peine compter, l’argenterie avec laquelle elle joue et qui lui permet de rêver, sinon de revoir, le passé, mais surtout, les séances d’immolation de bouc et de flagellations auxquelles le père s’adonnait. En somme, c’est une partie de l’obscur passé et des pratiques cabalistiques qui passe à la trappe.

ADDITION : En revanche, deux importantes additions dénotent un souci d’éclaircir, voire d’expliquer, ce qui, dans le livre, demeurait étouffé. D’une part, les raisons qui ont motivées, dans le roman, le père à se tuer sont tues. Dans le film, Lavoie sous-entend que c’est quand il apprend que sa fille est grosse de son frère que le père, pétant irrémédiablement les plombs, décide d’en finir. D’autre part, la façon dont s’est joué « la grande calcination » reste, dans le livre toujours, nimbée de mystère; on laisse croire que c’est la jeune Ariane, dont le corps momifié est enfermé dans le caveau en guise de punition, qui a joué avec le feu. Or, en ajoutant une scène lors de laquelle on voit que c’est plutôt Alice, la narratrice, qui aurait été à la base de l’incendie qu’elle aurait du reste caché, Lavoie injecte une motivation – la jalousie entre sœurs – et change le message : le châtiment du père devient injuste et les vrais coupables s’en sortent. 

PERMUTATION : Enfin, Lavoie change un peu l’ordre dans lequel les événements du récit se présentaient, et qui contribuait pour beaucoup à l’intérêt de la lecture. En effet, le lecteur – s’en remettant au titre – présuppose d’abord qu’il s’agit d’une « petite fille » qui narre. Ensuite, il en doute, eu égard à quelques indices parcimonieusement laissés dans le texte (dont le recours aux participes passés accordés au masculin). Il émet donc l’hypothèse qu’il s’agit peut-être d’un garçon. Puis, il en doute encore en regard d’autres indices (l’absence de pénis, les « enflures »). Il en a enfin la confirmation quand les villageois statuent : c’est la fille de M. Soissons. Dans le film, Lavoie dévoile d’emblée qu’il s’agit d’une fille. Le spectateur a donc un ascendant sur elle. Il sait ce qu’elle ne sait pas. Il ne peut plus, dès lors, s’y identifier complètement. Ce n’est qu’après-coup qu’il nous montre le frère l’appeler « frère » et le père en parler comme de son fils. Ce sont alors les hommes qui deviennent un objet de curiosité, non la fille. En déplaçant ainsi les étapes de cette quête identitaire, Lavoie déplace aussi un peu l’enjeu du récit. Il s’agit non seulement de l’histoire d’un personnage (auquel le lecteur est ainsi moins amené à s’identifier ou au sujet duquel il se pose moins de questions pressantes, puisque le mystère qui l’emmaillote est un peu moins épais) découvrant peu à peu qui il est, mais aussi de l’histoire d’un père (moins physiquement présent dans le roman, quoique plus abstraitement omniprésent) dont on cherche à comprendre le malheur qui le ronge et le défigure.

De plus, en refusant de recourir à la voix narrative, Lavoie retire aussi tout le sel de ce roman dont l’ambiance passait essentiellement, non pas par les descriptions ou les dialogues, mais par la langue de la narratrice, une ambiance qui se lovait dans chacun des plis des phrases qu’elle forgeait approximativement, mais avec détermination, une ambiance qui se trouvait non pas dans le monde sur lequel elle jetait un regard, mais dans le regard qu’elle jetait sur ce monde. Car le brio de Soucy fut, plutôt que de peindre un milieu aliéné, de faire passer cette aliénation par la voix de la narratrice qui, n’ayant eu de contacts avec personne, n’étant pas allée à l’école, n’ayant pas eu à socialiser, a dû nommer son monde, se construire un univers référentiel, et par là même une identité, grâce à la langue paternelle et celle apprise dans les bouquins poussiéreux (ouvrages religieux, traités de philosophie, chansons courtoises). 

