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IMMORTEL (AD VITAM) (2004)
Enki Bilal

Par Jean-François Vandeuren

Depuis que les grands studios se sont proprement donné le défi de se remplir les poches à outrance par le biais de l’adaptation des œuvres les plus prolifiques de Marvel Comics, on a eu fortement tendance à oublier que la bande dessinée n’est pas seulement synonyme de mise en scène d’un héros luttant contre les diverses injustices prenant forme dans un monde décadent. À l’opposé, certains artistes utilisent à tout aussi bon escient cette forme d’art pour illustrer au public l’univers qu’ils ont imaginé et lui raconter une histoire où par exemple s’entrechoquent personnages aux motivations bien définies ou quelque peu nébuleuses au départ dans un contexte qui les unit tous d’une façon où d’une autre. C’est donc précisément ce que l’artiste Enki Bilal a à nous offrir par l’adaptation libre de sa série de bandes dessinées intitulée La Trilogie Nikopol.

Nous sommes à New York en 2095. D’une pyramide planant depuis peu au dessus des infrastructures de la mégacité, le Dieu Horus sortira pendant une période s’étalant sur sept jours pour trouver un hôte compatible qui lui servira d’intermédiaire dans l’enfantement de sa progéniture avec une femme appartenant à une race rarissime possédant le pouvoir unique de procréer avec les dieux. Dans ce monde futuriste imagé presque entièrement par l’entremise d’un assemblage majestueux de pixels, Bilal nous situe dans un contexte narratif où il est rapidement évident que la trame principale de ce récit ne se retrouve pas du point de vue d’un protagoniste en soi. Il se retrouve plutôt au niveau du développement même de cette histoire où s’opposeront plusieurs groupes distincts dans un jeu de marionnettes dévoilant peu à peu ses ficelles et qui les tirent. Dans un premier temps, la vision de cette ville du future paraitra incroyablement familière. Ce New York où règne gris et gratte-ciel mélangés à une technologie cacophonique n’est pas sans nous rappeler les Blade Runner et The Fifth Element de ce monde. Mais ce qu’il faut savoir par contre, c’est qu’à la base, il s’agit d’un univers futuriste qu’Enki Bilal contribua largement à développer puisque ceux derrières ces opus antérieurs ont eu comme source d’inspiration l’oeuvre dessinée du réalisateur français d’origine yougoslave.

De ce point de vue, Bilal présente aussi dans les mêmes variantes propres à la science-fiction une thématique sur l’être humain et ce qu’elle implique en terme de conception tout en remettant en question par la suite son obsession face à l’artificiel pouvant lui offrir une ouverture (truquée) vers un idéal de perfection. Toutefois, le coeur même d’Immortel ne se consomme pas en une idée visant à transformer l’opus en un cours de sociologie. Le but premier de Bilal est de nous plonger dans une atmosphère fantastique où il mélange habilement technologie et mythologie pour ainsi nous raconter son histoire. Objectif qu’il réussit à atteindre magistralement par le biais d’une démarche visuelle incroyablement riche, mais qui comporte toutefois quelques faiblesses.

D’une part, les personnages importants de ce New York cimenté à l’extrême ne sont pas campés entièrement par une distribution d’acteurs faits de chair et d’os. Le casting humain est allègrement complété par un entourage créer par ordinateur. Idée plutôt bizarre vue la variation constante entre ces effets visuels passant de l’incroyablement spectaculaire au quelque peu convainquant. Cependant, dans un film au contexte dessiné, Bilal vient en même temps marqué son opus d’une signature témoignant d’une époque où l’animation ne se fait plus sur les planches à dessins à l’aide de papiers et de crayons, mais plutôt sur l’écran d’un ordinateur par le biais d’un clavier, d’une souris et d’une panoplie de logiciels d’animation repoussant de plus en plus les limites du réel. Toutefois, il faut donner à toute l’équipe de la conception visuelle une bonne main d’applaudissement. Les décors autant réels que numériques sont à couper le souffle et Bilal sait comment utiliser cet univers pour le mieux. Tout l’aspect esthétique de l’effort est en effet assez bien composé du point de vue d’une réalisation accentuée d’une touche poétique hallucinante et surtout de la superbe photographie composée de couleurs et d’effets flamboyants qui sont à couper le souffle et qui viennent donner à Immortel la touche primaire de son look tiré tout droit d’une bande dessinée. Un tour de force. Pour compléter l’expérience, la trame sonore composée par Goran Vejvoda propose une ambiance musicale planante accompagnant à la fois l’aspect technologique et mythologique du film. Notons également la présence plus qu’apprécier de quelques pièces du répertoire du groupe islandais Sigur Rós que l’on jurerait destinées à cette bande sonore.

Si au départ on sort d’Immortel aussi satisfait que déçu, pas de doute que plus l’univers de Bilal traine dans notre tête, plus cette déception tend à disparaitre. Un film au visuel saisissant qui comporte toutefois quelques petits problèmes au niveau d’un montage faisant parfois une union plutôt brusque entre les scènes. Immortel demeure néanmoins une épopée de science-fiction proposant des idées variées et souvent assez impressionnantes. Enki Bilal se dévoile comme un raconteur visuel hors pair.




Version française : -
Scénario : Enki Bilal, Serge Lehman
Distribution : Linda Hardy, Thomas Kretschmann, Charlotte Rampling
Durée : 102 minutes
Origine : France

Publiée le : 19 Juillet 2004