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OSS 117 : LE CAIRE NID D'ESPIONS (2006)
Michel Hazanavicius

Par Jean-François Vandeuren

Le succès de Brice de Nice en poche, Jean Dujardin se devait à présent de trouver un projet qui allait non seulement confirmer son statue de nouvelle coqueluche de la comédie française, mais également prouver qu’il avait plus d’un tour dans son sac. Le comédien a véritablement trouvé chaussure à son pied en enfilant ceux du personnage culte d’Hubert Bonisseur de La Bath créé par Jean Bruce en 1949 (trois ans avant qu’Ian Fleming ne donne naissance à un certain James Bond). D’ailleurs il ne s’agit pas de la première apparition d’OSS 117 au cinéma, lui qui, tout comme l’agent 007, eut droit à sept adaptations cinématographiques entre 1956 et 1970. Pas question par contre d’adapter OSS 117 au temps présent. Pas question non plus de prendre cette résurrection au sérieux et de faire revivre à l’agent secret sa gloire d’antan. Si le retour au grand écran d’Hubert Bonisseur de La Bath s’avère néanmoins fracassant, ses instigateurs, Michel Hazanavicius et le scénariste Jean-François Halin, portent plutôt un regard critique sur ce type de personnage espion et la politique colonialiste française du milieu des années 50. De sorte que Le Caire nid d’espions ne se limite pas qu’à la simple parodie visuelle et révèle un propos politique particulièrement direct et d’une redoutable intelligence.

C’est vers L’Égypte que se dirige cette fois-ci l’agent OSS 117 pour élucider le mystère entourant la mort d’un espion français et (très) bon ami à lui, Jack Jefferson. Hubert devra alors démasquer les responsables de ce fâcheux incident et, bien sûr, rétablir la paix au Proche-Orient pour les décennies à venir. Rien de trop compliqué, quoi! Après tout, « les occidentaux sont appréciés partout lorsqu’ils y mettent un peu du leur… » Cette quête d’un égocentrisme démesuré est en soi un pure miracle. Une comédie d’un raffinement et d’une efficacité comme il s’en fait de plus en plus rarement. On se bidonne à en avoir des crampes à l’estomac devant le jeu aussi naïf qu’impeccable de Jean Dujardin et l’humour souvent gratuit, mais livré sur un ton bon enfant, de l’effort. Encore mieux, le film de Michel Hazanavicius porte à réflexion sans tomber dans la morale facile. Pour un film de ce genre, on parle ici d’un véritable exploit.

Le Caire nid d’espions s’avère également un festin pour les yeux. Michel Hazanavicius esquisse un univers extrêmement coloré à la manière d’une bande dessinée d’aventure tout en rendant grâce à la belle époque du technicolor. Sa mise en scène, appuyé par l’allure vieillotte de la direction photo de Guillaume Schiffman, reproduit à s’y méprendre celle d’un film des années 60 dans ses moindres plans de caméra et, évidemment, par l’utilisation de quelques trucages sympathiquement ratés. Visuellement, Hazanavicius s’en donne à cœur joie et la folie contrôlée de sa réalisation devient rapidement contagieuse tout en donnant le ton au film sur le plan humoristique. Mais plutôt que de se référer à une oeuvre en particulier, le cinéaste parodie le genre à partir de ses tics les plus connus. OSS 117 se veut ainsi un énorme pastiche dans lequel les gags défilent à une vitesse folle tout en demeurant étonnamment subtiles et diversifiés.

Le film exploite d’ailleurs à fond de train l’insignifiance de son personnage principal sans n’être pour autant qu’une vulgaire niaiserie. D’une part, Hazanavicius et Halin profitent de l’occasion pour porter un regard assez actuel sur la façon plutôt chaotique dont se dessine le paysage politique au Moyen-Orient. Hazanavicius met ensuite son protagoniste au service d’un plaidoyer particulièrement démonstratif de l’ethnocentrisme et de l’arrogance des nations occidentales à l’égard des autres cultures de la planète. Les deux cinéastes font d’ailleurs de l’orgueil des occidentaux une cible de choix, concentrant leurs énergies sur le processus d’aliénation mis sur pied par ces derniers dans le but de « faire régner la paix » partout dans le monde. Une initiative que les habitants des régions concernées rejettent évidemment du revers de la main dans la grande majorité des cas, à la grande stupéfaction de leurs «sauveurs».

Le Caire nid d’espions apparaît comme l’exemple parfait d’un grand divertissement exploitant consciencieusement chacun des éléments nécessaires à sa réussite. Ainsi, le film de Michel Hazanavicius surprend constamment son public grâce à un récit bidonnant et dynamique à souhait qui ne fait jamais du surplace (sauf si nécessaire). Le film enchaîne ainsi gags visuels et ceux tirant davantage profit des dialogues ou de la désinvolture de Jean Dujardin. Le comédien offre pour sa part une performance pour le moins exceptionnelle dont l’énergie et l’air niet alimentent un effort déjà extrêmement consistant à la base. Dujardin interprète évidemment un personnage qui ne changera pas en bout de ligne malgré les prouesses inimaginables qu’il aura été en mesure d’accomplir, comme apprendre une langue arabe en seulement quelques jours. Cet invraisemblance volontaire mène d’ailleurs à l’une des séquences les plus délirantes du film au cours de laquelle notre cher Hubert interprète en arabe la célèbre Bambino de Dalida. Il faut le voir pour le croire! Une comédie de haut calibre qui ne s’enfle jamais la tête et que l’on savoure du début à la fin.




Version française : -
Scénario : Michel Hazanavicius, Jean-François Halin
Distribution : Jean Dujardin, Bérénice Bejo, Aure Atika, Philippe Lefebvre
Durée : 99 minutes
Origine : France

Publiée le : 17 Septembre 2006