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JIMMYWORK (2005)
Simon Sauvé

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Il est plus simple de mettre la main sur une caméra que d'obtenir une subvention. Le raz-de-marée DIY secouant actuellement la production indépendante québécoise est le reflet de cette réalité : les jeunes réalisateurs contournent les institutions traditionnelles et tournent librement avant de présenter l'ébauche d'un projet aux distributeurs potentiels. Les résultats ne sont pas toujours convaincants : le médiocre Bonzaïon capitalisait sur ses origines modestes pour cultiver notre pitié, La Planque était un exercice de style incomplet sur un thème éculé tandis que les récents États nordiques de Denis Côté s'éparpillaient à la recherche d'une direction tangible. Le premier film de Simon Sauvé, Jimmywork, est le fruit d'un tournage s'étalant sur quatre ans. Éclectique, divertissant et techniquement ingénieux, il s'agit du premier film de cette vague à combler pleinement nos attentes en tant que cinéphile et du meilleur essai en son genre depuis les docu-fictions acerbes de Robert Morin. Plus léger que ceux-ci, mais tout même étrangement déstabilisant à sa manière, le film de Sauvé oscille sauvagement entre la comédie trash et le drame humain décalé pour finalement s'établir comme une sorte de Big Lebowski du Mile-End.

C'est dans ce quartier grouillant de Montréal que se terre Jimmy Weber, un vieux ''criss'' excentrique à souhait aspirant à produire une série de publicités pour vendre le Festival western de Sainte-Tite aux Américains. Dans un premier temps, Sauvé nous plonge dans l'univers de cette créature fascinante. Inoffensif paumé, Jimmy passe de la cuisine au dépanneur nonchalamment. Il boit et fume sans trop se poser de questions tandis que son vieux père se meurt à l'hôpital. C'est lorsque sa proposition boiteuse est refusée par la direction du festival que Jimmy perd quelques boulons et passe au plan B : il décide de kidnapper la précieuse réserve de bière de l'événement, carburant essentiel à son bon fonctionnement. Bien entendu, l'arnaque mal complotée ne fonctionnera pas comme prévu.

Pour sa part, Jimmywork est un engrenage réglé au quart de tour qui dépasse nos attentes. De toute évidence, le passé de monteur de Simon Sauvé informe sa façon d'approcher la réalisation. À partir de 200 heures de vidéo, il compose un hybride parfait entre le documentaire et la fiction où la frontière de la réalité est difficile, voire impossible à définir. Son film transcende ses origines modestes pour établir une esthétique crue qui lui est propre, exploitant avec brio une photographie en noir et blanc dont le grain est exacerbé avec verve. Alimenté par une trame sonore oscillant entre le country et le post-rock, Jimmywork ose avoir du caractère à revendre et n'hésite aucunement à cultiver le côté malpropre de sa finition à des fins heureusement compréhensibles. Pourtant, Sauvé ponctue ce portrait crasseux d'instants de poésie qu'un montage fluide intègre parfaitement à la trame narrative du film.

À l'instar de Roger Toupin, épicier variété, Jimmywork fonctionne parce qu'il fixe son objectif sur un personnage intéressant et inusité. Le regard que Sauvé pose sur Weber est empreint d'une authentique fascination mêlée d'affection. Notre appréciation suit celle du réalisateur jusqu'au moment où le protagoniste révèle sa vraie nature, beaucoup moins sympathique, lors du fameux vol autour duquel tourne le dernier tiers du film. Ces séquences exigeront d'ailleurs du cameraman une participation plus active au drame qui se trame.

Divertissement rocambolesque livré dans une forme faussement authentique, Jimmywork étonne, et plaît parce qu'il ne se préoccupe pas des barrières habituelles sans nécessairement intellectualiser à outrance sa démarche. Sauvé ne sent visiblement pas le besoin de justifier l'approche que préconise son film et c'est tant mieux ainsi. Car cette désinvolture lui permet de livrer un film franchement amusant et férocement original auquel il est facile de s'attacher. Si certains petits films portent bien mal leurs limitations budgétaires, Jimmywork exploite les siennes avec ingéniosité. À défaut d'offrir un film profond, Simon Sauvé vient de signer un OVNI cinématographique des plus réussis en plus de se nantir d'une carte d'affaires très convaincante.




Version française : -
Scénario : Simon Sauvé
Distribution : James G. Weber, Manzur Ahsan Chowdhury, Simon Sauvé
Durée : 81 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 25 Juin 2006