PODIUM (2004)
Yann Moix

Par Frédéric Rochefort-Allie

Nom: Bernard Frédéric. Profession: Claude François.

«Un coeur qui bat, un nez qui flaire, une décision qui tombe... c'est Bernard Frédéric. Vous apprendrez à me connaitre», annonce le personnage. Dans les origines mythologiques du mot, Sosie était l'esclave d'un héros légendaire. Bernard Frédéric (Benoît Poelvoorde) n'aurait pu trouver image plus représentative envers sa passion pour Claude François. Allant jusqu'à sacrifier ses économies et sa vie familiale pour son idole, il planifie son grand retour sur la scène à l'annonce d'une nuit des sosies où se disputera le titre du plus grand Claude François de France. Une lutte qu'il ne compte pas laisser tomber.

Qui c'est ce fameux Claude François? Un has-been, tout simplement, auteur de grands classiques tels Comme d'habitude (l'ancêtre de My Way), Cette année-là et Magnolias Forever. Le fait que ce personnage ressurgisse de l'oubli le plus profond et d'une époque carrément révolue ne fait que s'ajouter au loufoque de la mise en situation. Podium est un film qui s'adresse uniquement aux amateurs de kitsch, bref à la culture du démodé et du ridicule. Sur ce point d'ailleurs, Yann Moix le réalisateur, a tenu à traiter le chanteur avec respect, visant plutôt par ses critiques les fans obsessifs, de Claude François à Johnny Hallyday. C'est dans les chansons et les danses où Bernard et ses Bernadettes se démènent à exécuter des pitreries, qu'on y trouve une réalisation plus inspirée. Le contraste entre l'aspect comédie musicale et les scènes de comédie est si fort que le récit y perd bien vite l'intérêt pour ne laisser place qu'à une bête attente de numéros musicaux. Podium ne retrouve son équilibre qu'à la fin, pour offrir un beau moment de cinéma, où l'intégration de vidéos d'archive n'a plus le même sens qu'à son introduction. C'est à ce moment où à la fois la réalisation, le scénario et le jeu des acteurs atteingnent en quelque sorte leur paroxysme.

Ce qui joue contre ce premier long-métrage de Yann Moix, c'est le peu d'attention qu'il porte au développement de ses personnages, prêtant toute son attention sur les dialogues et les gags. L'épouse de Bernard Frédéric par exemple est une pure inconnue. On sait à peine autant de chose sur elle que chez le rôle du serveur au restaurant du coin et son personnage joue un rôle crucial dans la vie de son sosie de mari. Pourtant, le film est écrit par trois scénaristes différents, mais dont aucun n'a suffisamment porté attention à ce manque plutôt crucial d'information. En revanche, plusieurs passages de dialogues sont quasi cultes.

Mais il suffit d'engager Benoît Poelvoorde et votre scénario se porte déjà bien mieux. L'acteur a une façon très particulière d'interpréter ses personnages qui fait de lui un personnage unique en son domaine à qui de plus en plus de cinéphiles vouent maintenant un culte. Chez Podium, Poelvoorde a trouvé un personnage dont l'ego lui permet d'utiliser son charisme à son plein potentiel. Il s'est engagé au maximum de ses capacités pour donner vie à son personnage, allant jusqu'à interpréter les chansons par lui-même en couvrant les plus grands succès de la carrière de Claude François. Il est une superstar, et c'est incontestable! Mais Podium se concentre tellement sur son acteur principal qu'il gaspille les talents de Julie Depardieu et du membre des Robin Des Bois, Jean-Paul Rouve pour les transformer en faire-valoir.

Bref, si Yann Moix avait soigné un peu plus son scénario, il aurait pu faire un grand début en comédie. Si plusieurs vouent un culte à son premier long-métrage, c'est simplement graçe aux chansons ultra kitsch de Claude François et à la présence corrosive de Benoît Poelvoorde, qui de toute façon sont déjà deux ingrédients gagnants pour une comédie. Mais au bout du compte, le film nous laisse sur notre faim et l'impression d'un travail inachevé. Dommage.