LIFE OF BRIAN (1979)
Terry Jones

Par Frédéric Rochefort-Allie

Irrévérencieux, critiques et audacieux, les Monty Pythons n'ont jamais craint les tabous. En fait, ils les ont brisés. Ils ont joyeusement massacré la Mythologie Anglaise, ont fait des pitreries monumentales sur les ondes et cette fois, avec Life of Brian, ils ont détruit la religion en général. Au nombre de films qui glorifient l'histoire de celui qu'on nomme «le fils de Dieu» ou «le roi des Juifs», il fait bon d'en voir au moins un plus acerbe à ce propos, un film qui ose défier la loi du politically correct. Car non, rien n'était à l'épreuve des Pythons dans les années 70-80, pas même Jésus.

Brian (Graham Chapman), voisin de Jésus de naissance, se retrouve malgré lui à la tête d'un culte religieux, devenant ainsi le messie tant attendu. Brian sera aussi l'étendard du Front Populaire de Judée (et non du Front de Judée Populaire), lequel visera à détruire l'empire Romain.

À tout ceux qui pensent que La Passion du Christ est un film véritablement controversé, un visionnement de Life of Brian s'impose. Il ne suffit pas que de montrer le Christ souffrir au bout de son sang et de voir sa chair se déchiqueter tranquillement aux coups de fouets, puis de voir du sang qui s'éclabousse durant 20 interminables minutes pour faire passer un message ou pour relater la vie du Christ de façon originale. Life of Brian, lui, traite tout avec humour, et une certaine légèreté qui est pourtant étrangère aux péplums. Avec ses gags hilarants, Life of Brian est très certainement le film le plus agréable à regarder portant sur «la vie de Jésus» de toute l'histoire du cinéma et aussi le plus pertinent. Le film se fait juge de la religion en général, touchant l'ensemble des religions. Nulle n'est épargnée, pas même les Romains, qu'on présente ici comme des êtres quelque peu idiots, violents mais néanmoins cultivés. Le film peut choquer certaines personnes plus sensible par rapport au respect de leurs valeurs et croyances, mais la capacité de rire de soi n'est pas une forme de vertu valorisée par la religion? D'autant plus que Jésus n'est jamais directement pointé du doigt, c'est son entourage qui est la cible directe des Pythons. Même sous les centaines de gags, on y trouve un regard sévère sur le culte des individus qu'on proclame messies et sur l'intégrité de la mission des Églises. Un sujet que les Pythons ont enfin abordé de plein front. Contrairement au reste de leur brève mais imposante filmographie visant un humour absurde, Life of Brian a une ligne directrice et un but précis et c'est justement ce qui lui donne cette consistance et cet impact que n'ont pas Holy Grail et le disparate Meaning of Life.

John Cleese, Michael Palin, Terry Jones, Eric Idle, Graham Chapman et le dernier mais non le moindre, Terry Gilliam, sont tous des comédiens d'une polyvalence étonnante. La composition du groupe est parfaite en soi car elle permet à chaque comédien de tirer le meilleur de lui-même dans un personnage et d'en faire profiter l'ensemble de l'équipe par le fait même. À chacun ses forces! Jouant à la fois le «Messie-malgré-lui» et Biggus Dickus («le sexe, le sexe, c'est tout ce à quoi ils pensent», dirait la mère de Brian), Graham Chapman est littéralement la vedette d'une équipe de superstars, de véritables monstres sacrés de la comédie. Brian est probablement le personnage le plus attachant des Pythons et c'est en grande partie dû au jeu du comédien qui est bien plus sérieux que ses comparses, ce qui crée le juste équilibre entre comédie et délire. L'ensemble crée donc un casting d'une solidité non contestable qui trouve en chacun ses forces et dont les comédiens ont un sens du partage dans leur jeu, qu'on retrouve que trop peu souvent actuellement.

Finalement, Life of Brian est un chef-d'oeuvre de la comédie anglaise. Une oeuvre choc, reléguée injustement par les fans comme étant inférieure à Holy Grail. Il est vrai que le film est moins désopilant que les aventures du Saint-Graal, mais ce film est la pièce maitresse de toute leur filmographie au niveau des critiques sociales. Si l'histoire de Jésus a comblé bon nombre de personnes depuis près de 2000 ans, le film des Monty Phytons, quant à lui, devrait à tout le moins demeurer tout aussi culte tant que la religion existera, ce qui signifie donc «pour des siècles et des siècles. Amen.»