WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
L’équipe Infolettre   |

Halloween II (2009)
Rob Zombie

Crappy Halloween

Par Laurence H. Collin
L’on dira ce que l’on voudra au sujet de la carrière de cinéaste de Rob Zombie, une chose reste certaine : l’ex-rockeur fait preuve d’un enthousiasme incontestable pour ses projets. C’est en 2003 qu’il passera pour la première fois derrière la caméra, le temps d’un House of 1,000 Corpses à la qualité et au goût fort discutable. On retrouvera dans ce premier essai une tendance marquée pour la brutalité et l’humour carnavalesque, comme le peuvent en témoigner sa galerie de psychopathes texans bariolés à outrance. Viendra deux ans plus tard une continuation largement supérieure sous la forme de The Devil’s Rejects, certes l’entreprise qui aura accrédité à Zombie la chaise de réalisateur pour l’inévitable reprise du classique d’horreur de John Carpenter, Halloween. Les admirateurs de l’original de 1978 lui auront donc donné le bénéfice du doute, et avec raison- ce fut en effet la première fois depuis belle lurette que la série fut approchée avec passion et inventivité plutôt qu’avec un désintérêt cachant à peine ses intentions commerciales. Malheureusement, comme nous le savons tous, les desseins honorables ne font pas les bons films. L’approche de Zombie envers l’histoire de Michael Myers et Laurie Strode dans Halloween (2007) se résumait à une bouillie psycho-pop transparente réduisant un impénétrable icône de terreur à un gamin élevé au sein d’une famille négligente. Suivront une surabondance de meurtres brutaux enchaînés avec complaisance et une absence totale de véritables frayeurs. Succès commercial l’oblige, le revoilà aux commandes de la bête… et les résultats s’avèrent toujours aussi calamiteux.

Pourtant, le seuil de passage n’était pas placé bien haut. Quiconque était déjà bien conscient de la baisse de qualité considérable entre le film de Carpenter et sa séquelle jugera important de ne pas s’attendre à grand-chose. Halloween II (1981) de Rick Rosenthal est une production qui, bien qu’efficace par moments, était bien loin de posséder l’âme de son prédécesseur. Il ne s’agissait en bout de ligne que d’une prolongation extrêmement redondante de la trame narrative de l’original, question d’aller chercher d’autres billets verts chez les amateurs de ce qui a été pendant longtemps le film indépendant le plus rentable jamais produit. On retrouvait donc dans cette continuation notre héroïne Laurie Strode, interprétée de nouveau par la virginale Jamie Lee Curtis, poursuivie par le silencieux Michael Myers dans les couloirs de l’hôpital qui était censé assurer sa protection après un 31 octobre empli de panique. Hormis une enfilade d’homicides sanglants, le seul trait qui donnait un certain relief (pour le meilleur ou pour le pire, dirons-nous) à ce produit sans saveur était la décision scénaristique de révéler un lien de parenté entre Laurie et son traqueur. Maintenant qu’ils étaient frère et soeur, les épisodes de terreur de ces deux personnages auparavant liés par des circonstances tout à fait fortuites (mais diablement effrayantes) ne faisaient plus que respecter une règle improvisée en cours de jeu. Michael Myers ne cherchait donc qu’à tuer ce qu’il lui restait de famille— c’est précisément ici que l’ambigüité du concept culbuta et périt. Cinq autres suites allant de faiblardes à lamentables suivirent; sans jamais atteindre le succès phénoménal de leur géniteur, ces calques demeurèrent suffisamment profitables pour rester dans les parages jusqu’en 2002. Zombie aura tenté, en vain, d’insuffler une quelconque vitalité à cette longue histoire en la faisant renaître complètement en 2007 (le coup de théâtre du frère et de la soeur séparés en bas âge ici déjà compris), mais il est maintenant définitif que l’entité qu’est - ou était? - Halloween nous montre ici sa plus minable incarnation.