En effet, c’est par la langue – hybride, composite, incohérente – de la narratrice que le lecteur est amené à déceler son mal-être, et celui du milieu dans lequel elle vit. Usant tantôt d’une syntaxe soutenue, toute modelée de verbes défectifs, d’inversions précieuses et de subjonctifs imparfaits (« il nous échoyait », « pour en bien conférer », « des dépendances dont point ne parlerai », « sans que j’osasse », « avant que nous nous endormissions », « de la façon susdite », etc.), voire de tours archaïsants (« j’étais bien marri », « m’en cuidez », etc.) ou même de médiévismes (« heaume », « chanfrein », « houppelande », « marotte », etc.), tantôt d’un lexique riche et recherché (« aiguillonner », « turlupiner », « tarabuster », « sourdre », « darder », « arguer », « appétence », « célérité », « horions », « circonspection », « inexorable », « cauteleux », « sardonique », « conjuratoires », etc.), voire spécialisé (« dosse », « larmier », « souquer », « myriapodes », etc.), sans parler, bien sûr, des termes chargés d’une connotation religieuse (« oindre », « obole », « pitance », « stigmates », etc.), la narratrice usera également de termes argotiques plus ou moins recherchés (« dingue », « bougne », « mariole », « bourrichon », etc.), d’expressions populaires (« ça parle au diable », « minute papillon », « misère et boule de gomme », « j’ai pour mon dire », « vrai comme je suis », etc.), voire d’expressions joualisantes (« quêteux », « bouette », « bedaine », « ou bedon », « retontir », « garrocher », « grafigné », « effoirer », « écrapouties », « au plus sacrant », etc.), souvent ponctuées de marques d’oralité se manifestant par diverses interjections (« ah la la », « oh la la », « prrrou pou-pou », « aaaaaaaaaah », « et hop », « bah », « peuh », « beurk », « ouille », « tss », « et zou », « fichtre », « et vlan », etc.), tombant même quelquefois dans un registre grossier ou vulgaire (« crotte », « couille », « bite », « pute », « ça ne va pas chier loin », « il s’en bat le trou », etc.).

Usant donc d’archaïsmes (« dextre », « jouxter », etc.), la narratrice usera aussi de néologismes (« titilloter », « déguerpisser », « figette », « grelotte », « ramentevances », « remembrances », « emmarmelade », « incompréhensiblissime », etc.) relevant de l’impropriété ou du barbarisme (« journée désemparante », « étoiles inerrantes », « langue bifurque », « poignet taveleux », « sens cahoteux », « gelé mauvassônne », etc.) plutôt que d’une forme de bérénicien (« chaise en crottin » pour « chaise en rotin », « souille à cochon » pour « soue à cochon », « suintement de sa saucisse » pour « sperme », sans parler du mois « d’ovembre » et autres « trente-treize » ou « quarante-douze »,), pour preuve les nombreuses expressions erronées ou tronquées (« le cœur en chamaille », « il y a lurette », « comme une goutte d’eau », « clair comme la roche », etc.) et l’absence de noms propres (le frère s’appelle « frère », le cheval « cheval », le chien « chien », etc.). La narratrice se questionnera d’ailleurs sans cesse sur la justesse de sa prose (« je dis la chose comme elle est », « c’est comme ça qu’on dit il me semble », « ça s’appelle [ainsi] si ma mémoire est bonne », « comme ça se nomme », « je ne sais pas si je me fais bien comprendre », etc.) et ne perdra jamais de vue son lecteur (« il faut d’abord que je vous parle de… », « si vous voulez mon avis », « je demanderais qu’on soit bien attentif », « c’est à cela que je voulais en venir », etc.). Au reste, elle ne recourra jamais – comme l’impose la règle – aux majuscules pour les quelques noms propres qui l’exigeaient – « la maison de monsieur soissons », « le royaume du danemark », « le japon », « chopin », « pascal », « spinoza », « saint-thomas », « jésus », « dieu », etc. – sinon que pour nommer le « Juste Châtiment ».

Aussi la question se pose-t-elle : puisqu’il prend le parti d’effacer toutes traces de cette narration – de la langue frelatée de la narratrice –, dans son film, grâce à quels procédés cinématographiques Simon Lavoie a-t-il réussi à faire passer cette schizophrénie, cette atrophie, ce manque de moyens, ce milieu malsain? 

D’abord, il opte pour le noir et blanc, lequel dit bien que ce monde où est campée l’action est un monde sombre, obscur, ténébreux, un monde, bref, qui est loin d’être rose, et dans lequel même les arcs-en-ciel sont décolorés. Ensuite, il déploie sa mise en scène dans la boue, la souillure et la poussière. Le domaine est délabré, pratiquement à l’abandon, les murs sont délavés, les meubles sont décrépits, la peinture est écaillée, les personnages sont sales, leurs vêtements sont élimés, ils s’enfoncent dans le fumier jusqu’aux chevilles. L’oppressant climat religieux – le « terrestre séjour », la « planète satanée », la « croûte céleste [sic] », les « origines ici bas » – est clairement illustré, par la bande-son, grâce à la musique religieuse, et, à l’écran, par l’autel, les croix, les chandeliers, le retable, le tabernacle, le missel et autres objets de culte qui encombrent l’étage. 

