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SAINTS-MARTYRS-DES-DAMNÉS (2005)
Robin Aubert

Par Jean-François Vandeuren

Un film exploitant les rouages du cinéma fantastique et d’horreur donne toujours lieu à un gage intriguant, mais duquel il faut savoir tout autant se méfier, particulièrement lorsque l’effort se produit dans un milieu qui ne favorise pas tant que ça l’élaboration de ce genre de projet à grande échelle. Le Québec en est un bon exemple. C’est dans un contexte où notre cinéma attire un public de plus en plus vaste que le cinéaste et comédien Robin Aubert (Le Nèg’) s’esquive d’un répertoire favorisant d’ordinaire le drame et la comédie pour nous offrir son drame fantastique Saints-Martyrs-Des-Damnés. Celui-ci raconte les mésaventures du journaliste Flavien Juste (François Chénier) et son photographe Armand Despas (Patrice Robitaille), tous deux partis enquêter dans le cadre d’un article pour un journal d’histoires insolites peu réputé sur le cas d’une petite ville isolée du Québec où les gens disparaissent mystérieusement. Les choses prendront une tournure de plus en plus étrange lorsqu’Armand disparaîtra en pleine nuit. Flavien tentera alors de le retrouver de peine et de misère, peu aidé par la population locale qui semble protéger un secret des plus inquiétants, duquel elle semble tout aussi apeurée.

Ce qui ressort d’entrée de jeu de ce premier film de Robin Aubert est un hommage à un genre face auquel le cinéaste québécois est visiblement fasciné. Ce dernier réussit du même coup à nous entraîner sans trop de difficultés dans un amalgame de genres réunissant l’horreur, qu’il a parfois un peu trop tendance à appuyer des traditionnels sauts de convenance accompagnés de bruits stridents, le drame, et même une bonne dose d’humour qui n’est pas forcément noir. Le réalisateur sème par le fait même une pagaille considérable dans un scénario qui ne nous introduit pas nécessairement à des idées nouvelles, mais qui force néanmoins la note sur une symbolique fort bien exécutée entourant l’idée d’immortalité et d’errance d’un corps sans âme et vice versa, qu’il garnit d’autant plus de détails et d’observations assez pertinentes, notamment en ce qui a trait à une forme de vieillissement prématurée. Aubert effectue également divers clins d’œil à des classiques du genre comme The Texas Chainsaw Massacre de Tobe Hooper, au cinéma de David Lynch et de David Cronenberg, visitant certains recoins qui ne sont pas sans rappeler une série de jeux vidéos qui s’inspirait abondamment de ces deux cinéastes, soit la toujours inventive et perturbante saga Silent Hill.

Saints-Martyrs-Des-Damnés s’avère d’ailleurs extrêmement réussi sur le plan de la mise en scène, nous confrontant à des décors décrépis à souhait et des personnages étranges typiques à ce genre de scénario. Robin Aubert propose en ce sens une réalisation époustouflante, autant dans ses mouvements contrôlés que plus excentriques, présentant le cinéaste comme un raconteur visuel dont la démarche est extrêmement intéressante à suivre, à laquelle s’ajoute la photographie de Steve Asselin qui supporte parfaitement cet univers inquiétant. Le réalisateur québécois effectue également quelques expérimentations visuelles grâce à des effets de style qui fonctionnent généralement bien. Cependant, cela donne lieu à une certaine confusion dans la mise en scène, particulièrement au niveau du montage, mais aussi sur le plan sonore. Pas qu’il y ait quelque chose à redire sur la plus qu’intéressante bande originale d’Yves Desrosiers, mais il est clair que le travail au niveau du son aurait pu jouer un rôle beaucoup plus significatif en ce qui a trait à la création d’atmosphères.

Il y a donc beaucoup à aller chercher sur le plan symbolique dans Saints-Martyrs-Des-Damnés, ce qui occasionne quelques excès mineurs de la part d’Aubert, dans un contexte narratif global assez réussi. Le traitement de l’enquête de Flavien capitalise d’ailleurs souvent sur la formation d’un sentiment de frustration chez le spectateur particulièrement ingénieux. Car comme l’histoire nous est racontée du point de vue de Flavien d’une manière ou d’une autre, les erreurs de parcours de ce dernier dans sa quête de vérité et de raison nous empêcheront d’obtenir l’ensemble des solutions aux différentes pistes empruntées par le film. Un premier long métrage impressionnant sur bien des points, mais qui n’est évidemment pas exempt de toutes fautes, pour la plupart assez futiles, dont une particulièrement ridicule lors d’une scène d’amour que Robin Aubert rattrape en partie alors qu’il semble s’en moquer à son tour. Le cinéaste québécois fait tout de même part d’un talent immense au niveau de la technique, la particularité de sa signature étant dans ce cas-ci qu’elle n’est pas totalement ancrée dans le fantastique. Il sera donc plus qu’intéressant de voir de quelle façon il fera suite à cette première oeuvre qui annonce déjà un bel avenir pour le cinéaste.




Version française : -
Scénario : Robin Aubert
Distribution : François Chénier, Isabelle Blais, Patrice Robitaille, Germain Houde
Durée : 115 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 5 Octobre 2005