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THE WHISPERING OF THE GODS (2005)
Tatshushi Ômori

Par Alexandre Fontaine Rousseau

La provocation religieuse est un genre cinématographique en soi; on peut difficilement pécher plus loin que le délire oedipien Viva la Muerte de l’Espagnol Fernando Arrabal, classique surréaliste dont le plus ardent désir était d’envoyer paître les dogmes catholiques de toutes les manières possibles. Si la provocation sexuelle s’est essoufflée au cours des dernières années, le cinéma sacrilège a pour sa part épuisé ses ressources dans les années 70, à une époque où certains croyaient encore l’Église catholique digne de respect. Bafouer une institution lorsqu’elle a déjà été rouée de coup n’a pas le même sens que lorsqu’elle est encore tenue en haute estime par la majorité. Partageant avec l’Italien Pier Paolo Pasolini son goût pour l’exposition cartésienne du vice et la sexualité froidement monstrative, le réalisateur japonais Tatshushi Ômori propose avec The Whispering of the Gods une première œuvre sulfureuse mais un peu vide. Sa provocation facile et tendancieuse ne gratte pas les zones sensibles de l'humain; c'est une exploration en surface d'ignominies qui ne surprennent plus.

Dirigée par le clergé, une petite communauté en apparence pieuse cache sous sa soutane de morale et de prières un pénis en érection permanente. Haut lieu du vice et de la débauche, le village isolé respecte une hiérarchie stricte de l'humiliation. Ici, les faibles font jouir les forts jusqu'à l'arrivée perturbante de l'anarchique Rou (Hirofumi Arai). Refusant de se soumettre aux autorités, le jeune homme a pour seule ambition de détruire l'ordre établi. S'il se soumet aux désirs charnels de prêtres pédophiles et homosexuels, c'est pour mieux les anéantir par la suite à grand renfort d'assauts contre leur dictature de droit divin. Rou n'en fait qu'à sa tête, s'attaquant aux faibles comme aux forts sans faire de distinction, et prend un malin plaisir à trouver les manières les plus originales possibles de commettre des péchés toujours plus graves.

S'opposant esthétiquement au cinéma chaotique de Takashi Miike, The Whispering of the Gods n'est pas sans rappeler de par son esprit le Visitor Q de celui-ci; Ômori partage avec Miike ce désir violent de souiller tous les tabous. Toutefois, son cinéma prise un minimalisme observateur où chaque plan semble méticuleusement étudié. Cette recherche visuelle sérieuse est loin d'être inintéressante et propose un contraste marqué aux actes de transgression qu'elle dépeint. Malheureusement, ce conflit entre l'image calculée et l'acte impur semble à la limite totalement dépourvue de sens. Chose certaine, elle ne sert pas à accentuer le malaise, car cette lubricité grotesque est règle générale plus comique que troublante. Par ailleurs, la caméra de Tatsushi Ômori semble complaisante tant lorsqu'elle se penche sur la violence que sur le sexe.

Seuls les moments où Ômori s'éloigne des sujets scabreux semblent trouver grâce à nos yeux: la seule scène de sexe senti du film est d'une grande beauté, oscillant entre désespoir, abandon et désir avec une sensibilité aussi réelle qu'elle semble fragile. Pour un instant, on croira Rou capable d'amour alors que son corps se fusionne à celui de la belle Kyoko (Megumi Sawara). Peut-être au fond cherche-t-il simplement à ce que la novice Kyoko trahisse son voeux de chasteté? Après tout, le film nous présente son principal protagoniste en tant qu'as provocateur sans noblesse. S'il détruit la décadente communauté, c'est en fin de compte pour mieux en perpétuer la tradition. Après avoir détrôné les pères, Rou se substitue à eux.

Tristement nihiliste, The Whispering of the Gods n'offre en fin de compte qu'un entrefilet d'idée pour justifier ce cirque de dépravation qu'il offre en pâture au spectateur. Mais une fois de plus, le cinéma de pure provocation semble se justifier par son propos là où il devrait n'être que le véhicule le plus adapté pour exprimer certaines idées. Sans être totalement vain, le film de Tatsushi Ômori - derrière ses gestes extrêmes vaguement gratuits - ne fait que répéter des idées qui étaient plus pertinentes il y a de cela trente ans. Sans la charge politique inhérente au mouvement Panique d'Arrabal et Jodorowsky, ce festival du sacrilège sombre dans le sensationnalisme de haut niveau. Dommage, car la maîtrise technique du jeune réalisateur s'avère dans l'ensemble admirable.




Version française : -
Version originale : Gerumaniumu no yoru
Scénario : Yoshio Urasawa, Mangetsu Hanamura (roman)
Distribution : Hirofumi Arai, Reona Hirota, Megumi Sawara, Keita Kimura
Durée : 107 minutes
Origine : Japon

Publiée le : 26 octobre 2006