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Arrival (2016)
Denis Villeneuve

La communication à l’état primaire

Par Claire-Amélie Martinant
« For me Arrival is a story that begins on a bad Tuesday morning where twelve space ships are landing in strange places above earth. The spaceships are not landing above the White House or beside the Eiffel tower. We have no idea why they are landing there. And the spaceships are landing there in silence. And everybody freak out. »

Sous couvert de science-fiction, l’intrigue révélée par le réalisateur laisse présager un film d’action grandiloquent à la composition élémentaire. L’adaptation de la nouvelle Story of Your Life de Ted Chiang par le scénariste Eric Heisserer, nous entraîne dans les péripéties de Louise Banks (Amy Adams) professeure de linguistique, approchée par le gouvernement américain qui déploie (évidemment) les grands moyens en venant la chercher directement chez elle par hélicoptère en plein milieu de la nuit (qui n’en a jamais rêvé ?) pour la persuader de mettre à profit ses compétences pour décrypter les messages des nouveaux venus. Le Colonel Weber (Forest Whitaker) qui dirige l’opération et dont la mission est de saisir les intentions des envahisseurs lui présentera Ian Donnelly (Jeremy Renner), physicien au physique charmant, chargé de transcrire le langage extra-terrien en données mathématiques permettant d’élaborer un dictionnaire servant de base pour communiquer.

Le monde entier est sous l’effet de la polarisation que provoque l’invasion de ces 12 énormes objets flottant silencieusement au-dessus du sol délivrés de la pesanteur. L’événement fait la une des journaux télévisés et les meilleurs spécialistes gouvernementaux des pays dans lesquels sont campés ces vaisseaux s’affairent à comprendre leur raison d’être et surtout répondre à la question qui brûle les lèvres de tous à savoir quelles sont leurs intentions ?

Louise Banks et son équipe tentent une première intervention en se faufilant au coeur de cet habitacle inhospitalier par une embouchure rectangulaire à l’apparence d’une grotte de granit noir au travers de laquelle la gravité s’altère les amenant à marcher à la verticale. Cette première rencontre nous révélera leur apparence et leur phonation – un mélange de didgeridoo et de cornemuse à puissance mille. Sous l’impulsion du Colonel Weber, ils y retourneront en utilisant cette fois le fameux tableau blanc sur lequel Louise inscrit la mention « I am human. What are you ? » et recevront une réponse des heptapodes sous forme d’anneaux circulaires au graphisme irrégulier, pareils à des dessins d’encre noire en suspension projetés par leurs tentacules, qui déclenchera le compte à rebours de l’élucidation des secrets entourant la complexité de leur langage. Au fil des rencontres, Louise en sera profondément affectée, imprégnée par des flash-backs de sa vie future qui influenceront à tout jamais sa vie et sa perception du temps.

Ce qu’il en ressort? Une impression vague d’avoir trempé dans un jus opaque (sûrement pas le même que celui dans lequel Obélix est tombé petit) sans toutefois saisir le message de toutes ces élucubrations, ces démonstrations de communication et tentatives de compréhension du monde. Si le réalisateur se targue d’avoir réalisé son film le plus vulnérable (« I think it is by far my most moving movie, is my most vulnerable movie. It’s delicate, poetic, powerful story. And I think that if an audience member embrace the journey, i think he will be deeply moved and the movie will raise beautiful questions »), les états d’âme et émotions vécus par la protagoniste ne nous emmènent pas bien loin, nous émeuvent à peine tant tout est suggéré et accentué par une musique aux accords larmoyants.

Sous-couvert de science-fiction, ce film d’action qui tente de mettre de l'avant l’écoute et la communication ne nous apprend rien et tend même à nous anesthésier le cerveau en nous proposant une lecture sommaire, voire déshumanisante du monde. La survie de l’humanité est mise en jeu par l’arrivée d’inconnus et le constat c’est que tous se tiennent prêts à riposter en cas d’attaque, sauf les États-Unis qui, en bons samaritains, préfèrent ne pas recourir d'emblée aux armes et prendre le temps de l’écoute avant de lancer une éventuelle offensive. Et après ?

Les dialogues sont peu élaborés et manquent de profondeur, de raffinement. Les rapports entre les personnages restent d’une banalité hollywoodienne, et (heureusement ?) tout dans ce film est au même niveau, au ras du sol. La mise en scène dans la veine des milliers de films d’action déjà réalisés, ne nous offre que la démonstration de la force et des moyens employés face à une invasion extra-terrestre mondiale. Les aliens, d’aucune originalité physique, ressemblent points par points à une main avec 7 doigts sans qu’ils détiennent le charme de la Chose de la Famille Adams ou la beauté des êtres marins de Abyss ni même le visage attendrissant de E.T. Leur faculté? Nous ouvrir à la conception circulaire du temps où le passé, le présent et le futur ne forment plus qu’un. Nul besoin des extra-terrestres pour en faire l’expérience, bien des peuples dans le monde l’ont intégré dans leurs croyances.

Comme une bulle de savon qui éclate sur le premier obstacle qu’elle rencontre, « L’arrivée » retombe comme un soufflé qui aurait trop cuit et dont on en voudrait même pas le fond (la meilleure partie dans un soufflé au fromage). Si 50 millions de dollars en budget suffisent à nourrir l’industrie locale, ils ne peuvent nous convaincre de leur utilité en nous laissant croire que l’on peut tirer de ce film bien plus qu’il n’y paraît.
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Critique publiée le 13 décembre 2016.