THE WOODSMAN (2004)
          Nicole Kassell
          
          Par Alexandre Fontaine Rousseau
          
          Lorsqu'il aborde un thème aussi tabou et difficile que la pédophilie, 
          un réalisateur peut-il avancer une position radicale et faire 
          de son film une grande déclaration? Le sujet est ici si sensible 
          et complexe que l'on verrait difficilement quelqu'un l'approcher de 
          façon casse-tout pour nous déclamer bêtement une 
          position morale extrême. Car au-delà de la pédophilie 
          comme telle, c'est de la réinsertion sociale d'un ancien prédateur 
          sexuel et de tout le mécanisme de libération conditionnelle 
          dont il est ici question. Somme toute, une bonne vieille histoire de 
          rédemption où le personnage principal n'aurait pas à 
          prime abord notre sympathie. C'est plutôt la voie de l'observation 
          qu'a choisie d'emprunter la jeune réalisatrice américaine 
          Nicole Kassell avec The Woodsman, laissant le réalisme 
          psychologique de ses personnages prendre le dessus sur le potentiel 
          sensationnalisme d'une si troublante histoire.
          
          Walter (Kevin Bacon) a passé douze ans en prison pour avoir agressé 
          sexuellement de jeunes filles à multiple reprises. Maintenant 
          libéré et malgré tout surveillé, il cherche 
          à vivre une vie normale en essayant de ne pas céder à 
          ces pulsions qui l'habitent. Installé aux abords d'une cours 
          d'école, il remarque un homme qui tourne autour des jeunes garçons 
          mais ne sait comment réagir. Au travail, il rencontre Vicky (Kyra 
          Sedgwick), femme avec laquelle il entretient une liaison durant quelques 
          temps avant d'accepter de partager son terrible secret. Mais tandis 
          que la pression devient progressivement plus forte et le penchant pédophile 
          de plus en plus difficile à étouffer, une collègue 
          (Eve) de Walter apprend la raison de son emprisonnement et décide 
          de lui faire la vie dure.
          
          Ce qui frappe plus que tout dans The Woodsman, c'est la crédibilité 
          des divers actes que posent les personnages de Steven Fechter pour une 
          situation donnée. Chaque décision prise par Walter, Vicky 
          ou même par des personnages secondaires tels que le sergent Lucas 
          (excellent Mos Def) semble avoir été soupesée et 
          étudiée par le duo que forme le dramaturge et Kassell. 
          Il en résulte une étude sérieuse et réfléchie 
          des comportements de Walter et de son entourage, une approche réaliste 
          et naturelle qui évite les effets de choc et la facilité. 
          Placé au coeur de ce complexe enfer psychologique, Kevin Bacon 
          fait preuve d'une grande retenue dans un rôle risqué qu'il 
          intériorise habilement pour offrir une performance remarquable.
          
          Une scène clé sert de point culminant au film et vient 
          faire évoluer son personnage de façon remarquable: dans 
          une forêt isolée, Walter croise une pour deuxième 
          fois la jeune Robin (Hannah Pilkes). Il cède à ses instincts 
          et fait des avances à celle-ci pour progressivement saisir qu'elle 
          est déjà la victime d'un autre homme. En ce seul instant 
          d'un grand raffinement narratif et cinématographique, Kassell 
          et Fechter viennent bouleverser l'univers de leur personnage principal 
          et détruire tous les mensonges de cet homme qui se défendait 
          en croyant ne pas faire de mal à ses proies.
          
          Bien fait et remarquablement sensible, The Woodsman oblige 
          à se poser des questions que l'on préfère habituellement 
          éviter. Pour cette simple raison, il s'agit d'un film nécessaire 
          et marquant dont la démarche sobre face à un sujet difficile 
          force au respect. Car plutôt que de se pencher sur un thème 
          qui pourrait somme toute difficilement polariser, le film de Nicole 
          Kassell cherche à nous faire entrer dans l'esprit névrosé 
          d'un homme déchiré pour nous demander si son retour dans 
          la société est possible. Un coup d'oeil rapide au film 
          de l'Américaine pourrait porter à croire que celle-ci 
          n'a pas eu le courage de donner son avis. Mais plus on y pense, plus 
          on comprend qu'elle n'avait pas le choix de laisser toutes les portes 
          ouvertes. Car devant une question si complexe, seuls les irréfléchis 
          et les insensibles pourraient prendre position à l'emporte-pièce.
         
          
        
        Version française : 
La Peur du loup
        Scénario : 
Nicole Kassell, Steven Fechter
        Distribution : 
Kevin Bacon, Kyra Sedgwick, Benjamin Bratt, Mos 
        Def
        Durée : 
87 minutes
        Origine : 
États-Unis
        
        Publiée le : 
21 Avril 2005