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LADY IN THE WATER (2006)
M. Night Shyamalan

Par Jean-François Vandeuren

Avec les succès coup sur coup de The Sixth Sense, Unbreakable et Signs, M. Night Shyamalan est devenu une véritable icône du nouveau cinéma populaire aux Etats-Unis. Ce dernier n’avait alors pas son pareil pour transposer un récit fantastique dans un contexte pourtant bien ancré dans la réalité. Qu’il s’agisse de fantômes, de superhéros ou d’extra-terrestres, les histoires de Shyamalan épataient de par leur singularité et leur appartenance au quotidien. Évidemment, le cinéaste devint plus ambitieux avec les années, autant sur le plan de la mise en scène qu’au niveau des thématiques. Shyamalan se montra ainsi désireux de réveiller les ardeurs d’une population somnolente d’un point de vue socio-politique ou tout simplement vital. Pour sa part, Lady in the Water dépeint un monde si banalement structuré qu’il peut devenir difficile de trouver un sens à ses actions ou d’y voir quelque chose de transcendant. La ligne entre la réalité et la fiction n’aura jamais été aussi mince dans l’univers de Shyamalan. Cependant, ce dernier ne croise définitivement plus ces deux opposées avec autant d’aisance qu’autrefois.

Le concept derrière Lady in the Water est celui d’un conte que l’on raconte à un enfant avant qu’il s’endorme avec tout ce que cela implique en moments féeriques, en rebondissements et en étranges créatures de toutes sortes. M. Night Shyamalan donne d’ailleurs le ton à son film dès les premiers instants par le biais d’un prologue animé auquel il ne manque que le traditionnel « il était une fois ». Évidemment, l’ensemble est enrobé de diverses morales sur la force du caractère humain dont le cinéaste pèse formidablement le pour et le contre en jouant énormément sur la thématique du destin. Le tout s’aventure dans un récit fort complexe où Cleveland, le concierge d’un immeuble, doit protéger une jeune femme (étrangement nommée Story), laquelle apparut du jour au lendemain dans la piscine des lieux, de viles créatures cherchant à lui faire la peau. À la manière du E.T. de Steven Spielberg (film auquel Lady in the Water rend hommage plus souvent qu’à son tour), il s’en suit une course contre la montre pour que Story puisse retourner saine et sauve auprès des siens.

D’emblée, Lady in the Water avait tout pour être l’opus le plus accompli de Shyamalan à ce jour. Le présent effort récupère d’ailleurs plusieurs thèmes de prédilection du cinéaste en les positionnant dans un espace encore plus restreint qu’auparavant. Malheureusement, ce récit fort ambitieux échappe complètement aux mains de son instigateur qui ne parvient pas à mettre en valeur toute sa richesse et sa complexité sans passer par une suite de stratagèmes pour le moins désolants. Les intentions de Shyamalan sont nombreuses et souvent plus que pertinentes. Voir le cinéaste s’attaquer à son récit en soulevant son incidence à la fois sur ce qu’il présente comme étant la réalité et sur la fiction, le cinéma plus particulièrement, aurait dû normalement mener à une remise en question des plus fascinantes du médium auquel il fait référence.

Comme dans Unbreakable, le réalisateur analyse la réalité à partir de la fiction, de divers contes et du cinéma de manière globale dans le cas présent, à la recherche d’un code dont le sens donnera une raison d’être à ses personnages. La façon dont Shyamalan dirige ce concept sur le passé et le future du personnage de Cleveland s’avère d’ailleurs l’un des points les plus significatifs de l’effort. Le problème est qu’en bout de ligne, l’utilisation de ce procédé devient vite n’importe quoi et Shyamalan finit par souligner des évidences tellement imposantes qu’on dirait qu’il tente bêtement de donner un cours sur le fonctionnement d’un scénario hollywoodien, voire de ses films en général. Les mêmes reproches sont applicables à la façon dont il présente les grandes lignes de son intrigue en les liant maladroitement à une fable chinoise fictive. Ainsi, plutôt que de raconter son film de manière visuelle comme il sut si bien le faire par le passé (et Shyamalan a désormais tout le talent nécessaire à ce niveau pour atteindre des sommets assez vertigineux), ce dernier s’en remet bêtement à de longs et laborieux dialogues explicatifs dont la lourdeur écrase littéralement toute la magie que le cinéaste tente d’insuffler à son film.

Ce qui sur papier avait tout d’un grand film finit par s’embourber dans sa propre complexité, tentant ainsi de faire du sens par tous les moyens possibles en sacrifiant au passage autant l’impact du discours que du récit. L’erreur fatale de Shyamalan aura été dans ce cas-ci de ne pas faire suffisamment confiance au spectateur et de lui expliquer les mêmes points à outrance pour être sûr et certain qu’il ait bien compris. Une faute que ce récit pour enfant destiné à un public adulte aurait dû être en mesure d’éviter. Malgré tout, le réalisateur signe sa mise en scène la plus somptueuse et sophistiquée à ce jour, laquelle entre parfaitement en harmonie avec la direction photo toujours impeccable du maître Christopher Doyle. L’effort compte d’autant plus sur une distribution de haut calibre où brillent le toujours excellent Paul Giamatti et la jeune Bryce Dallas Howard. Mais pour chaque étape que Shyamalan franchit dans la progression de son style visuel, il semble reculer d’un pas pour ce qui est de l’ingéniosité narrative. Lady in the Water se situe tout de meme une bonne coche au dessus de l’embêtant et souvent manipulateur The Village. Un échec désolant qui n’aurait normalement pas dû en être un. Espérons que Shyamalan retrouvera ses esprits d’ici peu.




Version française : La Dame de l'eau
Scénario : M. Night Shyamalan
Distribution : Paul Giamatti, Bryce Dallas Howard, Jeffrey Wright, Cindy Cheung
Durée : 110 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 25 Août 2006