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JUNK (2006)
Denis Neimand

Par Jean-François Vandeuren

Depuis quelques années, le cinéma russe a entamé sa modernisation dans le domaine du divertissement et des films de genre où il réussit à s’imposer nationalement tout en obtenant une certaine notoriété un peu partout à travers le monde. L’initiative mena d’ailleurs au plus important succès commercial de l’histoire du pays avec Night Watch. Mais contrairement à d’autres pays d’Europe tentant en vain d’imiter les grosses productions américaines, des cinéastes comme Timur Bekmembetov et Denis Neimand trouvèrent le moyen d’exploiter cette formule tant convoitée tout en imposant leurs propres règles. Ces derniers misèrent évidemment sur la dynamique extrêmement léchée et réglée au quart de tour imposée par les toutes dernières tendances en la matière. Mais plutôt que de stagner sur l’utilisation d’un effet en particulier, les deux cinéastes parvinrent à renouveler constamment leur approche au cours d’un même film pour surprendre continuellement le spectateur par des idées pas forcément innovatrices, mais mises en scènes de façon fort originale, voire souvent spectaculaire. De sorte que de bien des manières, c’est désormais la Russie qui aurait quelques leçons à apprendre aux cinéastes hollywoodiens…

Dans Junk, une journaliste blasée est appelée à faire équipe avec un détective pour enquêter sur le cas d’un prédateur sexuel s’étant récemment évadé du centre psychiatrique où il était détenu. Aux dernières nouvelles, ce dernier se serait réfugié dans une ville abandonnée où vivent reclus de nombreux criminels en cavale et quelques individus simplement désireux de vivre loin des normes sociales. La jeune femme fera toutefois face au pire lorsque son acolyte sera froidement assassiné en ces lieux peu cléments. Se retrouvant à la merci de cette populace hostile et quelque peu excentrique, elle tentera évidemment de renouer le plus rapidement possible avec la civilisation.

Dans un premier temps, le film de Denis Neimand épate de par sa mise en scène extrêmement énergique sur laquelle il affiche un contrôle hors du commun. Sa réalisation conserve ainsi l’aplomb d’une démarche artistique laissée dans un état brut, laquelle est appuyée par l’usage fort à propos d’une caméra particulièrement nerveuse et d’une direction photo aux couleurs éclatantes, tout en s’affichant sous un jour somme toute assez raffiné. S’il s’inspire sans grande subtilité des modèles américain et britannique, Junk n'en reproduit toutefois pas les erreurs à la manière d’une vulgaire copie carbone. Étonnamment, le présent effort s’avère souvent plus réfléchi et n’accumule pas les effets de style de manière superflue. Un sens de la retenue qui finit par rapporter lors des séquences plus mouvementées, permettant d’ailleurs à Neimand de signer l’une des scènes de poursuite les plus enlevantes et, surtout, les mieux filmées depuis un bon moment.

Par contre, Junk se libère complètement du modèle hollywoodien traditionnel grâce à sa structure dramatique. Le scénario de Konstantin Murzenko s’imprègne ainsi parfaitement de l’anarchie caractérisant l’univers du film, misant du coup sur une progression narrative pour le moins inhabituelle, mais tout de même fort cohérente si l’on considère la forme et le temps du récit. En ce sens, le scénariste utilise savamment sa protagoniste comme fil conducteur et ne s’intéresse qu’aux événements ayant un impact sur l’existence de cette dernière dans l’immédiat. Murzenko et Neimand nous propose en soi de suivre la tournure inhabituelle que prit la vie de la jeune femme sur une courte période de temps. Junk s’engage alors dans les rouages chaotiques d’un scénario autour duquel gravitent diverses sous intrigues indépendantes les unes des autres. Le duo s’efforce d’ailleurs de rendre l’ensemble un peu plus réaliste autant en ce qui a trait à l’action qu’aux comportements des différents personnages en abandonnant carrément certains de ces enjeux en cours de route. Aucun personnage secondaire n’a alors à sacrifier ses intérêts à des fins purement scénaristiques.

Avec Junk, Denis Neimand signe un exercice de style imprévisible auquel il confère une allure de bande dessinée supportant parfaitement l’univers déréglé dans lequel prend forme le scénario impitoyable de Konstantin Murzenko. Ce cocktail explosif avance ainsi à un train d’enfer sans jamais prendre le soin de regarder en arrière, adoptant du coup son propre rythme de croisière en délaissant complètement la plupart des règles de base de la scénarisation. Neimand et Murzenko n’en font ainsi qu’à leurs têtes tout en restant étonnamment lucides. Une initiative risquée qui, en soi, aurait pu tourner à la catastrophe à n’importe quel moment. En ce sens, le moins que l’on puisse dire est que Junk ne manque pas d’air, ni d’ambitions d’ailleurs. Les cinéastes aux commandes possédaient fort heureusement le talent nécessaire pour mener cette expérience à terme sans trop d’accrochage.




Version française : -
Version originale : Zhest
Scénario : Yusup Bakshiyev, Konstantin Murzenko, Denis Neimand
Distribution : Yelena Babenko, Mikhail Yefremov, Vyacheslav Razbegayev
Durée : 110 minutes
Origine : Russie

Publiée le : 31 Août 2006