A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

PUSHER 3 : I AM THE ANGEL OF DEATH (2005)
Nicolas Winding Refn

Par Alexandre Fontaine Rousseau

La journée s'annonce éprouvante pour le pauvre Milo. Non seulement doit-il préparer un banquet pour quarante-cinq personnes afin de commémorer le vingt-cinquième anniversaire de sa fille, mais il vient de recevoir une énorme cargaison d'ecstasy qu'il n'avait jamais commandée et dont il ne sait que faire. N'étant pas familier avec ce nouveau marché, le vieux vétéran doit faire confiance à un petit caïd arrogant afin d'écouler le stock rapidement. Entre la cuisine et les affaires, Milo doit se rendre à une réunion des Narcotiques Anonymes. Car, effectivement, notre homme en est à sa cinquième journée de sevrage après des années d'excès.

D'une manière fort pertinente, la série des Pusher de Nicolas Winding Refn tend à brouiller la frontière entre la télévision et le cinéma. Ainsi, chaque nouvel épisode de cette petite saga sur le milieu de la drogue à Copenhague est une occasion pour le réalisateur danois de renouer avec des personnages et des lieux qu'il a déjà visités auparavant. Ses films s'entrecroisent sans s'emboîter les uns dans les autres à la manière de suites directes. Au-delà de cette notion de diégèse connexe, Winding Refn mise avec les Pusher sur l'authenticité d'acteurs non professionnels - parfois réellement associés au milieu interlope - ainsi que sur l'efficacité dramatique d'une histoire se déroulant en un cours laps de temps pour créer une expérience aussi tendue que crédible. Sorti en 1996, le premier Pusher précédait de quelques années le raz-de-marée télé-réalité et le succès monstre de la série 24. En 2005, cette formule moins novatrice est-elle aussi intense?

Heureusement pour nous, Nicolas Winding Refn comprend ce qui distingue le bon cinéma de la bonne télévision tout en puisant à même ce médium, que certains qualifient d'inférieur, certains des traits lui conférant son efficacité redoutable. Figure centrale, mais personnage secondaire des premiers volets de la série, le fascinant Milo de Zlatko Buric est ici le principal protagoniste d'une intrigue simple et efficace au service des personnages. I Am The Angel of Death se concentre sur des individus cruels et matérialistes pour lesquels la mort est monnaie courante. Ils en sont les marchands et n'hésitent pas à en précipiter l'avènement s'ils sont contrariés par les événements. Mais par une approche réaliste et d'une certaine manière humaniste, Winding Refn arrive à créer un lien d'attachement entre le spectateur et ces hommes que l'on pourrait qualifier de monstres.

Évitant le moralisme traditionnel, Pusher 3 évite de juger ses personnages. Il présente cependant la logique inébranlable d'un univers sauvage où chaque action comporte son lot de conséquences. C'est la seule fatalité de l'univers de Milo et la finale, ouverte comme c'est la tradition chez Winding Refn, n'impose aucune conclusion irréfutable. Laissant en suspend le personnage de Milo comme il l'avait fait neuf ans plus tôt avec le Frank du premier Pusher, le réalisateur espère ainsi pousser le spectateur à la réflexion.

Descendant de l'école réaliste d'un cinéma américain, le cinéma de Nicolas Winding Refn se fait l'écho moderne des films noirs de John Huston, emprunte son authenticité urbaine crue au Martin Scorsese de Mean Streets et sa vision de la véracité de l'image à La Bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo tout en s'inspirant de la méthode Cassavetes quant à ce qui a trait à l'interprétation. Marqué par le Killing of a Chinese Bookie de ce dernier, le Danois présente en la personne de Milo un gangster véritablement intéressant et nuancé au même titre que le Cosmo Vitelli qu'interprétait Ben Gazzara dans le classique de 1976.

S'il n'égale pas en terme d'impact viscéral le premier Pusher, I Am The Angel of Death est la meilleure des suites possibles; évitant de répéter jusqu'au moindre détail le motif de spirale infernale de ses prédécesseurs, Pusher 3 élabore intelligemment sur l'univers présenté dans les opus précédents. Il en découle une fresque intéressante en trois chapitres dont la forme rappelle sans contredit le petit écran tout en proposant, immanquablement, un bon moment de cinéma. Voilà enfin un compromis constructif.




Version française : -
Scénario : Nicolas Winding Refn
Distribution : Zlatko Buric, Marinela Dekic, Ilyas Agac, Gitte Dan
Durée : 90 minutes
Origine : Danemark

Publiée le : 30 Juillet 2006