De plus, Lavoie prend le parti de tout filmer grâce à une caméra portée, ce qui a pour effet d’accentuer l’intimité voire l’asphyxie de cette famille et de souligner du même coup notre intrusion dans le monde clos du domaine en même temps que sa fragilité, comme si nous étions devant un  monde en incessant vacillement et dont l’écroulement était imminent. Non seulement, le cinéaste s’ingénie aussi à insérer des cadres dans son cadre – les personnages sont vus par l’entrebâillement étroit d’une porte, l’ouverture exigüe d’un passe plat, les carreaux sales d’une fenêtre, l’œil-de-bœuf d’une planche défraîchie –, lesquels viennent les coincer – physiquement – dans leur espace. En cela, l’univers glauque et étouffant du roman est bien rendu.

Enfin, Lavoie décide aussi de filmer l’histoire – à l’exception de quelques subreptices scènes sans trop d’importance – en conservant cette focalisation sur la jeune fille, c’est-à-dire, ou bien en la situant toujours dans le cadre, ou bien en raccordant ce qui est montré à son regard, ou bien en faisant sourdre de son imagination les images mentales qui défilent (la mère dans sa robe blanche, marchant dans la forêt ou assise au piano, les fillettes jouant avec un feu de Bengale, etc.). Du reste, le recours sporadique au grand-angle ajoute à la distorsion dont elle est victime, à l’insuffisance dont elle souffre, à la déformation avec laquelle elle voit un monde dont elle se prend pour le centre. Mentionnons également que la façon dont on cadre, par moment, le père, mais notamment les villageois (bref, les représentants de l’autorité), des pieds à la taille, ou de la taille au menton, rappelle l’injonction qu’avait donnée Claudine à son fils François, dans Le Torrent d’Année Hébert (également adapté par Lavoie), laquelle lui avait interdit de la regarder dans les yeux afin de conserver son maternel ascendant sur lui. En cela, la narration homodiégétique (au « je ») et la focalisation interne (la restriction du champ au seul savoir du personnage) est, sans le recours à la voix-off, également bien rendues. 

Nous pourrions terminer avec le plan séquence final – procédé éminemment cinématographique – au terme duquel la jeune fille accouchera, après avoir longtemps ahané, de l’enfant de son frère, se libérant ainsi du fardeau qu’elle portait. Si on peut émettre un bémol quand à la monstration du  bâtard (défaut qui incombe également à Soucy qui prend la peine d’expliquer lui-même, par moment, ce que nous avions déjà compris), il n’en demeure pas moins que l’absence de montage nous laisse entrevoir que, pour Alice, c’est peut-être un temps nouveau – voire une nouvelle temporalité – qui s’annonce. 

En somme, malgré une ambiance assez fidèle au livre, assez respectueuse de l’univers atrophié déployé par Soucy, la langue demeure quant à elle la grande perdante de l’histoire. Une langue qui était pourtant bien pendue et qui se retrouve maintenant bien pendante, au bout d’un fil plus ténu que celui de la corde à laquelle finit le père. Eût-il été possible de l’inscrire dans chacune des lignes du dialogue, cette langue, inventive par défaut, riche par sa pauvreté, forte par sa faiblesse, éclairante par son obscurité? Cette langue eût-elle gagné, pour mieux ancrer le film dans sa boue, à ronger chaque parole, à parasiter chaque réplique, à corroder chaque propos? Nous resterons muet – comme la petite fille aux allumettes – quant à cela. Et qu’importe, au fond! Le spectateur qui n’a pas eu l’heur de tourner avec stupéfaction les pages du grimoire d’Alice n’en sortira, lui, aucunement perdant, mais grassement poisseux, tel que l’ordonnait l’adaptation pieuse de ce roman fangeux. Car il y a un plaisir pervers – ne nous le cachons pas –, à voir se vautrer dans le stupre et la gadoue (comme ces cochons qui forniquent et qui servent de tuteur à la petite) des personnages à qui on est heureux de ne pas ressembler. Il était dangereux de jouer avec La petite fille qui aimait trop les allumettes. Heureux que Lavoie ne s’y soit quand même pas trop brûlé les ailes.
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Critique publiée le 11 novembre 2017.