La franchise
X-Men souffre encore - au cinéma du moins - des efforts risibles que se seront révélés
The Last Stand et
X-Men Origins: Wolverine. Deux projets bâclés qui auront visiblement miné la confiance jusque-là inébranlable que pouvait avoir le grand public envers le riche univers des mutants de Marvel Comics, expliquant du coup les performances correctes, mais sans plus, du pourtant fort satisfaisant
X-Men: First Class de
Matthew Vaughn. Les artisans derrière la présente saga cinématographique semblent néanmoins déterminés à corriger le tir afin de lui redonner son lustre d’antan. Un retour en force qui devrait normalement se concrétiser lors de la sortie du très attendu
Days of Future Past prévue pour 2014, chapitre qui marquera également le retour de Bryan Singer à la barre de la série, lui dont la filmographie aurait tout autant besoin d’un nouveau succès critique et commercial. Bref, avant de pouvoir regarder de nouveau vers l’avenir, il fallait d’abord assurer le présent en se tournant momentanément vers le passé. Pour le personnage le plus emblématique de la franchise (auquel
Hugh Jackman prête ses traits depuis plus longtemps maintenant que n’importe quel acteur ayant incarné l’agent 007), il fallait d’abord faire oublier la catastrophe d’une première oeuvre solo. Oeuvre dont la médiocrité ne l’aura toutefois pas empêchée de connaître un important succès aux guichets - et ainsi permettre à la production de ce deuxième opus d’obtenir le feu vert. Certes,
The Wolverine se révèle beaucoup plus maîtrisé que son prédécesseur - quoique la barre n’était pas très haute. Une production pour laquelle les mots d’ordre auront vraisemblablement été prudence et retenue.
Cela explique que les rênes du projet aient été confiés à
James Mangold (
Walk the Line) après que
Darren Aronofsky - qui comptait offrir une incursion beaucoup plus sombre et brutale au coeur de l’univers Marvel - se soit finalement retiré du projet. Un changement de cap qui aura poussé les producteurs à miser davantage sur les compétences que pouvait apporter le nouveau maître à bord plutôt que sur la vision artistique qu’il serait en mesure d’insuffler au projet. Une telle orientation se fait également sentir dans le scénario de Scott Frank et Mark Bomback, lequel s’éloigne considérablement de la surenchère des opus de 2006 et 2009 pour offrir un regard beaucoup plus substantiel sur cette nouvelle étape dans l’infini parcours du personnage titre. Celle-ci poussera Logan à quitter le Yukon, où il s’était réfugié depuis la mort de Jean Grey (
Famke Janssen) pour prendre le chemin de Tokyo, où un ancien militaire japonais souhaiterait faire ses adieux à l’homme qui lui a sauvé la vie lors du bombardement de Nagasaki. Le vieillard, devenu l’un des industriels les plus prospères du pays du soleil levant, prétendra être en mesure de libérer Logan de son immortalité, lui offrant de lui prendre son don en échange de quoi il pourra finalement vieillir à son rythme vers cette mort paisible dont rêvent tous les guerriers. Une nébuleuse histoire de succession forcera toutefois le héros en quête de rédemption à protéger la petite-fille de l’homme d’affaires, qui trépassera peu de temps après que Logan lui ait refusé sa dernière requête. Pour compliquer la donne, un bref contact avec une mutante dotée de caractéristiques propres aux reptiles réduira passablement les pouvoirs de régénération du mutant.
À l’instar de celle de plusieurs de ses contemporains, la démarche privilégiée par Mangold exprime ici une volonté d’inscrire le récit dans une réalité tangible tout en mêlant celle-ci à une série d’images rappelant spécifiquement le médium de la bande dessinée.
The Wolverine s’amorce d’ailleurs sur une séquence à couper le souffle, nous transportant à quelques instants du largage de la bombe atomique sur Nagasaki. Mangold impressionne alors de par la bouleversante sérénité avec laquelle il aura su traiter ces moments ayant précédé l’une des plus importantes tragédies de l’histoire de l’Homme. Autrement, l’intrigue de
The Wolverine tourne principalement autour de la prémisse on ne peut plus convenue du héros devant protéger à tout prix une femme pourchassée malgré elle par de dangereux malfrats. Partant de cette recette ayant déjà été mijotée à toutes les sauces, Mangold semblera de plus en plus à son aise avec la matière qu’il doit injecter à sa dynamique, intégrant par la même occasion bon nombre des éléments les plus distinctifs comme les plus étranges de la culture populaire japonaise. L’Américain éprouve toutefois certaines difficultés en ce qui a trait à l’orchestration de ses scènes d’action comme du rythme auquel il cadence son spectacle entre celles-ci et les séquences de développement. Le réalisateur fait néanmoins preuve de discernement en ne capitalisant pas sur un montage frénétique pour arriver à ses fins. Une caméra trop agitée ne rend toutefois pas toujours justice aux élans les plus spectaculaires. Le film de Mangold contient malgré tout sa part de moments inspirés, jouissant d’un travail plus méticuleux au niveau de l’image lui permettant alors de tirer profit des paysages nippons comme de l’atmosphère qui en émane pour effectuer adéquatement le pont entre la planche à dessin à l’écran.
S’ils ne font pas forcément un usage notable des éléments à teneur plus fantastique de leur scénario, Scott Frank et Mark Bomback parviennent malgré tout à faire de ceux-ci un enjeu clé de leur discours. Une initiative prenant principalement forme autour de ce self-made-man ayant tout accompli, ou presque. Un homme ayant vu de ses yeux le pouvoir des « dieux » en action qui, à présent, voudrait se servir de la technologie des mortels pour s’emparer de la seule chose qu’il lui reste à conquérir. La décision de miser cette fois-ci sur une prémisse beaucoup plus modeste, mais aux mécaniques beaucoup mieux huilées, aura donc été la bonne, nous éloignant suffisamment des buffets indigestes de mutants à volonté que nous avaient servi niaisement Brett Ratner et Gavin Hood il y a quelques années.
The Wolverine demeure toutefois une production à laquelle il manque la fougue comme l’ambition des meilleures productions cinématographiques de l’écurie Marvel. Le film de James Mangold ne tente en ce sens à aucune occasion de repousser ses propres limites, ne se contentant au final de n’être qu’un simple projet secondaire, prenant parfois trop pour acquise la force d’attraction de son personnage titre comme de son interprète. Ce dernier dévoile pour sa part une facette plus torturée de son plus célèbre alter ego, conférant au film une touche de mélancolie qui est définitivement la bienvenue. Bref, si
The Wolverine demeure un projet mené avec suffisamment de savoir-faire, il n’accomplit au final que ce qu’il se devait d’accomplir sans essayer d’en faire plus. Une retenue permettant certainement à cette sous-saga de sauver la face, mais pas nécessairement de laisser sa marque.