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Bad Boys (1995)
Michael Bay

Deux flics à Miami

Par Jean-François Vandeuren
Après s’être faits particulièrement discrets durant la première moitié des années 90, les producteurs Don Simpson et Jerry Bruckheimer revinrent à la charge avec une offensive monstre qui allait vite leur refaire goûter au succès d’antan. Un plan « machiavélique » qui débuta en 1995 avec le retour du cinéaste Tony Scott (Crimson Tide), responsable de certains des plus gros succès du duo au cours de la décennie précédente, dont Top Gun et Beverly Hills Cop 2, mais aussi avec l’embauche d’un nouveau poulain qui figurait déjà parmi les réalisateurs les plus en vue du monde de la publicité et du vidéoclip aux États-Unis : Michael Bay. Le mandat de ce dernier pour ce premier tour de piste au sein de l’écurie Simpson/Bruckheimer était en soi très clair : reprendre le mélange gagnant d’action et de comédie de la franchise Beverly Hills Cop et le resituer dans un contexte plus glamour rappelant étrangement celui de Miami Vice. L’initiative allait en soi établir les bases d’une formule croisant d’une manière on ne peut plus tapageuse scènes d’action explosives, répliques humoristiques bien envoyées, et personnages unidimensionnels avec lesquels nous ne pourrions pourtant que sympathiser. Les antécédents de Bay en faisaient évidemment un candidat idéal pour devenir l’un des maîtres du cinéma d’action hollywoodien de la fin des années 90. Mais c’est toutefois d’une manière assez maladroite qu’il donna le coup d’envoi à cette union qui allait ironiquement débuter et prendre fin avec les exploits des détectives Mike Lowrey (Will Smith) et Marcus Burnett (Martin Lawrence).

Le scénario de Bad Boys est en soi tout ce qu’il y a de plus convenu : deux policiers particulièrement décontractés qui n’ont pas peur d’appuyer sur la détente pour faire régner l’ordre et la loi doivent retrouver la trace d’un groupe de malfrats ayant réussi à s’infiltrer à l’intérieur d’un poste de police pour y dérober une importante saisie d’héroïne. Pour ajouter une note un peu plus personnelle à toute cette histoire, les deux héros devront aussi venger la mort d’une amie mannequin de qui ils demandèrent l’aide et qui se retrouva malgré elle au mauvais endroit au mauvais moment. Et pour compliquer un peu la donne, nos deux flics devront également changer d’identité dans des circonstances complètement abracadabrantes afin de venir en aide à une amie de la défunte et seul témoin de toute cette affaire. Simple film d’action qui ne prétend jamais être plus que ce qu’il est réellement, Bad Boys a tout du divertissement lourdaud, mais pas nécessairement dépourvu de tout intérêt, devant lequel on s’installe confortablement sans trop se poser de question. Le problème par contre est que les trois scénaristes aux commandes de ce récit pourtant anodin ont souvent tendance à prendre le spectateur pour le pire des imbéciles, et donc à souligner à outrance les moindres détails de leur intrigue par le biais de dialogues d’une qualité parfois fort discutable. Une manie qui ne date pas d’hier au cinéma, en particulier dans sa forme hollywoodienne, mais qui prend néanmoins des proportions ridicules dans le présent effort. D’autant plus que ces séquences purement explicatives ne font bien souvent qu’engourdir une trame narrative autrement tout ce qu’il y a de plus soutenue.

La même tendance s’observe également au niveau visuel alors que la réalisation de Michael Bay s’avère en soi assez irrégulière. Issu d’un domaine où le soin de l’image prime sur tout le reste, parfois même un peu trop d’ailleurs, le réalisateur américain n’a aucune difficulté à mettre ses connaissances acquises antérieurement au service de l’action. Son approche extrêmement léchée tirant le maximum de la direction photo survitaminée d’Howard Atherton illustre bien le goût pour la démesure du cinéaste qui ne se gêne pas ici pour multiplier les effets de style, en particulier les ralentis, tout en les exécutant d’une manière toujours très prononcée. Il n’y a évidemment pas la moindre nuance dans le travail de Bay et ce dernier est visiblement très à l’aise avec la tâche qui lui fut confiée, laquelle ne consistait au fond qu’à mettre en image de la façon la plus bruyante possible un scénario reposant presque entièrement sur l’efficacité de ses scènes d’action. Au sommet de son intensité, nous devons bien reconnaître que Bad Boys réussit à nous amener là où nous devrions être devant pareil spectacle, soit sur le bout de notre siège. Pourtant, l’assurance et le savoir-faire dont fait preuve Michael Bay lors de ces multiples séquences de poursuite et de fusillade s’évapore subitement lors des scènes ayant pour but premier de faire progresser l’intrigue. La facture visuelle du réalisateur américain régresse alors à un point où celle-ci dépasse de peine et de misère les standards de mise en scène déjà peu élevés de la comédie de situation et de la série policière.

Nous ne pouvons toutefois pas accuser Bad Boys de ne pas tenir ses promesses. Le croisement entre le ton humoristique assuré par la présence du duo Will Smith / Martin Lawrence et celui plus sérieux et brutal mis de l’avant lors des séquences plus costaudes s’avère somme toute assez convaincant. Mais même s’il ne nous laisse pas vraiment sur notre appétit, ce premier long-métrage de Michael Bay n’a néanmoins que très peu à offrir. Le problème est que les deux personnalités du film ne furent visiblement pas traitées avec le même sérieux par le réalisateur et à ne vouloir stimuler les sens que des membres de la génération MTV, Bay et ses acolytes oublièrent de mettre sur pied un récit un peu plus substantiel, et surtout réellement satisfaisant. Film policier très moyen, Bad Boys se contente de jouer d’une manière plus ou moins inspirée avec les nombreux clichés du genre auquel il appartient tout en ne misant que sur sa mise en scène surfaite et pompeuse pour tenir son public en haleine. En ce sens, cette première incursion de Michael Bay au grand écran peut tout de même être considérée comme une réussite alors que ce dernier aura su jouer ses cartes d’une manière professionnelle, à défaut d’être nécessairement constant dans son propre travail. Le résultat final se veut certes vide, prévisible et terriblement artificiel. Mais bon, il s’est déjà fait bien pire, et surtout moins amusant.
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Critique publiée le 7 janvier 2008.