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THE OMEN (1976)
Richard Donner

Par Alexandre Fontaine Rousseau

« Ils ne les font plus comme dans le bon vieux temps! » Vous l'avez dit ou entendu dire des millions de fois, et pourtant ce point d'exclamation semble encore étrangement approprié lorsque l'on parle de l'horreur. Les pochades ironiques de Wes Craven ont défini le nouveau modèle du cinéma d'horreur, marquant l'intronisation du genre à l'ère de la modernité cinématographique. Les nouveaux héros du cinéma d'horreur sont conscients d'être les protagonistes d'une histoire mainte fois racontée et agissent en conséquence lorsqu'ils ne sont pas la vulgaire chaire à canon d'un carnage aussi sanglant que gratuit. L'atmosphère a été évacuée au profit du choc momentané. Un genre qui aspirait autrefois à exposer au grand jour nos craintes profondes se contente maintenant de nous faire sursauter une dizaine de fois en une heure trente minutes. Le fait est que le cinéma d'horreur classique témoigne d'une certaine forme de spiritualité auquel le slasher moderne, bassement matérialiste, ne fait aucune allusion.

D'une certaine façon, ce cinéma règle générale snobé par l'élite est une façon pour le mortel de faire face à la bête qu'il craint sans quitter le confort de son salon. En chassant le côté mystique du genre et en proposant des films prônant le détachement cool, une génération de réalisateurs l'a bel et bien dépouillé de ses valeurs. Alors que leurs ancêtres nous demandaient de tempérer notre scepticisme naturel, ces jeunes requins l'exacerbent étouffant par le fait même le caractère quasi religieux de l'expérience. De nos jours, on abandonne le meurtrier dans un poulailler et on filme le résultat dans les moindres détails. Avant, l'atmosphère était primordiale et la démonstration n'avait au fond que peu d'importance. Ce qui primait sur tout le reste, c'était la trace que laissait à long terme un film sur l'esprit du cinéphile. L'impact de l'horreur était insidieux. Réel.

D'une perspective purement historique, The Omen est en gros la progéniture mercantile des classiques de l'horreur satanique que sont Rosemary's Baby de Polanski et The Exorcist de William Friedkin. Exploitant le même répertoire de vieilles craintes chrétiennes, le film de Richard Donner n'atteint certes pas les mêmes sommets que ces deux oeuvres charnières mais il arrive néanmoins à nous captiver grâce à son climat soutenu. À plusieurs niveaux, il s'agit d'une oeuvre dont l'impact est moins superficiel que The Exorcist qui comptait pour sa part grandement sur ses effets visuels. En fait, The Omen fait preuve d'une remarquable retenue et fonctionne principalement grâce à la force de son scénario.

Bien sûr, les performances assurées de l'éternel Gregory Peck et de Lee Remick ajoutent au cachet du film tandis que les puissantes compositions de William Goldsmith lui injectent une certaine qualité menaçante. Mais c'est l'histoire de David Seltzer, axée non pas sur des péripéties mais sur une réelle progression narrative, que l'on retient en bout de ligne. Aujourd'hui, tout le monde sait très bien que The Omen raconte l'histoire d'un diplomate américain dont le fils n'est nul autre que l'Antéchrist. Qu'un certain mystère plane malgré cela tout au long du film en dit long sur l'efficacité de ce scénario à saveur biblique.

En tout et pour tout, Richard Donner s'applique aussi à livrer un produit costaud d'un bout à l'autre. Sa réalisation solide, appuyée par un montage parfois très adroit, ne laisse aucune place au temps mort. Pourtant, l'histoire prime toujours sur les événements superficiels. Ce sont les environnements, les personnages et la nature de l'intrigue qui confèrent à The Omen son puissant attrait surnaturel et son aura d'épouvante. Une certaine crédibilité se dégage de la façon dont les événements se déroulent. Nous embarquons et notre crainte dépasse cette simple question : « mais qui va mourir en prochain? »

En ce sens, The Omen est un film d'horreur remarquable. Utilisant à très bon escient la mythologie religieuse, il explique sans tout exposer la source de notre peur et arrive à établir le climat propice à la naissance de la terreur. Nous y quittons progressivement nos repères rationnels et nous abandonnons au fur et à mesure que le film avance nos conventions athées. L'instant d'un film, nous voilà prêt à croire aux démons. C'est en partie parce que The Omen semble croire avec nous qu'il s'agit d'une oeuvre d'horreur foncièrement classique et élégante. Cette absence d'ironie est cruciale au bon fonctionnement du mécanisme de l'horreur, peu importe ce que diront Wes Craven et ses disciples.




Version française : Omen
Scénario : David Seltzer
Distribution : Gregory Peck, Lee Remick, David Warner, Billie Whitelaw
Durée : 111 minutes
Origine : Royaume-Uni

Publiée le : 28 Avril 2006