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WHO'S THAT KNOCKING AT MY DOOR? (1967)
Martin Scorsese

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Dès les premières images de Who's That Knocking At My Door, le spectateur assistant à cette scène somme toute anodine où est préparé puis servi un modeste souper comprendra que valeurs familiales et traditions sont les principaux thèmes du premier long-métrage de Martin Scorsese. Mais la musique rythmée impose une tension surnaturelle que le montage beaucoup trop nerveux accentue dangereusement. Quelque chose se trame derrière la façade chaleureuse de ce rituel quotidien. L'éclat de violence urbaine qui suit nous plonge instantanément dans le dur monde de l'auteur américain. Nous sommes bien devant un film du réalisateur de Goodfellas et de Taxi Driver.

En général, on détecte déjà lors de l'écoute du premier essai d'un réalisateur connu certains des traits caractéristiques de son oeuvre, déjà présents à l'état brut. Who's That Knocking At My Door ne fait pas exception à cette règle mais s'affirme dans le spectaculaire canon scorsesien comme un éclat particulièrement vif d'honnêteté et de vitalité cinématographique. Bien entendu, il ne s'agit pas du film le plus abouti de ce véritable génie du réalisme américain ni de son meilleur, loin de là. Mais la vitalité vivifiante de cette première expérience de réalisation est aussi surprenante que marquante. On a presque affaire à un film de la nouvelle vague française tourné aux États-Unis, à une ébauche d'À bout de souffle new-yorkais dont le dynamisme dépasse aisément le simple film étudiant.

Se profilent en filigrane tout au long de Who's That Knocking At My Door certains des thèmes chers à Scorsese: conflit entre les valeurs catholiques traditionnelles et la complexité de la vie moderne, dégénérescence d'une jeunesse italo-américaine pauvre, amitié entre voyous. En fait, on voit se dessiner clairement une ébauche de Mean Streets dans chaque recoin de ce scénario. Or, le fait que la réalité décrite ici soit encore si fraiche à la mémoire de Scorsese et de ses acteurs insuffle au film un côté franc et quelque peu naïf qui le rend percutant et éminemment authentique. Who's That Knocking At My Door a tout du film tourné dans le quartier de son enfance, de l'hommage aux matériaux du souvenir que le regard de la caméra vient rendre universellement éloquent. C'est un film chaleureux et personnel, mais malgré tout expressif et extraverti.

C'est aussi toute sa mécanique de la réalisation que Scorsese peaufine avec ce premier film. Ce montage déjà percutant et fougueux, quelques travellings ingénieux qui annoncent les plans séquences grandioses de ses classiques, ce sens inné pour l'exploitation juste de chansons du répertoire populaire: tout est là à l'état embryonnaire. Ce sont par ailleurs les scènes où la musique prend le dessus qui demeurent les plus saisissantes de cet essai. Comme cette scène hypnotique où R.J. et ses amis jouent avec un fusil à moitié saouls, morceau d'anthologie dans une filmographie qui n'en manque pas. Ou celle, étourdissante, qui exploite l'air de débauche du The End de The Doors bien avant que Coppola ne le fasse dans Apocalypse Now. Sans oublier cette direction d'acteur déjà si maitrisée qui permet à Harvey Keitel de briller au sein d'une distribution au naturel désarmant.

Dans Who's That Knocking At My Door, le talent est déjà indéniable mais la jeunesse toujours palpable. C'est en partie ce qui fait le charme de cette chronique franche et dynamique, que Scorsese reprendra plus tard avec l'aplomb de la maturité et la sagesse du recul. Mais ce portrait, parfois un peu académique mais toujours énergique, propose déjà un discours articulé sur la violence de l'Amérique et sur les conflits moraux intestinaux du «land of opportunity» dont rêvaient les immigrants. Déjà, Scorsese s'impose comme un réalisateur marquant.




Version française : -
Scénario : Betzi Manoogian, Martin Scorsese
Distribution : Zina Bethune, Harvey Keitel, Anne Collette, Lennard Kuras
Durée : 90 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 29 Avril 2005