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VISITOR Q (2001)
Takashi Miike

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Une mère héroïnomane, battue par son propre fils lui-même constamment brutalisé par les autres jeunes de son âge, sera libérée sexuellement par un étranger qui s'installe dans leur famille sans véritable invitation. Le père, un réalisateur d'émissions de télé-réalité ayant épuisé ses sujets et ne sachant plus quoi faire pour troubler ses spectateurs, sera pour sa part poussé encore plus loin dans sa démarche morbide par ce même visiteur mystérieux. Il ira jusqu'à tuer une collègue de travail et à filmer des actes de nécrophilie qu'il commet sur la dépouille de la jeune femme dans le but de dépasser les limites du bon gout. Ainsi, cette famille japonaise sera détruite devant nos yeux par la provocation silencieuse de cet étranger qui, caméra à la main, devient le spectateur de cette chute.

Avec Visitor Q, l'enfant terrible du cinéma japonais, Takashi Miike, se permet d'offrir en quelque sorte un film sur le phénomène de la télé-réalité. Bien que son propos premier comme quoi la course à l'effet de choc qui régit le genre n'a pas de conclusion possible soit intéressant, son film est d'une immaturité si profonde que l'idée est complètement gaspillée. Finalement, le film de Miike est victime de sa propre thèse, se complaisant vulgairement dans la démonstration vide et le spectacle abrutissant. Visiblement trop excité par ces mères héroïnomanes et ces adolescentes prostituées pour offrir autre chose qu'une suite de scènes provocantes, Miike se fait prendre par son propre piège et n'arrive jamais à transcender la superficialité de ses images. Son film n'est ni une critique, ni un commentaire.

En fait, Miike ne prend jamais la position privilégiée d'observateur intelligent devant ce spectacle d'un sensationnalisme aberrant, et son film n'est finalement rien de plus qu'un méprisable symptôme de plus de cette course effrénée aux sensations fortes régissant le royaume médiatique moderne. Mais, une fois un nouvel extrême atteint et Visitor Q dépassé, que reste-t-il du film? Rien, à l'exception de l'humour noir absurde et acidulé de cette finale déjà plus intéressante où Miike semble enfin trouver un ton particulier, à défaut de s'en servir pour nous dire quelque chose.

Empilant les unes après les autres les images de mauvais gout avec un plaisir tangible, Miike s'avère encore une fois trop fasciné par celles-ci pour s'élever au-dessus d'elles et en devenir le maitre. Le second niveau de cette explosion de violence et de sexe est relégué aux oubliettes par un réalisateur trop occupé à choquer pour comprendre les ramifications de ses gestes. C'est au spectateur de réfléchir sur les thèmes abordés ici car Miike, lui, en semble incapable. Or, son film devient par le fait même inutile, une dose d'abjecte gratuite sécrétée sans réelle intention. Difficile, donc, de justifier son existence.

Visionner Visitor Q s'avère donc un acte de voyeurisme de plus alors que l'on espérait avoir droit à un commentaire sur le voyeurisme. Mais dans un monde où cette pratique est devenue la norme, le geste de Miike n'est provocateur qu'en apparence. L'univers du réalisateur est confiné à ce monde, n'explorant que la surface des choses et n'arrivant jamais à dépasser le niveau de la télé-réalité. Prisonnier d'une superficialité exacerbée, son cinéma ne devient qu'une preuve de plus que nous ne savons plus quoi faire pour nous divertir. Le réalisateur japonais devra comprendre un jour que la merde, aussi extrême soit-elle, demeure de la merde. Les spectateurs aussi d'ailleurs.




Version française : -
Version originale : Bizita Q
Scénario : Itaru Era
Distribution : Kenichi Endo, Shungiku Uchida, Kazushi Watanabe
Durée : 84 minutes
Origine : Japon

Publiée le : 30 Avril 2005