SUNSHINE (2007)
          Danny Boyle
          
          Par Jean-François Vandeuren
          
          Les deux premières collaborations entre Danny Boyle et le scénariste 
          Alex Garland ne nous présentaient pas toujours le genre humain 
          sous son jour le plus attrayant. Les efforts du duo faisaient plutôt 
          état d’un monde à la dérive dans lequel l’homme, 
          déshumanisé, était désormais incapable d’assurer 
          la survie de ses idéaux (The Beach), et devait faire 
          face aux conséquences catastrophiques de sa constante témérité 
          face à la science et mère nature (28 Days Later). 
          Les deux cinéastes ne changent aucunement de cap avec Sunshine 
          et augmentent même les enchères en confrontant cette fois-ci 
          l’humanité toute entière à sa propre extinction. 
          Le soleil est sur le point de mourir, plongeant peu à peu la 
          planète bleue dans une nouvelle ère glacière qui 
          pourrait bien être la dernière de sa courte histoire. Une 
          mission spatiale bizarrement baptisée Icarus-1 est alors envoyée 
          en direction de l’astre en question afin d’y provoquer la 
          naissance d’une nouvelle étoile. Lorsque le contact est 
          rompu avec l’immense engin, Icarus-2 prend son envol, emportant 
          avec lui l’ultime espoir d’une civilisation qui n’aura 
          vraisemblablement pas d’autre chance d’éviter la 
          grande noirceur. Tout se déroulera comme prévu à 
          bord du vaisseau jusqu’au jour où l’équipage 
          interceptera un signal de détresse provenant de la première 
          expédition. Au terme d’une décision fort controversée, 
          l’embarcation mettra le cap sur Icarus-1 afin de venir en aide 
          aux derniers survivants et d’obtenir une chance supplémentaire 
          de mener la mission à terme. Mais une erreur de calcul survenue 
          lors de la modification de la trajectoire de l’appareil provoquera 
          une série d’incidents qui compromettront grandement le 
          succès de la mission en plus de causer la perte de plusieurs 
          membres de l’équipage.
          
          Sunshine est évidemment tributaire des concepts et préoccupations 
          auxquels les deux cinéastes avaient déjà tenté 
          de nous sensibiliser lors de leurs deux premières rencontres. 
          À la manière du surprenant 28 Days Later, le 
          présent effort s’alimente d’un profond sentiment 
          de désespoir et d’urgence d’agir tout en méditant 
          sur la valeur d’une seule vie humaine face au bien de toute une 
          collectivité. Une mise en situation qui fut évidemment 
          apprêtée à toutes les sauces possibles et inimaginables 
          au cinéma, mais que le scénariste britannique renouvelle 
          malgré tout de belle façon en privilégiant une 
          approche beaucoup plus rationnelle qu’émotive et dramatique. 
          Le tout à l’intérieur d’un cadre narratif 
          particulièrement étroit qui n’est pas sans rappeler 
          le microcosme soi-disant paradisiaque dans lequel évoluaient 
          les personnages de The Beach. Mais bien qu’Alex Garland 
          récite ici un discours qu’il connaît visiblement 
          sur le bout des doigts, ce dernier parvient néanmoins à 
          lui donner un second souffle en accordant énormément d’importance 
          à l’évolution psychologique de ses protagonistes 
          qu’il confronte constamment à un sens du devoir pour le 
          moins ambiguë dans un contexte où la mort leur semblera 
          de plus en plus inévitable. Il faut dire que le scénariste 
          traite également ces idées d’une façon plus 
          posée, et par conséquent plus significative, en opposant 
          habilement préoccupations d’ordre politique, écologique 
          et social à une nature humaine passablement meurtrie que Garland 
          présente à tout coup comme la plus grande force et la 
          plus grande faiblesse de ses sujets.
          
