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A SCANNER DARKLY (2006)
Richard Linklater

Par Frédéric Rochefort-Allie

Philip K Dick n'est jamais venu à Hollywood, c'est Hollywood qui est venu à Philip K. Dick. Mort depuis déjà 24 ans, ce génie de la science-fiction avait juré que ses oeuvres ne seraient jamais mutilées à Hollywood et diable il avait raison de se méfier ! Le célèbre auteur a toujours été l'idole d'un public d'universitaires, ou d'intellectuels assidus du genre, qui a toujours aimé faire des débats et des réflexions métaphysiques sur le sens profond de ses moindres griffonnages. Ainsi, les producteurs Hollywoodiens massacrèrent ses concepts en misant sur leur origine pour donner un certain cachet à leurs navets aussi vite produits que consommés, et en faire des pièges à con, tel Paycheck.

On pourra toujours rêvasser des adaptations abandonnées de Terry Gilliam (Brazil et Fear & Loathing In Las Vegas) et Charlie Kaufman (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Adaptation), mais A Scanner Darkly a abouti entre les bonnes mains, celles de Richard Linklater, lui-même fan de l'écrivain. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec l'oeuvre du réalisateur, une bonne part de ses films sont audacieux, profonds et philosophiques alors que l'autre est dédiée aux films commerciaux tels School of Rock ou le remake de Bad News Bears, allez savoir pourquoi! Pour l'une des rares fois en carrière, il amalgame ses deux approches et ce nouveau style convient parfaitement à l'ambiance du récit, car il l'allège pour le rendre plus accessible aux non-initiés de l'univers «K. Dickien», tout en ne travestissant pas le souvenir et les idées de l'auteur.

Comme toute oeuvre portant la signature du génie de son créateur d'origine, A Scanner Darkly est un film étrange et profond, qui stimule l'esprit. Comme le roman, il est difficile de n'y plonger qu'une seule fois, car il nous laisse sur de sérieuses questions. Même si on le décrit comme appartenant au genre de la science-fiction, le film est tellement près de la réalité actuelle que c’en est presque épeurant. A Scanner Darkly sert de métaphore et d'exagération à l'invasion de la vie privée, la guerre au terrorisme et à la paranoïa américaine depuis le 11 septembre, ce qui lui donne une résonance sociale que n'ont pas la majorité des films de science-fiction.

Visuellement, il s'agit d'un film d'animation hors normes où les animateurs ont littéralement calqué ce qui se trouvait à l'écran en créant des contours. C'est une méthode peu coûteuse, mais drôlement efficace pour créer des effets spéciaux étranges et l'ambiance particulière que nécessite ce récit. Linklater n'a pas recyclé sa technique d'animation de Waking Life que pour nous étonner, n'ayez crainte. Après plus d'une dizaine de minutes, on vient par n'être plus du tout dérangé et cette réalité étrange nous finit par devenir réaliste.

Non étranger à la science-fiction, on y retrouve pour une fois un Keanu Reeves plus qu'en forme et avec le style d'interprétation idéal pour le personnage. Alors que le Robert Arctor qu'il incarne n'arrive plus à percevoir la société d'un regard normal à cause d'un problème causé par une compétition entre les hémisphères du cerveau, son jeu détaché et monotone colle vraiment à ce policier. Le film nous donne aussi l'occasion de redécouvrir quelques disparus, Winona Rider et Robert Downey Jr, tous deux impressionnants et au sommet de leur forme. Linklater a tout de même la réputation de savoir bien diriger ses acteurs, même dans un navet, et ce film ne fait pas exception à la règle.

Si la science-fiction vous intéresse et que vous vibrez tout particulièrement pour un cinéma plus cérébral et hors du commun, A Scanner Darkly est un des meilleurs films en son genre et aussi certainement ce qui ressuscite le plus Phillip K. Dick, du moins par l'esprit. Ce dernier aurait probablement été fier de cette adaptation, car contrairement aux pirates et aux agents secrets qui dominent notre cinéma estival, l'adaptation de Linklater restera toujours une oeuvre particulièrement engagée et marginale. À mon humble avis, A Scanner Darkly suit de très très peu Blade Runner. Seules l'énergie et la virtuosité du film culte de Ridley Scott ne sont pas égalées. Quoi qu'il en soit, c'est un véritable festin visuel à voir et à revoir qui s'inscrira sans aucun doute parmi les meilleurs films de 2006.

P.S. Puis, les mélomanes se réjouiront d'autant plus d'y entendre Black Swan de Thom Yorke. Heureux mélange d'une Sainte Trinité (Yorke, K. Dick et Linklater)!




Version française : -
Scénario : Richard Linklater, Philip K. Dick (roman)
Distribution : Keanu Reeves, Robert Downey Jr., Woody Harrelson, Rory Cochrane
Durée : 100 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 12 Août 2006