MALÉFIQUE (2002)
          Éric Valette
          
          Par Alexandre Fontaine Rousseau
          
          À chaque année, la même histoire. Les Français 
          célèbrent la sortie d'un nouveau thriller fantastique, 
          l'annoncent comme marquant la réconciliation tant attendue entre 
          le genre maudit et l'Hexagone et finissent par abdiquer lorsque le reste 
          de la planète rejette la chose avec dédain. «Bon, 
          on l'avoue, celui-là était un peu nase... Mais y'a pas 
          à dire, celui-ci cartonne vraiment!», nous promettent-ils 
          en présentant un nouveau prétendant. Un minable Vidocq 
          par-ci, un médiocre Belphégor par-là et 
          un petit Pacte des loups pour couronner le tout, c'est à 
          croire que les cousins français sont victimes d'une malédiction 
          les empêchant de pondre un produit moindrement décent dans 
          le domaine. Pourtant, les deux coups de génie du duo Jeunet et 
          Caro ont prouvé que France et cinéma fantastique n'étaient 
          pas deux concepts totalement incompatibles, et que cette combinaison 
          avait même un potentiel créatif unique. Il n'en demeure 
          pas moins que l'on attend le candidat franco-fantastique du mois avec 
          la même impatience qu'un nouveau produit américain de John 
          Woo. On espère au mieux qu'il s'humiliera moins que la dernière 
          fois qu'il avait donné de ses nouvelles.
          
          C'est en considérant cet historique récent peu reluisant 
          que Maléfique prend toute sa valeur. Le film d'Éric 
          Valette n'a certes rien de bien remarquable en soi mais il demeure tout 
          à fait potable, une amélioration notable par rapport à 
          un film de la trempe de Vidocq, par exemple. Peut-être 
          est-ce le budget limité accordé à Maléfique 
          qui aura forcé son créateur à ne pas tomber dans 
          la surenchère, ses moyens restreints qui lui auront permis de 
          résister à la tentation de truffer son film de scènes 
          de kung fu gratuites et d'effets numériques bon marché, 
          mais la réserve dont fait preuve son film à ce niveau 
          fait du bien à voir. En fait, ce petit huis clos relativement 
          bien orchestré fonctionne justement parce qu'il concentre ses 
          efforts à faire fonctionner quelques éléments précis 
          plutôt que de s'éparpiller vainement en tentant d'en mettre 
          plein la vue avec le huitième du budget d'un film américain.
          
          Maléfique se situe donc principalement dans une cellule 
          de prison où cohabitent un vieux meurtrier, un criminel financier, 
          un transsexuel et un déficient mental. L'équilibre précaire 
          de leur situation est rompu lorsque l'un d'entre-eux trouve un vieux 
          livre à l'allure étrange qui s'avère être 
          le journal intime d'un ancien prisonnier un peu sorcier. C'est dans 
          ce journal que celui-ci consignait ses expérimentations avec 
          la magie noire, quelques tours que les détenus eux-mêmes 
          essaieront bien vite. Évidemment, l'accès à cette 
          force mystique fera naitre chez certains d'entre eux l'espoir d'être 
          libres plus vite que prévu. Il n'y aurait pas de quoi faire un 
          film si tout se déroulait comme prévu. À partir 
          de cette histoire somme toute convenue, Valette arrive à concevoir 
          un thriller surnaturel relativement intriguant qui réussit à 
          tenir le spectateur en haleine du début à la fin. Sans 
          offrir quoi que ce soit de véritablement nouveau, Maléfique 
          est un film de genre efficace auquel on peut malgré tout reprocher 
          la facture légèrement télévisuelle.
          
          On est donc ici bien loin du ratage total que l'on était en droit 
          de craindre. Maléfique s'avère un film fantastique 
          ponctué de touches d'horreur tout à fait digeste qui plaira 
          aux amateurs du genre et laissera probablement les autres de glace. 
          Le jeu sinistre de Philippe Laudenbach est le point fort d'une distribution 
          compétente qui ajoute à la crédibilité du 
          projet. Sans être vraiment remarquable, le long-métrage 
          d'Éric Valette évite malgré tout les divers pièges 
          dans lesquels sont tombés la majeure partie des films fantastiques 
          français des dernières années. Comme quoi on peut 
          en faire plus avec moins, une leçon fort importante que Pitof 
          et ses camarades devraient étudier le plus sérieusement 
          du monde.
        
          
         
        
        
        Version française : -
        Scénario : 
Alexandre Charlot, François Cognard
        Distribution : 
Gérald Laroche, Philippe Laudenbach, Clovis 
        Cornillac
        Durée : 
90 minutes
        Origine : 
France
        
        Publiée le : 
29 Octobre 2004