          Garland accorde aussi une importance particulière à cette 
          force imprévisible, et surtout incontrôlable, que représente 
          la nature, traitant le soleil comme une source de pouvoir qui fascinera 
          au plus haut point les uns et corrompra complètement les autres. 
          Le Britannique utilisera d’ailleurs superbement cette image pour 
          rehausser ses écrits d’une touche d’horreur à 
          teneur mystico-biblique particulièrement sentie dont le développement 
          narratif et la valeur symbolique rappelleront à plusieurs égards 
          ceux du monumental Alien de Ridley Scott. Heureusement, cette 
          initiative ne semblera jamais déplacée dans un effort 
          reprenant avec autant de grâce l’élégance 
          et la sérénité ayant caractérisé 
          certains des plus grands classiques de la science-fiction tels le 2001 
          : A Space Odyssey de Stanley Kubrick et les lectures respectives 
          d’Andreï Tarkovski et de Steven Soderbergh du Solaris 
          de Stanislaw Lem. S’il est vrai que la prémisse de Sunshine 
          peut paraître quelque peu rudimentaire au premier abord, son approche 
          à la fois modeste et grandiose révèle progressivement 
          les traits d’une production tout ce qu’il y a de plus ambitieuse, 
          autant sur papier que sur pellicule. Délaissant complètement 
          les traits beaucoup plus bruts de son 28 Days Later, Danny 
          Boyle signe ici sa réalisation la plus soignée à 
          ce jour, laquelle est merveilleusement photographiée par Alwin 
          H. Kuchler qui avait déjà mis ses talents au service d’une 
          autre œuvre phare du cinéma de science-fiction des années 
          2000, soit le fabuleux Code 46 de Michael Winterbottom. Le 
          cinéaste britannique se prévaut également de quelques 
          effets de style fort bien orchestrés qu’il utilise principalement 
          pour donner le ton aux passages plus mouvementés et horrifiants 
          du scénario d’Alex Garland.
          
          Tout comme le cinéma de Michael Winterbottom et Frank Cottrell 
          Boyce, l’œuvre de Danny Boyle et Alex Garland est de plus 
          en plus marquée d’une fascination pour le moins réjouissante 
          pour diverses formes de cinéma par rapport auxquelles les deux 
          principaux intéressés affichent à tout coup une 
          compréhension exceptionnelle des codes et des mécanismes 
          narratifs les caractérisant. Le duo signe ainsi avec Sunshine 
          une œuvre magnifique, mais excessivement tourmentée, s’inspirant 
          autant de la mythologie grec que de la bible pour imager un récit 
          fantastique dont les bases demeurent pourtant profondément réalistes 
          et scientifiques. Danny Boyle joue également ses cartes d’une 
          main de maître sur le plan dramatique en confinant ses personnages, 
          et le spectateur par la même occasion, à l’intérieur 
          d’une série de lieux dont l’étroitesse s’avèrera 
          souvent étouffante tout en berçant ses élans aux 
          rythmes d’atmosphères envoutantes que la superbe trame 
          sonore signée Underworld et John Murphy n’aurait pu mieux 
          appuyer. Les deux cinéastes impressionnent également de 
          par la façon dont ils dirigent toute notre attention sur la mission 
          en cours, ses enjeux et ses multiples dérapages, résumant 
          l’urgence de leur mise en situation avec une retenue pour le moins 
          exemplaire qui donnera éventuellement le ton à une séquence 
          finale d’une beauté et d’une simplicité tout 
          simplement sidérantes. Car même s’ils rapprochent 
          toujours un peu plus l’humanité d’un certain point 
          de non-retour, Garland et Boyle demeurent au fond de grands optimistes 
          qui continueront de saluer le courage et la détermination de 
          certains tout en refusant obstinément de jeter la serviette de 
          façon définitive.
        
          
         
        
        
        Version française : 
Les Derniers rayons du soleil
        Scénario : 
Alex Garland
        Distribution : 
Cillian Murphy, Michelle Yeoh, Chris Evans, Rose 
        Byrne
        Durée : 
107 minutes
        Origine : 
Royaume-Uni, États-Unis
        
        Publiée le : 
15 Septembre 2007