RE-CYCLE (2006)
Oxide Pang Chun
Danny Pang

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Un peu à tort, on présume règle générale que les frères Pang exploitent le créneau de l'horreur alors qu'en réalité leur cinéma s'avère beaucoup plus près du conte fantastique. Chez les Pang, l'atmosphère est plus légère et la narration classique prime sur la tension. Les frangins sont de grands enfants. À grand renfort d'effets spéciaux élaborés, ils jouent à se conter des histoires autour d'un feu de camp. Naviguant un terrain miné entre le sentimentalisme facile et la naïveté chaleureuse, leurs films charment lorsque la crainte et l'émerveillement cohabitent habilement. The Eye, leur plus grand succès à ce jour, demeure l'exemple le plus probant de cet équilibre. Avec les Pang, le film devient fable.

Cette approche, très proche des désirs du grand public, aura valu au duo l'attention d'Hollywood. Non seulement un remake de The Eye est-il en préparation, mais les frères eux-mêmes ont annoncé l'imminence de leur passage à l'Ouest. En attendant de voir ce que produiront les transfuges, leur plus récent produit tout droit sorti des studios d'Hong Kong, intitulé Re-Cycle, présente un synopsis classique tout en promettant un univers fantastique éclaté. Malheureusement, l'intrigue que l'on croirait tout droit sortie d'un roman de Stephen King n'a pas les reins assez solides pour soutenir ce monument branlant d'effets spéciaux qu'ont érigé les Pang plus ambitieux que jamais.

Jeune romancière à succès, Ting-Yin trouve difficilement l'inspiration nécessaire pour entamer l'écriture de son plus récent livre. Après avoir consacré une trilogie à l'amour, elle tente aujourd'hui de changer de registre : son plus récent opus The Re-Cycle sera une oeuvre à caractère surnaturel. Si les ébauches de synopsis se succèdent les unes après les autres, l'étincelle de génie, elle, tarde à venir. Qui plus est, des phénomènes étranges tendent à se manifester au fur et à mesure qu'une idée tangible prend forme. Bientôt, Ting-Yin est plongée dans l'univers qu'elle a créé. Énorme grenier subconscient de tous ses souvenirs abandonnés, cette contrée immatérielle se désagrège au fur et à mesure que l'on s'y aventure. L'auteure doit maintenant trouver la sortie - la fin de son histoire - avant que son propre esprit ne se referme sur elle.

Malgré sa prémisse prometteuse, Re-Cycle n'arrive jamais à prendre son envol. Ankylosé par trop de clichés ainsi que par sa pénible mièvrerie, ce film fantastique visuellement fouillé enchaîne les beaux tableaux numériques sans trop se préoccuper de les lier les uns aux autres. Trop occupés à créer des images marquantes, les Pang ratent la cible en plaçant dans un univers parfois somptueux des personnages aussi minces qu'une feuille de papier. Pour cette raison, les interminables tirades sentimentales dont la finale est parsemée nous semblent particulièrement risibles.

Autre problème, la logique de l'univers du film est particulièrement mal définie. À l'instar de leur romancière, les Pang semblent à la recherche d'un fil conducteur tout au long du film et l'intrigue qu'ils nous proposent finalement a des allures d'ébauche incomplètes. Re-Cycle se sert du thème de la création comme d'un prétexte flou à ce spectacle superficiel que nous livrent en fin de compte Oxyde et Danny Pang. Mais la magie ne s'opère jamais autrement que par l'entremise d'effets clinquants. La nature réelle du monde qu'ils érigent nous échappe et cette absence de substance finit par coûter au film son efficacité.

Voilà qui a de quoi décevoir. Car les Pang, après une mise en situation fort bien menée, se dégonflent en fin de parcours en proposant une finale incohérente et précipitée. Alors que tous les éléments semblaient en place pour l'ultime film du duo, les morceaux rassemblés s'effritent lentement derrière un voile d'artifices facile. Re-Cycle est un curieux voyage où la réussite est un mirage à l'horizon et la déception une inéluctable conclusion.