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SONGS FROM THE SECOND FLOOR (2000)
Roy Andersson

Par Jean-François Vandeuren

La relation qui existe entre le cinéma et son auditoire est on ne peut plus étroite. Si l’on considère le septième art comme un témoignage, une interprétation, de l’histoire passée, des craintes faces au futur et du mode de pensée présent, l’ère actuelle, que bien des cinéastes s’acharnent à dénoncer, vient boucler cette alliance en une sombre ironie. Qu’il s’agisse d’un simple divertissement ou d’une provocation artistique, le cinéma tâte désormais le pouls d’une civilisation sur le déclin. Qu’il soit utilisé par une majorité pour en oublier les effets ou par ces errants qui cherchent constamment à se les rappeler, pendant les quelques deux heures d’une projection, tous se retrouvent néanmoins à danser sur le même pied. Songs from the Second Floor vient s’inscrire dans ce mouvement important d’effort qui tente d’entretenir un dialogue cherchant à provoquer une réaction chez le spectateur occidental confronté à la probable monotonie et à la bêtise de son existence. Il aura fallu en tout quatre années au cinéaste suédois Roy Andersson pour enfin venir à bout de ce film se voulant son premier long-métrage en vingt-cinq ans. Le résultat se veut un essai ayant un film de zombies en tête et qui pourtant, n’a rien à voir avec l’horreur, illustré par Andersson à l’image de cette affront qu’est souvent la vie: grisâtre, morne, lente, sans merci, mais à laquelle on ne peut pas réellement échapper. Ou alors...

De ces lieux austères où meurent métaphoriquement chacun des personnages du film subissant son quotidien qui n’a plus rien à voir avec une quelconque forme d’évolution, se distingue une certaine similitude dans l’approche humoristique du propos rappelant celle des Monty Pythons et particulièrement celle de leur film The Meaning of Life. De prime à bord, l’effort d’Andersson évoque un discours similaire au film cité ci-haut où ce dernier y déplore une série d’évènements moroses autour d’un même fil conducteur au lieu de donner dans le sketch. L’humour employé par le réalisateur suédois se veut également beaucoup plus cynique et amer que celui de la troupe britannique.

Ce sera d’ailleurs avec une certaine joie que l’on imaginera le scénario de The Crimson Permanent Assurance, préface signée Terry Gilliam au film des Pythons, prendre place dans une scène du film de Roy Andersson alors qu’un conseil en réunion est subitement pris d’effroi en apercevant un immeuble bouger de l’autre côté de la rue. Bien évidemment, il s’agit ici d’une référence développée textuellement et non d’une manière visuelle et cette démarche vient s’inscrire parfaitement dans le ton maussade et lent conféré au film. De ce fait ressort une réalisation appliquée, très statique, où chaque scène est composée d’un seul et unique plan. Procédé qui risque toutefois de ne pas convaincre tout le monde au départ vu le développement langoureux de l’opus d’Andersson qui ne s’adonne dans aucun cas à une frénésie enlevante. Dans ces cadres toujours immobiles (à une exception près) et soigneusement découpés, s’y place donc ces êtres blêmes et désorientés, ne sachant pas trop quoi faire concrètement du temps qui leur est alloué et qui subissent des évènements sans trop en connaitre les raisons.

D’ailleurs, ces personnages ne faisant que du surplace se retrouvent mélanger peu à peu dans une mixture alliant le monde des vivants à celui des morts, ce qui explique d’autant plus l’allure qu’ils arborent, d’une pâleur des plus inquiétantes, leur donnant des attraits de cadavres ambulants plutôt que ceux d’une personne en parfaite santé. Andersson suggère en ce sens que les lieux dépeints dans son récit seraient en fait le purgatoire, où ses errants attendent patiemment d’être jugés pour enfin pouvoir passer à l’étape suivante. Mais en même temps, et le tour de force du discours du cinéaste prend tout son sens ici alors qu’il utilise une fine symbolique valsant sur les limites de l’absurde, il en suggère à tous les coups la vie. Comme quoi l’existence ne se résumerait qu’à une simple attente en espérance d’un jugement équitable. Si tel est le cas, quelle valeur auront nos actions si nous passons le plus clair de notre temps à nous débattre au beau milieu du système pour une besogne qui nous permettra seulement, dans le pire des cas, le nécessaire de survie? L’existence ne devrait-elle pas être une célébration comme bien des coloriages hollywoodiens nous le suggèrent?

Ces questions, Andersson n’y répond pas réellement. Il se contente plutôt de nous esquisser les pires chemins que la vie peut emprunter en aillant en tête de faire réagir son spectateur. Songs from the Second Floor est un film riche en substance qui gagne à être décortiquer. Son rythme est plutôt lent, mais néanmoins diablement bien soutenu et doté d’un humour noir qui saura faire rire jaune. Il s’agit donc d’une révolte bien proposée contre la mise à l’arrêt d’une évolution qui était pourtant constante avant l’âge adulte. Comme quoi quand on aura réussi à se cataloguer, il y a de forte chance que nous demeurions immobiles à force de s’égarer dans un monde embrumé par des valeurs insignifiantes qui compte de moins en moins de phares spirituels. Andersson réplique astucieusement à cela que la vie ne peut donc pas être que travail et une quête égoïste vers la richesse puisque peu importe l’héritage matérielle qu’on abandonnera derrière, on finira tous néanmoins au même endroit.




Version française : Chansons du deuxième étage
Version originale : Sånger från andra våningen
Scénario : Roy Andersson
Distribution : Lars Nordh, Stefan Larsson, Bengt C.W. Carlsson, Sten Andersson
Durée : 98 minutes
Origine : Suède

Publiée le : 25 Novembre 2004