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PLAY MISTY FOR ME (1971)
Clint Eastwood

Par Jean-François Vandeuren

Il est tout de même étonnant que Clint Eastwood se soit attaqué à un tel scénario pour son premier long-métrage à titre de réalisateur, lui qu’on associait depuis plusieurs années déjà à des rôles de héros et de personnages plus impitoyables comme ce fut le cas pour la trilogie The Man With No Name de Sergio Leone et d’autres nombreuses collaborations avec son vieux comparse Don Siegel. À l’opposée, Eastwood semble avoir pris un malin plaisir à prendre sous sa propre tutelle les traits d’un personnage impuissant, ne pouvant aucunement compter sur une quelconque forme de force physique et qui est d’autant plus incapable de confronter les évènements d’une manière psychologique.

Play Misty For Me nous expose en ce sens le cas de David Garver (Eastwood), l’animateur d’un poste radio se spécialisant dans la musique jazz qui reçoit chaque soir l’appel d’une étrange admiratrice, Evelyn Draper (Jessica Walter), lui demandant de faire jouer la pièce Misty. Cette obsession les mènera à une relation ambigüe que David n’a aucunement l’intention de prolonger. Mais Evelyn commencera à empiéter sur la vie de ce dernier en se manifestant sous la forme de crises de jalousie et de sautes d’humeur des plus inquiétantes.

Play Misty For Me fut tourné par Eastwood en à peine trois semaines et à quelque part, c’est un détail qui se sent dans le résultat final. L’intrigue suit en soi les règles de l’art de cette catégorie de films à suspense. Le problème par contre est que l’effort d’Eastwood ne se concentre pas toujours sur les bons éléments. Le cinéaste en devenir consacra ainsi, à titre d’exemple, un peu trop de son temps à mettre en évidence sa passion pour la musique jazz, entre autre par une scène se déroulant au Festival de Jazz de Monterey. Le problème dans ce cas-ci est que, malgré la raison d'être de cette scène, comme bien d'autres dans la même situation, le rythme du film finit par souffrir énormément de cette initiative et Eastwood a parfois de la difficulté à reprendre les commandes de l’idée principale de son récit pour ensuite rendre crédibles certaines tournures scénaristiques dont l’efficacité varie en dents de scie. Le réalisateur étire en ce sens certaines scènes de façon inutile alors que d’autres plus importantes sont abruptement interrompues. L’ensemble compte fort heureusement sur une distribution solide lui permettant de récupérer, voire de carrément sauver, certaines de ces failles. Jessica Walter se démarque du lot grâce à un jeu particulièrement troublant venant appuyer l’étude de caractère de son personnage dérangé et souvent inconscient de ses actes, laquelle est élaborée à l’écran par l’actrice d’une manière forcée, mais qui se fond harmonieusement au ton général du film.

Là où ça se gâte d’une façon beaucoup moins réjouissantes pour Eastwood, c’est au niveau de la mise en scène où l’échec est parfois assez retentissant. On pourra dire ce qu’on voudra sur le fonctionnement des studios hollywoodiens, limitant bien souvent les cinéastes dans leurs idées, et avoir raison d'ailleurs dans la grande majorité des cas, mais Universal aurait tout de même dû encadrer un peu plus Eastwood pour son premier effort à titre de réalisateur plutôt que de lui donner carte blanche. Ainsi, ce dernier nous fait part d’une réalisation souvent confuse et brouillonne. Certaines des défaillances les plus notables se retrouvent également au niveau du montage où se produisent des erreurs de raccords beaucoup trop imposantes pour qu’elles puissent être ignorées, particulièrement lors de la création d’ellipses, où le mélange entre les dialogues et l’image fait souvent aucun sens, et lors d’une séquence tentant de nous plonger dans un état de confusion entre le rêve et la réalité qui tombe à plat vu son traitement beaucoup trop nerveux.

Ce n’est évidemment pas pour ce film qu’on se souviendra le plus de Clint Eastwood, autant le réalisateur que l’acteur. Play Misty For Me se veut en ce sens un premier effort faisant part d’un manque flagrant de maturité sur le plan technique, ce qui occasionne l’effondrement de plusieurs moments dramatiques ou de tension qui auraient pu facilement donner un résultat extrêmement pertinent en son genre. Car lors des séquences moins agitées, Eastwood parvient tout de même à bâtir une mise en situation de manière modeste, mais assurée. Il en ressort en final un suspense qui profita abondamment de la largesse d’esprit du cinéma américain de l’époque, peut-être même un peu trop si on en juge les nombreuses ruptures chaotiques au niveau du rythme et les invraisemblances parfois dérangeantes affligeant de part et d’autre le scénario signé Jo Heims et Dean Riesner.




Version française : Un Frisson dans la nuit
Scénario : Jo Heims, Dean Riesner
Distribution : Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills, John Larch
Durée : 102 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 29 Novembre 2005