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WANTED (2008)
Timur Bekmambetov

Par Louis Filiatrault

Propulsé par des promesses de sensations inédites, Wanted est le genre de film au sujet duquel on se plait à prédire qu'il apportera un « vent d'air frais » au sein de la production hollywoodienne. Et il serait faux de croire que le projet ne présentait aucun potentiel: ses publicités donnaient à voir des effets de style frappants, signés par l'un des quelques « visionnaires » ayant contribué, avec sa discutable série Night Watch, à rapprocher toujours plus la violence du cinéma de celle, plus outrancière, du jeu vidéo. Mais sous ces dehors éclatants, Wanted contient-il vraiment les ingrédients d'un divertissement mémorable, ou du moins un tantinet original? Il s'avère dans les faits que le film de Timur Bekmambetov cache des traits on ne pourrait plus traditionnels derrière une attitude polissonne plus ou moins contagieuse, et surtout fort peu soutenue. Ironiquement, c'est son mouvement de bascule vers des éléments plus sagement classiques, à savoir une progression linéaire et un ton dramatique absorbant, qui lui confère ses qualités les plus sûres. Le réalisateur russe se retrouve ainsi aux commandes d'un film des plus schizophréniques dont il peine à faire adhérer les pièces disparates, et qui par le fait même frustre le spectateur soucieux d'un minimum de cohérence.

D'emblée, Wanted semblait en voie de s'inscrire dans le sillage des Crank et Shoot 'Em Up qui ont marqué les derniers étés ; films extrêmement divisifs qui faisaient de l'injection cynique d'adrénaline leur projet, et y parvenaient avec plus ou moins de succès. Pourtant, une mise en place reproduisant sans vergogne le ton, le dispositif et le contexte psychologique d'un Fight Club le situe dans un créneau tout autre: celui du phantasme d'évasion, d'un défoulement de pulsions adolescentes bien ancré dans la réalité du monde adulte. Curieux, le spectateur accepte l'humour de mauvais goût, l'absence totale de subtilité, et suit la musique sans trop se poser de questions. Une première scène de violence révèle (ou rappelle) l'affection de Bekmambetov pour le grotesque vaguement spectaculaire, et met surtout en lumière le manque total de rigueur avec lequel celui-ci envisage sa réalisation: des compositions d'une efficacité plastique fulgurante s'opposent à des cadrages on ne pourrait plus quelconques, tandis que le recours abusif au ralenti finit par en neutraliser l'impact esthétique ; attributs qui resteront les mêmes pour l'ensemble des séquences d'action de Wanted. Néanmoins, le tout semble encore sous contrôle et demeure ludique, d'autant plus que le virage vers les péripéties plus fantaisistes apparaît imminent.

Au premier chef, Wanted bénéficie d'un élément majeur dont la série Matrix, dont il reproduit pourtant le schéma narratif à la lettre, était dépourvue: un héros doté d'une personnalité. Il faut dire que le jeune James McAvoy s'avère un interprète bien plus intéressant que son aîné, le vénérable Keanu ; l'acteur typiquement romantique, qu'on a pu admirer dans Atonement l'année dernière, sort de sa zone de confort et poursuit son américanisation, mais conserve son jeu intense, tout en frémissements, et se plie à sa tâche avec un dévouement évident. Il en résulte un personnage décidément ordinaire, dont les gémissements peuvent devenir agaçants, mais auquel il est facile de s'attacher. Il s'agit aussi du principal fil conducteur qui nous permet de rester intéressé à un scénario qui, au fur de sa progression, ne cesse de se standardiser: l'arrachement initial au quotidien sera suivi d'une introduction dans les règles au groupe d'illuminés oeuvrant à la préservation de l'équilibre universel, d'un entraînement brutal mais somme toute convenu, d'une découverte de soi plutôt superficielle, puis de l'inévitable « twist » qui entraînera un revirement brusque des motifs de chaque personnage. Mais de cet amas d'ingrédients réchauffés se dégage tout de même un parfum d'étonnement: alors que sont abandonnées parfaitement l'ironie et la grossièreté de son premier acte, Wanted s'engage avec assurance dans une progression dramatique mesurée avec grand soin, et surprend subitement par la finesse de son développement. L'exploration du thème central qu'est le libre-arbitre ne s'en trouve pas pour autant profonde, mais conserve à tout le moins une certaine charge affective qui semble honnête. D'où le malheur de la voir se buter à des étalages de violence de la plus grande insignifiance.

En ce sens, l'épilogue méprisable de Wanted résume admirablement son conflit interne: à la résolution sensée de bouleversements dramatiques considérables, les scénaristes ne peuvent s'empêcher de substituer une explosion d'agressivité idiote, puérile, complètement dépourvue de fondement. Leurs priorités rejoignent en ce sens celles d'un réalisateur qui, quelques minutes auparavant, aura orchestré avec une minutie de tous les instants un assaut meurtrier des plus spectaculaires, puis fétichisé l'image d'une ultime balle traversant le cerveau de multiples malfaiteurs. Le même réalisateur qui aura plus tôt surdécoupé une poursuite automobile sans se rendre compte qu'elle était parfaitement illisible, et qui aura plus tard su nous porter au bout de notre siège lors d'un effondrement de train numérique sans, on s'en doute, comprendre ce qui en faisait une scène plus réussie. Il aura monté sur le pilote automatique des scènes qu'il a sans doute jugées banales et tiré tout au plus quelques moments amusants des présences d'Angelina Jolie et Morgan Freeman pour mieux se consacrer, on s'en doute encore, à des avalanches d'effets spéciaux dont il ne comprend pas encore le plein potentiel. Tout cela se fait donc au détriment d'un scénario dont les prémisses détenaient pourtant un fort potentiel d'équilibre entre divertissement et réflexion ; dans sa forme actuelle, Wanted ne réalise pleinement aucune de ces aspirations, et nous laisse devant des instants de bravoure dispersés, un certain cachet technique, mais très peu de saveurs qui passeront à l'histoire.




Version française : Recherché
Scénario : Michael Brandt, Derek Haas, Chris Morgan
Distribution : James McAvoy, Morgan Freeman, Angelina Jolie, Terence Stamp
Durée : 110 minutes
Origine : États-Unis, Allemagne

Publiée le : 2 Janvier 2009