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KEANE (2004)
Lodge H. Kerrigan

Par Alexandre Fontaine Rousseau

William Keane (Damian Lewis) erre dans un terminus d'autobus. Il cherche sa fille, enlevée dans cette même gare sans laisser de traces il y a six mois de cela. Rongé par la culpabilité, l'homme confus demande aux passants s'ils ont vu sa fille en utilisant un vieil article de journal annonçant sa disparition. Le soir, il boit et se drogue pour oublier ses remords et la seule pensée qui le traverse. Le jour, il cherche. Mais son enquête boiteuse ne peut mener à rien. Ce n'est en fait qu'une façon pour William de noyer son chagrin et de nourrir une sérieuse psychose traumatique. Il rencontre par hasard dans un hôtel miteux Lynn (Amy Ryan) et Kira (Abigail Breslin), une mère et sa fille qui attendent impatiemment des nouvelles d'un mari s'étant évaporé à la recherche d'un emploi. Il obtient rapidement leur confiance et développe une relation particulièrement forte avec la jeune Kira.

Fascinante plongée dans l'univers de l'obsession, Keane, troisième film de l'Américain Lodge Kerrigan, s'avère l'une des premières bonnes surprises de cette trente-quatrième édition du Festival du nouveau cinéma. Malgré un synopsis en apparence conventionnel, les intenses sensations que provoque chez l'auditeur ce violent petit thriller psychologique relèvent d'une maîtrise incroyable du médium cinématographique. Si l'art du cinéma tient surtout du traitement, ce Keane produit par Steven Soderbergh est un film tout simplement exemplaire. Tour à tour étouffant et touchant, le film de Kerrigan captive parce qu'il entre sans retenu dans la tête de son protagoniste. Un personnage remarquable parce qu'à la fois insolite, compréhensible et imprévisible.

On pourra établir plusieurs liens pertinents entre Keane et le Spider de David Cronenberg, un autre film complètement consacré à un homme prisonnier d'un événement particulier, condamné à le revivre sans cesse. Mais au contraire du décevant film du réalisateur canadien, un projet à l'esthétique léchée victime de sa lourdeur freudienne et de sa terrible prévisibilité, Keane tient en haleine du début à la fin et troque les plans calculés à l'extrême pour un style vif et mordant plus près de l'énergie paranoïaque de son personnage principal.

En fait, cette énergie malsaine est si contagieuse que lorsque Lynn confie Kira à William pour une soirée, notre réflexe automatique est de craindre le pire. C'est cette tension constante que commande un montage nerveux et la performance spectaculaire de l'acteur anglais Damian Lewis qui élèvent Keane bien au-dessus de tous ces clichés éculés habituellement associés à ce genre d'histoires portées au grand écran. Tout aussi nuancé dans son interprétation que la surprenante Abigail Breslin, Lewis arrive à traduire toute la complexité de son personnage et par le fait même toute celle de sa relation ambiguë avec Kira. Confond-t-il cette fillette et celle qu'il a perdu? Serait-il rongé par le désir de la violer?

Déstabilisant, ce Keane l'est sans aucune retenue. Heureusement, Kerrigan évite agilement la facilité, le sensationnalisme ou l'effet de choc pour nous livrer un thriller soutenu et très crédible qui épouse la psychologie de son personnage principal au lieu de l'exacerber de manière malhonnête. Essai filmique convaincant sur la folie et la fixation pathologique, Keane est exactement ce genre de cinéma indépendant américain que l'on voudrait voir plus souvent. Il est tout simplement dommage qu'il ne soit pas distribué convenablement chez nous.




Version française : -
Scénario : Lodge H. Kerrigan
Distribution : Damian Lewis, Abigail Breslin, Amy Ryan, Brenda Denmark
Durée : 100 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 19 Octobre 2005