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THIRTEEN (2003)
Catherine Hardwicke

Par Frédéric Rochefort-Allie

Le genre teen movie ne me plait pas. Je n'ai jamais vu la trilogie American Pie ni même She's All That, tout simplement parce que pour moi, comme bien d'autres, c'est un genre insipide, gras et qui tombe majoritairement dans les clichés les plus abominables. N'étant ni une femme, ni une adolescente et encore moins du tempérament rebelle, je suis probablement à 100 mille lieux du sujet et pourtant j'ai maintenant l'impression d'en être en plein coeur. Thirteen secoua Sundance en 2003 et avec raison.

Tracy (Evan Rachel Wood) est une jeune adolescente hors du coup qui, débutant son secondaire, désire faire partie d'une «élite» féminine composée entre autres de la fille la plus sexy de l'école, Evie (Nikki Reed). Tracy commencera à devenir la proie de ses propres désirs, devant ainsi une sorte de monstre formé par les messages que véhicule la société aux adolescentes, qui horrifie littéralement sa mère (Holly Hunter) et ses proches. Sexe, drogues et rock'n roll.

Il est étonnant de découvrir qu'une oeuvre qui critique l'adolescence d'aujourd'hui avec tranchant est écrite par une adolescente elle-même. Nikki Reed, l'interprète de Evie, signe ici un scénario plutôt intrigant. D'un côté, le personnage de Tracy et ses conditions de vie pourraient sembler caricaturaux. Mais de l'autre, toutes les situations vécues par notre protagoniste sont inspirées d'histoires vraies vécues par la famille de la scénariste et aussi dans la vie de tous les jours de plusieurs adolescents. Je me suis moi-même retrouvé en Tracy, du moins...la Tracy du début. Pratiquement tout ce qui peut arriver à l’adolescente et ses amies sont des évènements que j'ai vus de mes propres yeux ou dont certaines personnes que j'ai rencontrées ont vécus. Il est donc quasi impossible de ne pas s’attacher moindrement au personnage. Idem pour la mère qui, divorcée, rejoint bien des parents. Il reste tout de même décevant de suivre l’évolution d’un drame qu’on connait tous si bien : la crise d’adolescence. L’intrigue elle-même frôle constamment le cliché sans toutefois s’abaisser au niveau de certaines sitcoms pour adolescents. Certaines scènes sont aussi franchement mélodramatiques, ce qui énerve un tantinet.

À ceci, s’accompagne une réalisation près du documentaire. L’idée n’est pas mauvaise du tout, les évènements prennent des aspects beaucoup plus réels et actuels. Avec un montage nerveux et des images filmées avec une caméra numérique, on se sent réellement dans la psyché de Tracy, un monde «à la MTV» où tout bouge toujours. Mais c’est justement cette même réalisation qui empêche parfois l’intensité d’une scène d’accéder à son spectateur. Nos yeux sont trop souvent préoccupés à suivre la caméra plutôt que l’intrigue. Le montage effréné est aussi paradoxalement ralenti par certaines scènes inutiles, bien que touchantes. Catherine Hardwicke est tout de même une réalisatrice douée d’une grande sensibilité qui sait comment saisir une émotion avec un simple plan, ce qui rend certaines scènes nettement plus intéressantes au point de vue strictement visuel.

Mais la véritable force de cette œuvre sont les performances plus vraies que nature de la jeune Evan Rachel Wood et de Holly Hunter. Je crois bien rarement n’avoir vu une interprétation d’une aussi grande maturité et d’un ton aussi vrai venant d’une jeune actrice comme Evan Rachel Wood. Son jeu subit une transformation radicale qui progresse tout au long de l’œuvre pour arriver à un résultat franchement horrifiant de réalisme et monstrueux du point de vue moral. Holly Hunter, elle, nous fait oublier ses rôles précédents et incarne cette femme dont les émotions sont jouées avec une justesse rarement atteinte dans sa carrière. La chimie entre les deux actrices est telle qu’on croit sincèrement à leur lien affectif. Bref, de ce point de vue c’est une réussite totale, malgré les bévues et les longueurs. On ne pourrait pas en dire autant toutefois de l’homme incarnant le père qui franchement, mérite bien d’apparaitre aussi peu dans le film. Son interprétation se rapproche plus du ton de Watatatow que d’un drame présenté à Sundance.

Finalement, si l’histoire n’a pas autant de portée qu’elle le désire, le portrait que fait Nikki Reed de sa génération est effectivement horrifiant de vérité. Ne généralisons rien, je n’affirme pas par là que le parcours de Tracy est emprunté par tous les adolescents, mais vous risquez très fortement du moins de vous retrouver en elle. Après avoir visionné l’œuvre, je n’ai pu faire autrement que de compter le nombre de références à la culture dont s’imprègne Tracy et sur une bonne vingtaine de chaines, 13 furent jugées porteuses de ces messages. C’est pour cette raison qu’un drame, bien que mélodramatique par moments, pour adolescents de cette trempe mérite amplement l’attention de ces derniers et de leurs parents. Ne serait-ce que pour le jeu des comédiennes, dont la jolie Evan Rachel Wood à qui s’annonce un futur bien prometteur.




Version française : Treize ans
Scénario : Catherine Hardwicke, Nikki Reed
Distribution : Evan Rachel Wood, Nikki Reed, Holly Hunter, Jeremy Sisto
Durée : 100 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 29 Janvier 2004