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IRRÉVERSIBLE (2002)
Gaspar Noé

Par Jean-François Vandeuren

Société perverse que nous sommes, il fallait bien s’attendre à ce qu’un jour un cinéaste vienne repousser les limites de l’acceptable. Par l’entremise d’un des crimes les plus odieux (le viol), voilà ce que le controversé réalisateur Gaspar Noé nous offre avec Irréversible, une oeuvre à mi-chemin entre le film qui pourrait satisfaire les amateurs de films pornos sado-masochistes et, à l’opposée, un film arborant une approche visuelle à la fois dérangeante, forcée et déroutante. Vous lirez dans les prochaines lignes les écrits d’un spectateur troublé. Pourtant manipulé par les médias depuis sa tendre enfance de façon à ce qu’il soit désensibilisé face à toutes formes de violence gratuite, ce dernier n’aura pu qu’être franchement ébranlé par un des films les plus controversés présentés lors de l'édition 2002 du Festival de Cannes, et même depuis un bon moment à aussi grande échelle en Occident.

Irréversible nous raconte décroissement l’histoire d’un homme (Vincent Cassel) cherchant à venger le meurtre et le viol de sa femme (Monica Bellucci). Le film débute, suite à un dialogue auquel un certain sens sera amené par la suite du spectacle, sur la scène extrêmement explicite du meurtre du violeur en question par le personnage de Cassel. À partir de ce point, on retourne constamment en arrière pour suivre les événements s'étant déroulés pendant le reste de la journée de façon à ce que soit mise en contexte la thématique sur laquelle Irréversible repose presque entièrement.

Il faut tout d’abord reconnaitre la grande force de caractère des principaux acteurs, notamment celle de Monica Bellucci, non pas nécessairement pour la justesse du jeu, mais plutôt pour la lourdeur de l’énorme tâche que cela a dû impliquer. Une des scènes les plus percutantes de l’essai nous expose pendant de très longues et insupportables minutes au viol en temps réel du personnage de cette dernière. Et le pire, c'est que le tout nous est présenté en un seul plan séquence qui deviendra subitement immobile lors du crime en question. La caméra ne bouge pas d’un centième. Placé au niveau du sol, elle filme le violeur détruire sa victime d’une façon qui en est pratiquement criminelle.

Pour nous raconter son récit, Noé expose son audience à des dialogues souvent incohérents et traite de sujets tels l’amour, l’ambiguïté des relations de couple et l'effet de causalité en empruntant la même structure narrative que celle étant désormais associée à Memento. Une idée justifiable par la morale du film livrée d’une façon on ne peut plus claire: le temps détruit tout. Autre fait intéressant: chaque scène est composée d’un seul plan séquence. Cela donne lieu à certains moments assez étourdissants où Noé exécute ses raccords en faisant aller sa caméra à droite et à gauche en ne filmant rien de bien précis pour esquisser une sorte de dégringolade. Si The Blair Witch Project vous avait donné mal à la tête, attendez-vous à pire dans ce cas-ci. Et vue l’extrême violence graphique présente dans l'effort, et surtout le réalisme percutant et parfois intolérable de ces images, on se demande vraiment comment Noé a pu en arriver à un résultat aussi crédible. Certains points sont à souligner également en ce qui a trait à l'excellente direction photographique de Benoît Debie et Gaspar Noé qui arpente savamment certains rouages du numérique, ce qui contribue énormément à l'atmosphère lugubre du film, et à une trame sonore prenant la forme de bruits et de distorsions qui ne sont pas sans rappeler les élans sonores détraqués de The Texas Chainsaw Massacre de Tobe Hooper.

Ce qui est étrange dans le cas d'Irréversible, c’est qu’on en ressort sans trop savoir si on a potentiellement apprécié ou si on a profondément détesté. Gaspar Noé nous amène dans un voyage aux idées intéressantes et exploitées de façon macabre et on ne peut plus graphique grâce à une signature des plus uniques, quoique tout de même fort discutable. À croire que vouloir en faire trop se résume souvent à ne pas réussir à en faire suffisamment ou à aller dans des directions qui ne sont pas nécessairement justifiables. Et c'est bel et bien le cas de cette chronique un peu trop simplette. Comme si à travers une thématique de désespoir, Noé se donnait des grands airs, cherchant par contre beaucoup plus à choquer son auditoire qu’à réellement mettre en relief les instincts barbares de notre société qu'il ne fait souvent qu'effleurer. Bref, un film intéressant, mais dont l’approche ne permet pas nécessairement d’aller plus loin qu’en surface. Troublant, mais une seconde visite ne s’impose pas forcément.




Version française : -
Scénario : Gaspar Noé
Distribution : Monica Bellucci, Vincent Cassel, Albert Dupontel, Jo Prestia
Durée : 95 minutes
Origine : France

Publiée le : 26 Juillet 2003