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LES SANGUINAIRES (1997)
Laurent Cantet

Par Jean-François Vandeuren

Alors que l’an 2000 était à nos portes, tous avaient leurs craintes et leurs espérances face au 21ième siècle. On se souvient tous évidemment du fameux bogue qui devait plonger notre planète dans le chaos le plus total. Mais nombreux également étaient ceux qui ne pensaient qu’à faire la fête pour accueillir ce nouveau millénaire un an avant qu’on y entre réellement. Devant toute cette hystérie collective, était-ce réellement possible d’aller à contre-courant et célébrer l’arrivée du premier janvier 2000 comme s’il s’agissait d’une journée tout ce qu’il y a de plus banale? C’est ce que le premier long-métrage de Laurent Cantet tenta d’illustrer. Même si Les Sanguinaires fut réalisé plus de trois ans avant la date fatidique à laquelle il s’intéresse, le réalisateur français dépeint tout de même avec lucidité les événements à venir en s’attardant aux priorités changeantes et au manque d’union entre les individus à l’aube du nouveau millénaire.

Désirant s’éloigner autant que possible de la cohue prenant forme à Paris pour l’occasion, François organise une retraite avec un groupe d’amis sur une île où vit reclus le jeune gardien du phare s’y trouvant. Tous sont résolus à se tenir aussi loin que possible des médias et à vivre au jour le jour comme si rien ne se préparait. Mais à mesure que l’année prend fin, François se retrouvera isolé devant la motivation grandissante des autres à vouloir faire la fête et à ne plus prendre au sérieux les objectifs et les règles non écrites que le groupe s’était fixées au départ.

C’est sur une note plutôt épisodique que Laurent Cantet nous présente son récit. Celui-ci prend ainsi forme autour d’une mise en scène réalisée d’une manière plutôt terre à terre, mais qui n’en demeure pas moins précise dans ses intentions. Le cinéaste français nous plonge alors dans une mise en situation se rapprochant autant que possible de la réalité, le but visé étant évidemment de s’intéresser aux relations entre les différents personnages, desquelles émergent certaines tensions entre les milieux de vie et les générations. C’est à partir de ce point que Cantet élabore la partie la plus significative de son discours et d’autant plus importante à une époque où les nouvelles technologies sont de plus en plus à la portée de la main et nous permettent par surcroît d’accomplir une série de tâches en un temps record. Un détail qui a également la fâcheuse habitude selon lui de nous tenir à distance de nos actions et du reste du monde.

Les Sanguinaires nous incite alors à poser un regard reposé sur l’entêtement du personnage de François à vouloir retourner aux besoins humains les plus primaires. La brillance du scénario signé Cantet et Gilles Marchand dans ce cas précis sera mise en évidence par la façon dont il remet en question ces deux milieux de vie. D’une part, celui du garde du phare qui a appris à se débrouiller avec le strict nécessaire de ce que la modernité avait à lui offrir. Et, à l’opposé, celui de ces vacanciers issus des grands centres qui vivent dans une surabondance constante de ce genre de ressources. Le film expose d’autant plus d’une manière assez coriace les effets qu’une telle dépendance peut avoir sur les relations entre les individus, en particulier en ce qui a trait à la possibilité d’une organisation sociale sensée et efficace et ce, même dans l’espace le plus restreint. D’ailleurs, certains idéaux défendus par le présent effort ne sont pas sans rappeler ceux du discours du film The Beach de Danny Boyle. Le problème par contre dans le cas des Sanguinaires est que pour souligner plus précisément ses préoccupations face à l’arrivée de l’an 2000, Cantet finit par laisser quelques-unes de ses thématiques en suspend. Celles-ci sont alors abandonnées dans le derniers tiers du film afin de laisser la place à une nouvelle intrigue, un peu trop de convenance pour un tel scénario.

Les Sanguinaires se termine d’ailleurs sur une séquence digne d’un film de Jim Jarmusch, laquelle vient implicitement supporter l’idée qu’un tel événement n’est en fait rien d’autre que la continuation d’un cycle entamé depuis longtemps, et non le commencement d’une nouvelle ère. En ce sens, Laurent Cantet met un terme à son récit à un point crucial dans son développement. Le cinéaste souligne ainsi l’importance de la dernière scène d’un film comme annonciatrice des choses à venir pour ses différents personnages. Il faut dire aussi qu’à priori, Cantet n’avait pas vraiment besoin d’en dire davantage sur le plan narratif. Pour certains, il s’agira d’une initiative un peu frustrante, voire un peu lâche. Mais malgré tout, on ne pourra aucunement nier la logique implacable qu'elle entretient avec les motivations premières de l’effort.




Version française : -
Scénario : Laurent Cantet, Gilles Marchand
Distribution : Frédéric Pierrot, Catherine Baugué, Jalil Lespert, Marc Adjadj
Durée : 68 minutes
Origine : France

Publiée le : 17 Février 2006