Halloween II reprend comme point de départ cette la situation de la jeune Laurie (Scout Taylor-Compton) étant piégée dans un hôpital, mais seulement à titre de prologue cette fois - l’issue que Zombie lui fournit est ultimement celle d’un mauvais rêve. Bien qu’assez bien troussée, la séquence comporte son lot de failles, en commençant par ses effets gore excessifs doublés de plusieurs détails qui, une fois remis en perspective, ne donnent pas dans la vraisemblance. Pourtant cette entrée en scène, aussi problématique soit-elle, se révélera être le meilleur atout de cet interminable carnage dénué non seulement de logique, mais aussi de simple frissons. On pourrait sérieusement se poser comme question si la dernière cible du réalisateur/scénariste n’est pas de nous désensibiliser à la souffrance physique, vu l’éventail d’atroces mises à mort prolongées composant son récit. L’éthique d’un slasher traditionnel pourrait sembler laisser pardonner la présentation d’autant de cruels assassinats dans un seul film, mais l’approche qu’emploie Zombie pour ces moments fait couler son oeuvre bien en-dessous de ces standards. Dans Halloween II, il est impossible de ressentir la même excitation, aussi primaire soit-elle, que lors d’une décapitation dans la série Friday the 13th - le traitement ne permet que le dégoût devant telle barbarie. Le tic est répété encore et encore et encore, n’introduisant que de vulgaires caricatures à chaque dix minutes pour ensuite les rendre victimes de la même boucherie explicite ne générant pas la moindre tension. Le procédé passe de choquant à complètement dément avant même que le scénario ne soit à mi-parcours.

Il ne faudrait cependant pas donner toute la faute possible à ces pulsions meurtrières révulsives, puisque le projet porte déjà le poids accablant de sa sottise sans elles. À commencer par les intermèdes oniriques dans lesquels notre brute sanguinaire et barbue (?) est visitée par le spectre angélique de sa mère (Sheri Moon Zombie, femme du réalisateur), instants accablés par un symbolisme rudimentaire et involontairement comique. Zombie expérimente avec un concept lourdaud qui ne débouche ultimement sur rien, tentant très maladroitement de tirer une étude psychologique quelconque d’un des slashers les plus imbuvables de l’ère cinématographique actuelle. C’est sans parler du navrant manque de dynamisme de la trame narrative, qui juxtapose sans grâce la déchéance mentale de son héroïne aux moments d’inquiétude du Dr. Loomis (le pauvre Malcolm McDowell), celui-ci devenu célèbre après avoir publié un roman expliquant le monstre qu’est véritablement Michael Myers. Aucune « force » ne pousse ces bribes d’histoire vers l’avant - des personnages détestables parlent, des personnages détestables meurent. Des premières minutes jusqu’au dernier acte, on ne retrouve pas d’enjeu clair jusqu’à ce que les trois individus centraux au récit se retrouvent au même endroit, en même temps l’instant d’une conclusion pétrifiante de futilité.

On ne retiendra que de réellement positif dans cette pénible souillure la création d’atmosphères glauques tout à fait impeccable, ce qui est bel et bien le seul point ou Zombie semble avoir mûri depuis sa relecture du classique de John Carpenter. Il est bien dommage de devoir rapporter qu’une douzaine de tableaux à l’ambiance profusément menaçante n’auront aucun effet si la menace promise ne flirte pas avec la peur mais bien le sadisme. Les interprètes, tous approximativement dirigés, ne s’en sortent pas vraiment mieux : le jeu convaincu mais sans grandes nuances de la jeune Scout Taylour-Compton ne contribue pas à établir un point d’attache dans ce spectacle grossier, et la composition lasse au possible du grand Malcolm McDowell laisse beaucoup à désirer. Il n’y a rien de substantiel à apprécier dans l’univers que nous inspire cette suite brouillonne et répugnante signée Rob Zombie, pas même en considérant les critères largement diminués qui viennent avec un film du genre. Le plaisir est dépouillé; la provocation futile. Il faut beaucoup de détermination pour arriver à faire chavirer un film issu d’une sous-catégorie dont la qualité générale et les fondations morales étaient déjà bien peu fréquentables, mais Halloween II y parvient haut la main. On aura tenté d'être bon public devant telle cochonnerie, mais les moments comme ceux dans lequel Michael Myers tue un chien pour se nourrir de ses organes vitaux rendent telle constatation inévitable : voici sans conteste l’expérience la plus odieuse qu’un spectateur confiné à son siège de cinéma pourra subir en 2009.
2
Envoyer par courriel  envoyer par courriel  imprimer cette critique  imprimer 
Critique publiée le 16 août 2009.