A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

ROGER TOUPIN, ÉPICIER VARIÉTÉ (2003)
Benoît Pilon

Par Jean-François Vandeuren

Roger Toupin est un épicier dans la cinquantaine qui, au milieu des années 70, reprit le commerce de son père qui accueillait depuis la fin des années 30 les familles et autres habitants du Plateau Mont-Royal. Mais comme la modernité ne fait souvent aucun compromis, cet endroit mythique du quartier aux étalages jadis bien remplis et à la clientèle fidèle et abondante n’est plus ce qu’il était. N’offrant désormais que quelques cannes de conserve et friandises pour les derniers habitués et amis de longue date de Monsieur Toupin, ce commerce fait désormais office de repère où ces derniers se retrouvent la plupart des après-midis pour simplement jaser et prendre un bon café. Roger Toupin survit donc comme il peut, voyant néanmoins l’inévitable qui le séparera de sa mère, de qui il prend soin depuis de nombreuses années, de son commerce et de l’appartement au-dessus qu’il habite depuis sa naissance, approcher à grands pas. Étant un des habitués du commerce, le réalisateur Benoît Pilon décida de nous en faire vivre les derniers moments qui ne se produisent pas sans soulever de nombreuses remises en question.

Le réalisateur québécois nous fait donc rencontrer divers individus des plus sympathiques et souvent loufoques, mais dont la grande qualité se retrouve dans la manière dont ils ont réussi à continuer de prendre la vie comme elle vient tout en ayant toujours le cœur sur la main. Les moments les plus démonstratifs de cette idée sont ceux où le film fait part de la dévotion de Monsieur Toupin à l’égard de sa mère maintenant âgée de 85 ans, laquelle a pris depuis longtemps l’habitude d’aller se réfugier dans ses pensées. Pour Toupin, il lui rend tout simplement la monnaie de sa pièce. Elle les a élevés lui et ses frères et sœurs plus jeunes, c’est maintenant à leur tour de prendre soin d’elle et de la garder auprès d’eux aussi longtemps que possible. L’effort de Pilon fait également état d’un quartier qui, à l’image de plusieurs autres à Montréal, était autrefois peuplé de nombreuses familles de la classe ouvrière et qui sont devenus aujourd’hui à certains endroits l’ilot branché pour les gens de carrière et les étudiants prêts à payer des loyers de prestige. Ce qu’il y a d’intéressant par contre, c’est que Pilon propose ce débat indirectement, préférant nous montrer ce qu’il en est plutôt que de pointer qui que ce soit du doigt. La même chose s’applique à la manière dont il aborde notre préférence pour les commerces à grandes surfaces plutôt que le contact humain et chaleureux des petites entreprises familiales.

L’effort de Benoît Pilon fait aussi part d’une composition esthétique sentie venant supporter avec précision la charge émotionnelle se dégageant de son propos, tout en sachant rester plus modeste le temps venu, ce qui constitue d’ailleurs l’une des plus belles forces de son film. Par contre, on remarque que son approche a parfois tendance à se répéter autant au niveau de la trame sonore que de l’image où Pilon recréé ses ambiances en reprenant également les mêmes plans. Bien sûr, la qualité du travail proposé est évidente, mais avant l’arrivée du générique, on aura cessé de compter les fois où le même segment de musique sera venu border la réalisation de Pilon, et où ce dernier aura filmer Roger Toupin de profil en le plaçant à l’extrême droite de l’écran. Sans être réellement incommodant, il est certain que l’effort aurait tout de même gagné à être un peu plus diversifié sur ce point.

Roger Toupin, épicier variété nous offre en définitive le portait intime et bouleversant d’un homme qui n’a jamais mérité d’être affligé de la sorte par les évènements et qui, malgré tout, réussit à garder la tête haute et à rester impartial en ce qui a trait à sa foi. Le film met d’ailleurs en évidence cette attitude par le biais d’un questionnement personnel assez bien entamé. À l’opposée des lieux, le documentaire de Benoît Pilon témoigne d’un humanisme qui semble avoir échapper au passage du temps et que le réalisateur porte à l’écran d’une façon remarquable. De sorte qu’on ne peut finalement que se sentir assez mal lorsque ce que nous aurons vu venir tout au long du film finit par se produire.




Version française : -
Scénario : Benoît Pilon
Distribution : Roger Toupin
Durée : 97 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 23 Juin 2005