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Expendables 2, The (2012)
Simon West

Le dernier bastion

Par Jean-François Vandeuren
Autant il demeure une source de divertissement amplement satisfaisante pour les fans du cinéma de gros bras des années 80 et du début des années 90, dont la soif de fusillades et de bagarres mortelles à mains nues aura été étanchée beaucoup moins fréquemment au cours des dernières années, autant The Expendables se révélait être au bout du compte une expérience beaucoup moins mémorable - et donc plus éphémère - que bien des classiques du genre auxquels il faisait écho. Une opportunité à moitié saisie, à moitié manquée d’aborder l’essence de ce type de productions en ne faisant pas forcément preuve de plus d’intelligence, mais en se montrant à tout le moins beaucoup plus vif d’esprit. Du coup, plutôt que de plonger leur groupe de mercenaires gonflés à bloc au coeur d’une prémisse un tantinet plus extravagante, Sylvester Stallone et ses acolytes se seront contentés de les envoyer sauver la veuve et l’orphelin en combattant une autre dictature militaire tyrannique et sanguinaire d’un pays chaud. L’ensemble ne s’avérait d’ailleurs guère plus concluant sur le plan de la mise en scène, où Stallone offrait un travail, certes, passablement musclée, mais sans envergure. Nous pouvions déjà supposer que les choses s’amélioreraient considérablement à ce niveau alors que la réalisation de cette inévitable suite au succès de l’été 2010 aura été confiée à Simon West (Con Air, The Mechanic). The Expendables 2 ne présente évidemment aucun signe d’évolution sur le plan de la subtilité - et c’est parfait ainsi -, lui qui aura autrement gagné en violence et en décibels, mais pas forcément en ambitions, omettant de corriger au passage certaines des lacunes les plus importantes de son prédécesseur.

Nos sacrifiés sont donc de nouveau réunis dans leur tout dernier bastion au coeur du cinéma commercial, qu’ils continuent de défendre en misant sur la force du nombre, accueillant à cet effet quelques-uns de leurs compères qui avaient brillé par leur absence lors de la première bataille. La table sera d’ailleurs mise d’entrée de jeu pour ce spectacle de pure testostérone alors que notre commando d’étoiles décimera par dizaines les soldats d’une armée régnant sur une région isolée du Népal, et ce, dès la séquence d’ouverture. Le groupe sera par la suite confronté à l’organisation d’un dangereux terroriste (Jean-Claude Van Damme) lorsque ce dernier fera échouer leur mission suivante et s’emparera des plans d’une mine où le gouvernement soviétique aura enfoui une grande quantité de plutonium durant la Guerre froide. Bref, une excellente façon de faire resurgir une menace qui, comme tout le reste ici, semble appartenir de plus en plus au passé. L’acteur belge, qui offre certainement la performance la plus sentie du lot, vient également combler l’un des manques les plus significatifs du premier épisode, offrant au second un antagoniste beaucoup plus charismatique et imposant, voire moins anonyme, qui fera vraiment sortir nos héros de leurs gonds en les lançant sur une quête de vengeance. La suite des événements sera à l’image de ce à quoi nous pouvions nous attendre alors que le film de West nous trimballera d’une scène d’action à une autre tandis que les ennemis crouleront sous une avalanche de projectiles et d’explosions toujours plus bruyante et insensée. Cette série de massacres sera évidemment entrecoupée de pauses nécessaires qui permettront à nos sympathiques machines à tuer de lancer quelques répliques rigolotes et de faire ressortir ce côté humain les différenciant de leurs adversaires.

Évidemment, au-delà des innombrables pétarades qu’il s’affaire à mettre en scène d’une manière qui ne s’avère pas toujours aussi efficiente que nous l’aurions souhaité, The Expendables 2 demeure une coquille brillant par son extraordinaire vacuité - qu'il assume d’ailleurs entièrement. Le septième art aura rarement livré discours plus insignifiant et inconséquent à travers une production exposant son auditoire à une quantité aussi démesurée de violence. C’est très certainement l’objectif qui était visé par les maîtres d’oeuvre du présent exercice, qui nous proposent un récit d’un manichéisme extrême dans lequel nous retrouvons les méchants d’un côté et les bons de l’autre, et au centre cet ordre mondial que les uns tenteront d’anéantir et les autres de préserver avec tout l’arsenal à leur disposition. Il est, certes, inutile de tenter de tirer ne serait-ce qu’une once de réflexion de cette glorification abusive de la manière forte à laquelle nous convie Simon West, ses protagonistes ne se contentant la plupart du temps que de grogner et de tirer sur tout ce qui bouge en ne ratant jamais une occasion de se féliciter de la manière la plus juvénile qui soit une fois le travail accompli. Mais le véritable problème de The Expendables 2, c’est qu’il n’arrive jamais à faire ressortir le moindre sentiment d’urgence d’enjeux qui, bien qu’aussi débiles que clichés, demeurent tout de même non négligeables. Le projet semble ainsi avoir été pensé et exécuté sur le pilote automatique, la majorité des séquences d’action n’ayant rien de particulièrement mémorable au-delà de la quantité de cadavres qu’elles empilent sans gêne pour le plaisir de ces barbares de profession, qui finiront par agir ici à titre de spectateur de leurs propres exploits, et ce, autant à titre de personnages que d’interprètes.

Dans ce créneau de films carburant presque exclusivement à l’adrénaline, le Gallois Gareth Evans nous offrait récemment un spectacle beaucoup plus stimulant et méthodique avec The Raid: Redemption, qui retournait lui aussi à une tradition beaucoup plus brutale du film d’action tout en trouvant le moyen de faire passer celui-ci au niveau suivant. Un exploit que ne cherchent aucunement à accomplir West et ses acolytes, dont les techniques s’avèrent fonctionnelles, mais sans plus, tandis que les idées ne misent trop souvent que sur cet inévitable sentiment de nostalgie - dont nous avons vite faite le tour - pour interpeller le spectateur. Les multiples têtes d’affiche de la présente franchise n’ont évidemment jamais été reconnues pour leurs grands talents d’acteurs, mais celles-ci ne cherchent encore là que rarement à mettre l’épaule à la roue à cet effet alors qu’il n’y aura au final qu’entre Stallone et Statham que s’installera une véritable chimie, le reste de la troupe ne faisant que répéter sa routine habituelle tout en poussant quelques répliques ne se révélant amusantes qu’une fois sur deux. Malgré tout, cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à se mettre sous la dent dans The Expendables 2, même que cette suite s’avère supérieure à son prédécesseur à bien des égards. À commencer par la présence d’un Chuck Norris qui sera glorieusement introduit à la manière d’un héros solitaire de western spaghetti et qui ira même jusqu’à dicter l’un de ces fameux « Chuck Norris Facts ». Bref, si le film de Simon West ne se prend jamais trop au sérieux, repoussant habilement les limites de l’autodérision - Schwarzenegger lançant le « Yipikaye » de Willis, etc. -, un peu plus de rigueur et de créativité aiderait définitivement à rendre l'ensemble un peu moins redondant.
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Critique publiée le 16 août 2012.