I HEART HUCKABEES (2004)
David O. Russell

Par Louis-Jérôme Cloutier

Après une satire ayant passé inaperçue et présentant la Guerre du Golfe d’une façon plutôt délirante et inédite, David O. Russell s’offre une comédie de moeurs qui n’est pas sans rappeler les univers de Kaufman, Gondry et Jonze. Place à I Heart Huckabees, la première comédie «existentielle» si l’on croit la publicité du film. Si cela n’est pas totalement exact, la dernière création de Russell est effectivement plutôt originale. Un spectateur qui n’aurait pas reçu de mise en garde risque d’être un peu perdu à travers cette histoire complètement loufoque. C’est d’ailleurs le problème majeur de ce film qui aurait facilement pu s’inscrire dans un top 10 de 2004. Le scénario part malheureusement dans tous les sens de façon échevelée.

Difficile de dénicher une ligne directrice à travers ce manque total de cohésion. Et tout cela n’est pas pour offrir un timing simplement différent, l’histoire va dans le même sens durant tout le visionnement, mais bonne chance pour suivre son parcours. Bien sûr, on ne se retrouve pas face à un Mulholland Dr. version comédie, reste qu’il est facile de perdre le fil par la moindre minute d’inattention. Plutôt rare que ce genre de film demande un niveau de concentration aussi élevé. Même dans ce cas, il n’y a pas grand chose à véritablement comprendre autre que les quelques réflexions sur la société bombardée à gauche et à droite. Totalement imprévisible certes, mais presque exaspérant.

Pour faire une histoire courte, I Heart Huckabees se centre sur deux détectives plutôt hors du commun. Bernard (Dustin Hoffman) et Vivian Jaffe (Lily Tomlin) enquêtent sur des cas de problème existentiels, celui d’Albert Markovsk (Jason Schwartzman), un écologiste en pleine crise d’existence étant leur plus récent dossier. Ils se mettent donc à épier ses moindres faits et gestes afin de dénicher la source du problème. S’entrecroise dans cette histoire Brad (Jude Law), un cadre de la chaine de commerce Huckabees qui a maille à partir avec Albert, Tommy (Mark Wahlberg), un autre client du couple de détectives qui se lie d’amitié avec ce dernier et Catherine Vauban (Isabelle Huppert), une rivale des Jaffe.

Malgré les problèmes soulevés précédement, I Heart Huckabees est un bon film qui vaut le coup d’être vu. Cependant, il ne risque pas de plaire à tous, ayant davantage de chance de plaire aux fans de comédies qui sortent complètement des sentiers battus. Si tous les films, sans exception, de Charlie Kaufman vous répugnent au plus au point, vous pouvez mettre un «X» sur I Heart Huckabees. Pour les autres, il s’agit d’un film qui risque de vous plaire. Que ce soit sa réalisation inventive et énergique, sa photographie très soignée ou simplement l’exentricité de l’histoire, le film de David O. Russell recèle de bons moments. Traitant de certains sujets de tendance moderne concernant l’environnement, la consommation ou la publicité, le film regorge de répliques savoureuses. Autres moments fort réjouissants, on présente à l’aide d’effets numériques des rêves et pensées des personnages, un résultat fort réussi qui est tout à fait dans le ton du film.

En plus, la distribution dégage un enthousiasme bien sympathique, transmettant leur énergie à l’autre côté de la caméra. Les différents personnages, un peu plus disjoncté les uns que les autres, sont très bien interprétés. Mentionnons Dustin Hoffman et Lily Tomlin dans ce couple de détectives des plus bizarroïdes, ou encore Jude Law qui semblait être dans chaque production de l’an passé, à notre grand plaisir. David O. Russell arrive définitivement à tirer le meilleur de Mark Whalberg qui livre un jeu très satisfaisant comme c’était le cas dans Three Kings.

Bref, si I Heart Huckabees vous semblait moindrement un drôle d’animal piquant votre curiosité, n’hésitez pas à voir cette comédie burlesque remplie de bons côtés. Mais quel dommage, quelle déception que le scénario soit aussi décousu. C’est probablement pour cette raison que le film est resté plutôt discret, conjugué au fait qu’il ne s’adresse clairement pas à tous. Si vous êtes prêt à suivre à votre maximum d’attention une comédie qui ne semble pas faire beaucoup de sens, vous risquez néanmoins de vous y retrouver.