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METROPOLIS (2001)
Rintaro

Par Jean-François Vandeuren

S’amuser à compter le nombre de films ayant été influencés par le chef d’œuvre Metropolis de Fritz Lang est devenu un jeu aussi futile que de chercher à argumenter sur l’importance de Star Wars au sein de la culture populaire. Les thèmes les plus importants soulevés par l’effort de Lang continuent ainsi d’habiter certaines tangentes du récit de science-fiction qui n’annoncent pas un future des plus cléments pour la race humaine. Plusieurs cinéastes contemporains ont de ce fait cru bon de se pencher à nouveau sur quelques unes de ces inquiétudes encore terriblement d’actualités soulevées par ce joyaux de la vague expressionniste allemande et ce, sûrement au grand désespoir de son créateur qui aurait probablement préféré voir ces artistes pouvoir enfin passer à autre chose depuis le temps.

Bien qu’ils arborent tous deux le même titre, ce Metropolis du Japonais Rintaro est avant tout issu du manga d’Osamu Tezuka, dont la source d’inspiration fut, non pas le film de Lang (que Tezuka n’a jamais vu d’ailleurs), mais plutôt son affiche. Le vue de cette simple image semble néanmoins avoir été très évocatrice, car Tezuka parvint à tisser plusieurs liens fort consistants entre son œuvre en devenir et celle de Fritz Lang. Dans le présent effort, la ville de Metropolis est décrite comme le sommet de l’accomplissement humain en termes de technologies et d’organisation sociale. Un détective et son neveu venus de Tokyo pour enquêter sur le cas d’un savant s’adonnant à des expériences non conformes à certaines réglementations sur la robotique découvriront pourtant que tout n’est pas blanc comme neige dans la mégapole, à un point tournant de l’histoire où les machines et les êtres humains coexistent, mais pas toujours de façon harmonieuse.

Sans être un défaut en soi, loin de là, l’approche des plus sombres du film de Lang se voulait souvent d’une lourdeur écrasante. À l’opposée, l’esquisse beaucoup plus légère et, évidemment, plus colorée de Rintaro vient pour sa part servir tout aussi adéquatement une de ses premières initiatives faisant état d’une société où les ficelles du pouvoir sont tirées à l’insu de la population, bien dissimulées sous une enveloppe des plus frivoles. Rintaro et Katsuhiro Ôtomo, réalisateur et scénariste du magistral Akira, auront su trafiquer ingénieusement les idées originales de Lang en reformulant certaines de ses préoccupations dans un contexte plus contemporain. L’effort de Rintaro reprend de cette manière l’idée d’une ville structurée, à la fois dans son fonctionnement et son architecture, à l’image d’une hiérarchie des classes, laquelle comporte d’ailleurs son lot de références visuelles et scénaristiques aux différents régimes fascistes et totalitaires.

Pourtant, esthétiquement parlant, Rintaro s’éloigne considérablement de la situation sociale de l’Allemagne des années 20 pour nous plonger plutôt dans l’atmosphère enjouée des années folles, guidée par une musique jazz se fondant parfaitement à l’ensemble. Le plus impressionnant demeure par contre les références abondantes à divers films de science-fiction, au cinéma muet, par le biais de diverses prises de vue en iris, et plusieurs œuvres importantes qu’assimile avec précision l’effort de Rintaro en gardant le sens des films cités par le biais de personnages ou de mises en situation similaires, mais à des fins fort différentes. Outre Metropolis, on notera certaines ressemblances avec des œuvres contemporaines comme Blade Runner, en plus de classiques comme Citizen Kane et un autre film de Fritz Lang, M le maudit, pour ne nommer que ceux-ci. Rintaro et son équipe livre également un résultat absolument stupéfiant au niveau de l’animation en combinant le style japonais des années 70 et 80 à une approche un peu plus moderne mise en évidence par la fluidité de l’ensemble, ses couleurs extrêmement vivantes, et la création de relief au niveau des environnements, résultat d'une rencontre fructueuse entre l’animation traditionnelle et le numérique.

Évidemment, ce Metropolis de Rintaro demeure à bien des égards incomparable à la grandeur du film de Lang. Mais en même temps, ce ne serait aucunement faire justice au génie bien distinct de ces deux œuvres que de chercher à mettre l’une ou l’autre en valeur. Car en final, Rintaro et Katsuhiro Ôtomo nous propose au niveau de l’animation certains accomplissements prodigieux dignes de ce que les artisans de ce domaine savent faire de mieux. Il est cependant un peu dommage de voir l’ensemble souffrir de quelques ruptures au niveau du rythme qui, même si fréquentes à l’intérieur du cinéma asiatique, affligent dans ce cas-ci le déroulement du récit que l’on sent parfois un peu trop précipité et ce, même si à l’opposée, Rintaro utilise bien souvent l’ellipse d’une manière irréprochable. Malgré tout, Metropolis demeure une œuvre impressionnante, à la hauteur des noms qui lui sont rattachés.




Version française : Metropolis
Version originale : Metoroporisu
Scénario : Katsuhiro Ôtomo, Osamu Tezuka (manga)
Distribution : Yuka Imoto, Kei Kobayashi, Kouki Okada, Toshio Furukawa
Durée : 107 minutes
Origine : Japon

Publiée le : 25 Mars 2006