A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

THE SATANIC RITES OF DRACULA (1974)
Alan Gibson

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Pour marquer l'arrivée des années 70, les légendaires studios Hammer décidèrent de moderniser un brin leur plus populaire franchise, la saga Dracula; le sixième film de la série, Dracula A.D. 1972, propulsait ainsi le plus célèbre des vampires de l'histoire (interprété, comme c'est de rigueur chez Hammer, par Christopher Lee) et son éternel rival le professeur Van Helsing (Peter Cushing) en plein coeur du vingtième siècle pour un énième affrontement sanglant. Lee n'était pas convaincu par la pertinence de l'aventure, la critique de l'époque pressa de détruire le film et le public ne répondit pas à l'appel comme l'avaient espéré les dirigeants de la Hammer.

Refusant de se laisser démonter par l'insuccès commercial et critique de cette première entreprise de rénovation, les producteurs de la firme anglaise n'hésitèrent pas malgré cet échec à capitaliser sur le potentiel de l'idée: deux ans plus tard, la Hammer servait donc à ses fidèles une suite à Dracula A.D. 1972 intitulée The Satanic Rites of Dracula. Supérieur à l'épisode précédent, malgré sa finition légèrement moins léchée, le film place le comte Dracula à la tête d'un conglomérat industriel et infuse les traditionnelles préoccupations surnaturelles de la série d'une touche d'espionnage alors très à la mode. Ainsi, les services secrets anglais enquêtant sur les agissements suspects de quelques notables - éminents savants, ministres et puissants chefs d'entreprises - découvriront que ceux-ci participent en secret à des rituels sataniques. Shocking, c'est le moins qu'on puisse dire...

Si Dracula A.D. 1972 jouait la carte du cool dans l'espoir de toucher un jeune public friand de films d'exploitation tels que The Trip, The Satanic Rites of Dracula mise pour sa part sur les meilleurs ingrédients de la recette Hammer cette fois servis en portions doubles. À la fin des années 50, les premiers films d'horreur de la firme avaient injecté sexe et sang au genre. Les enfants de cette révolution, pour la plupart italiens, consacreront quant à eux les années 60 à repousser les frontières du bon goût. Les premiers films de Mario Bava, notamment Black Sunday, ont d'ailleurs des allures d'hommage au travail de Terence Young pour la célèbre maison de production britannique. Mais, cette fois, ce sont les Anglais qui se doivent d'adapter leur cinéma fantastique aux nouveaux standards établis par des gialli au sadisme de plus en plus inventif. The Satanic Rites of Dracula exacerbe sans sombrer dans l'excès les tendances gore qu'affichaient pour notre plus grand plaisir les premiers Hammer, par ailleurs marqués du sceau d'une retenue éminemment british.

D'une remarquable élégance malgré ses origines de série B, le film d'Alan Gibson reprend somme toute les grandes lignes de l'intrigue du Taste the Blood of Dracula de 1970: quelques bourgeois blasés trouvent dans l'occulte un remède à leur ennui existentiel, le satanisme devenant ainsi synonyme d'un certain élitisme, pour finalement être trompés par le maître des ténèbres lui-même. Sans devenir porte-étendard de la lutte des classes, le cinéma de genre se fait ici l'écho populiste de tensions sociales qui culmineront en Angleterre dans les années suivantes. La menace, après tout, est le fruit de la déchéance morale des puissants et des magouilles d'une mystérieuse corporation dont l'ambition suprême est en réalité l'apocalypse. Car puisque The Satanic Rites of Dracula se veut l'ultime duel entre Cushing et Lee, mythiques interprètes ici au sommet de leur forme, le scénario double la mise en brandissant rien de moins que le spectre de la peste.

Après avoir été relégué au second plan dans Dracula A.D. 1972, le génial Van Helsing de Cushing revient cette fois dans une forme resplendissante; ses traits durs et son regard de glace dégagent une patiente détermination n'entachant en rien cette classe victorienne qu'il a toujours su dégager. Van Helsing n'est définitivement plus un vieillard inquiété par les frasques débauchés de sa petite-fille hippie, et cette gravité renouvelée avantage The Satanic Rites of Dracula par rapport à son ludique prédécesseur. Plus sérieux, le travail de modernisation de la série s'étend ici aux enjeux narratifs du film; Dracula ne se contente pas cette fois de hanter une vieille église de Londres, prisonnier dans un contexte contemporain d'un décor ancien. Truffé de références bibliques bien envoyées, le combat final du film de Gibson gagne dans ce contexte une étonnante résonance dramatique qui en fait, étonnamment, le meilleur Dracula de la Hammer depuis l'excellent Horror of Dracula de 1958.

À première vue vaguement tendancieuse, cette habile fusion du ton gothique de la formule Hammer classique à une intrigue d'espionnage rudimentaire dépasse le statut de simple curiosité rétro; il s'agit d'un divertissement de série B bien ficelé, conscient des attentes de son public et tout à fait en mesure de les satisfaire. Autrement moins kitsch que l'amusant Dracula A.D. 1972, The Satanic Rites of Dracula clôt la série sur une note franchement positive et permet au duo Cushing/Lee de dire adieu à ses fans d'une manière honorable. Un tel tandem, probablement le plus grand de l'histoire du cinéma d'horreur, ne méritait pas moins...




Version française : -
Scénario : Don Houghton
Distribution : Christopher Lee, Peter Cushing, Michael Coles, William Franklyn
Durée : 87 minutes
Origine : Royaume-Uni

Publiée le : 8 Juin 2007